préemption

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préemption - Page 12

  • De quelques erreurs en matière de préemption

    Source : Service public, le site de l'administration française

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    Extraits : "Peut-on s'opposer à l'exercice du droit de préemption urbain ?

    Vous êtes propriétaire d'un bien immobilier que vous souhaitez vendre et la mairie décide d'exercer son droit de préemption.

    Sachez que, comme tous les actes administratifs, la décision de préempter, soumise par ailleurs au contrôle de légalité du préfet, peut faire l'objet d'un recours en annulation.

    Vous devez saisir le tribunal administratif dans un délai de deux mois.

    Un tel recours, bien sûr, ne s'engage pas à la légère. Pour ne pas être abusif, il doit s'articuler autour de moyens tirés de l'illégalité de la décision.

    (...)

    Bon à savoir : vous pouvez aussi contester la décision de préempter en invoquant l'illégalité même du plan d'occupation des sols.

    Les textes de référence cités vous aideront à exposer juridiquement vos arguments.
    "

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    Commentaire : On trouve de tout sur internet, du plus fiable au parfaitement fantaisiste. On peut penser à priori que lorsque l’information a pour origine une source officielle, elle est exacte et complète.

    Erreur ! Le site officiel de l’administration française, le site Service public, propose une fiche dont un extrait est reproduit ci-dessus et qui est consacrée à la possibilité de s’opposer à l’exercice du droit de préemption.

    Cette fiche n’est guère satisfaisante.

    D’abord, elle laisse entendre que seul le vendeur peut s’opposer au droit de préemption. C’est faux, l’acheteur peut aussi s’y opposer. Il se trouve même dans une situation procédurale plus favorable que le vendeur.

    Ensuite, cette fiche évoque le contrôle de légalité du préfet. C’est vrai en théorie : le préfet peut contester la légalité des actes des collectivités décentralisées. Mais, en réalité, le nombre de déférés préfectoraux est infinitésimal. Dès lors, une personne préemptée a tout intérêt à ne compter que sur elle-même. Ainsi, cette remarque n'apporte pas grand chose, si ce n'est de laisser penser, bien à tort, que l'inaction du préfet vaut brevet de légalité.

    De même, cette fiche indique qu’un recours ne s’engage pas à la légère. Elle évoque aussi le risque qu'il soit qualifié de recours abusif. C’est vrai qu’un recours ne s’engage pas à la légère. Il n’aurait d'ailleurs pas été déraisonnable de rappeler ici qu’un professionnel du droit peut être utilement consulté et qu’une telle consultation évite bien des désillusions à ceux qui pensent qu'ils peuvent agir par eux-même.

    Là où cette fiche est très critiquable, c’est lorsqu’elle agite le spectre du recours abusif. Rappelons que lorsqu’une juridiction considère un recours comme abusif, elle peut infliger une amende au requérant. Cependant, c’est rarissime et à mon avis absolument inenvisageable dans l'hypothèse de la contestation par l'acheteur ou le vendeur de la décision qui s’immisce dans un acte de vente. Contester une telle décision n’a rien d’abusif. Voilà comment on intimide et on décourage de contester des décisions de préemption qui sont elles, en revanche, bien trop souvent abusives.

    On voit donc que l’information « officielle » n'est pas toujours beaucoup plus fiable que les propos que l’on peut glaner ici et là sur internet.

    Benoît Jorion
    Avocat à la Cour d’appel de Paris,
    Spécialiste en droit public

  • Préemption destinée au maintien des locataires : des précisions

    Tribunal administratif de Versailles 3 juillet 2007 Société Resireal c/ Commune de Clichy, req. n° 0610896

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    Extrait : « Considérant qu’il résulte des dispositions précitées des articles L. 210-l et L 210-2 du code de l’urbanisme, d’une part, que les communes ne peuvent décider d’exercer leur droit de préemption urbain dans le cadre de l’article L. 210-2 que si elles justifient, à la date à laquelle elles exercent ce droit, l’avoir exercé conformément aux termes et conditions fixés par l’article L. 210-l du code de l’urbanisme et, d’autre part, qu’elles doivent définir l’objet en vue duquel est exercé ce droit de manière précise dans la décision de préemption;

    Considérant, en premier lieu, qu’il ressort des pièces du dossier que la décision du 27 septembre 2006 mentionne seulement que « le droit de préemption est exercé conformément aux objectifs qui ont présidé à l ‘institution du droit de préemption renforcé dans le cadre de la politique de I ‘habitat de la commune, notamment afin de préserver les droits des locataires et garantir leur maintien dans les lieux à l’occasion de la vente d’immeuble par lots »; qu’une telle mention, qui se borne à reprendre les termes de l’article L. 210.2 du code de l’urbanisme et à indiquer que le droit de préemption est exercé conformément aux objectifs fixés par une délibération du 29 novembre 2005, laquelle, outre qu’elle n’est pas annexée à la décision attaquée, expose en des termes très généraux les axes d’intervention de la commune en matière d’aménagement, n’est assortie d’aucune précision quant aux conditions d’occupation des biens préemptés, au nombre de locataires concernés et à leur situation en cas de cession desdits biens à l’acquéreur indiqué dans la déclaration d’intention d’aliéner ; qu’ainsi, la décision ne répond pas à l’exigence, qui découle de l’article L 210-l du code de l’urbanisme, de description précise de l’objet en vue duquel est exercé le droit de préemption urbain ;

    Considérant, en deuxième lieu, qu’un seul locataire est concerné par la cession litigieuse, laquelle porte sur des locaux en partie vacants, qui ne constituent qu’une partie résiduelle d’un immeuble détenu en copropriété ; que la commune n’établit par ailleurs pas que ledit locataire ne pourra se maintenir dans les lieux pour le cas où les biens considérés serait cédés à l’acquéreur indiqué dans la déclaration d’intention d’aliéner ; que, par suite, la commune ne justifie pas avoir exercé son droit de préemption, conformément aux termes et conditions fixés par l’article L. 210-2 du code de l’urbanisme.
    »

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    Commentaire : Ce jugement constitue l’une des toutes premières décisions rendue par une juridiction administrative du fond et relative à une décision de préemption destinée à permettre le maintien de locataires dans les lieux.

    Cette possibilité de préemption, issue de la loi Aurillac du 13 juin 2006 et codifiée à l’article L. 210-2 du code de l’urbanisme, pose un certain nombre de difficultés d’applications et permet potentiellement beaucoup d’abus (Cf. ma note du 29 juin).

    On ne peut donc que se féliciter de ce jugement rendu par le Tribunal administratif de Versailles qui rattache cette nouvelle hypothèse de préemption au droit commun de la matière et impose, à la fois, une motivation précise et un objet bien défini.

    Ainsi, en matière de motivation, ce jugement estime, à bon droit, que la reprise par la décision de préemption des termes de la loi assortie d’un exposé très général ne suffit pas.

    De même, en ce qui concerne l’objet de la décision, le jugement relève que seul un locataire était concerné, qu’il n’est pas établi qu’il ne pourrait se maintenir dans les lieux du fait de l’acquisition prévue et que l’immeuble était déjà en copropriété. Ainsi, même si le jugement ne le dit pas expressément, il semble bien que ce nouveau droit de préemption se doit d’être lu à la lumière de la loi du 13 juin 2006, qui n’a vocation à s’appliquer que dans des hypothèses limitées.

    Pour ces différentes raisons, la décision de préemption du maire de Clichy a été annulée par le Tribunal administratif de Versailles.




    Benoît Jorion
    Avocat à la Cour d’appel de Paris,
    Spécialiste en droit public

  • Le droit à commission de l'intermédiaire

    Cour de cassation, 1ere chambre civile, 24 janvier 2006, Société Atlan’Immo, req. n° 08-18746

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    Extrait : « Vu l'article 6 de la loi n° 70-9 du 2 janvier 1970, ensemble l'article 73 du décret n° 72-678 du 20 juillet 1972 ;

    Attendu qu'il résulte de ces textes que la substitution du préempteur à l'acquéreur ne porte pas atteinte au droit à commission de l'agent immobilier, tel qu'il est conventionnellement prévu, peu important à cet égard que le prix d'acquisition du bien préempté soit inférieur à celui qui avait été initialement convenu entre vendeur et acquéreur ;

    Attendu que la société Atlant'Immo (l'agent immobilier), chargée par les héritiers de Mme X... de vendre un bien, avait trouvé des acquéreurs au prix de 400 000 francs, lesquels s'étaient engagés à lui payer une commission de 34 000 francs ; que le District de l'agglomération nantaise (le district) ayant fait connaître au notaire chargé d'établir l'acte de vente son intention d'exercer son droit de préemption au prix de 330 000 francs, l'immeuble lui a été vendu à ce prix ; que l'agent immobilier ayant assigné le district en paiement de sa commission, l'arrêt attaqué a rejeté sa demande ;

    Attendu que pour considérer que le district ne devait pas payer de commission, la cour d'appel a retenu que la vente ne s'était pas formée par substitution d'acquéreur mais à la suite d'un nouvel accord "exclusif de tout lien de droit avec l'acte pour lequel l'agent immobilier avait prêté son entremise" puisqu'elle était intervenue, conformément à l'offre notifiée par le district acceptée par les vendeurs, au prix de 330 000 francs "hors taxes charges ou indemnités", à des conditions de prix inférieures à celles du compromis ;

    Qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé les textes susvisés.
    »

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    Commentaire : Outre l’acheteur et le vendeur, l’exercice du droit de préemption peut faire un troisième malheureux : l’intermédiaire (agence immobilière, notaire…) que l’absence de conclusion de la transaction peut priver de sa commission. Il arrive également qu’une décision de préemption réduise, voire supprime, la commission qui avait été fixée au moment du compromis de vente.

    En l’espèce, une préemption avait été exercée à un prix inférieur au compromis de vente. La vente a eu lieu à ce prix inférieur et l’autorité préemptrice a refusé de verser sa commission à l’intermédiaire. En appel, la Cour d’appel de Rennes a admis ce refus, considérant que la vente après préemption constituait un nouvel accord. La Cour de cassation a cassé avec beaucoup de fermeté cet arrêt en posant le principe que « la substitution du préempteur à l'acquéreur ne porte pas atteinte au droit à commission de l'agent immobilier, tel qu'il est conventionnellement prévu ». La Cour précise même qu’il importe peu que « le prix d'acquisition du bien préempté soit inférieur à celui qui avait été initialement convenu entre vendeur et acquéreur ».

    Ainsi, que la préemption ait lieu au prix initialement prévu ou à un prix inférieur, la commission est due à l’intermédiaire. Le paradoxe est donc que l’intermédiaire immobilier est mieux protégé que le vendeur, qui lui peut voir le prix de vente diminué. Encore faut-il toutefois que la vente ait effectivement lieu, ce qui n’est pas le cas si le vendeur renonce à la vente.

    Enfin, on peut signaler une incertitude. Il ne semble pas qu’il ait encore été jugé par le juge administratif si l’oubli ou la diminution de la commission de l’intermédiaire dans la décision de préemption entachait cette dernière d’illégalité.

    Benoît Jorion
    Avocat à la Cour d’appel de Paris,
    Spécialiste en droit public

  • Préemptions systématiques à Paris

    Paris

    LA VILLE PRÉEMPTERA DAVANTAGE D'IMMEUBLES HABITÉS PAR DES FAMILLES DÉFAVORISÉES

    Les Verts parisiens obtiennent gain de cause sur le logement


    Article paru dans l'édition du Monde du 13.12.06

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    A L'INSTIGATION des Verts de sa majorité, le maire PS de Paris, Bertrand Delanoë, a décidé d'endiguer plus activement l'éviction des couches populaires de la capitale, victimes des ventes à la découpe.
    L'exécutif municipal devait s'engager, mardi 12 décembre à acheter « systématiquement les immeubles » privés, sans grand confort sanitaire, habités par des occupants dont le revenu est inférieur à 900 euros.
    Une partie des Verts avait menacé de ne pas voter le budget logement pour 2007, examiné mardi, si l'exécutif ne dégageait pas de nouveaux crédits pour préempter des immeubles habités par des familles défavorisées pour les transformer en logements sociaux. Les élus PCF ont demandé, eux aussi, un effort. « Les difficultés de plus en plus grandes des Parisiens très modestes pour rester dans leur logement à Paris gangrènent les efforts de la Ville pour créer par ailleurs des logements sociaux », constatait mardi, Jean Vuillermoz, président du groupe communiste.

    Les Verts évaluent l'effort financier à 900 millions d'euros par an pendant trois ans pour acquérir les 103 702 logements privés vétustes habités par des ménages qui pourraient prétendre à un logement social. « La préoccupation des Verts est juste. Mais je ne ferai rien qui mette en danger l'équilibre budgétaire », a prévenu, lundi, Bertrand Delanoë.

    « TOURNANT »

    L'adjoint (PS) au maire Christophe Caresche est finalement parvenu à un accord avec les Verts : la Ville s'engage à racheter « le noyau dur » des 103 702 logements, soit 55 000 habitations, avec à la clé une rallonge au compte foncier de 36 millions d'euros en 2007, pour une enveloppe globale de 210 millions.

    « C'est un tournant de la politique du logement social à Paris ! », pavoise François Florès, élu Verts du 18e arrondissement. Jusqu'ici, « la Ville préemptait des immeubles sans se préoccuper de savoir si les habitants étaient modestes ou aisés ». Jean-Yves Mano, adjoint (PS) chargé du logement relativise la portée de la décision : « Pour préempter davantage d'immeubles à bas loyers, encore faudra-t-il qu'il y ait des opportunités de les acheter ! »


    Béatrice Jérôme

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    Commentaire : Cet article illustre bien la pression qui s’exerce sur beaucoup d’élus, conduits en conséquence à faire du droit de préemption la bonne-à-tout-faire de leur politique locale de l’habitat.

    Définir une politique de préemption systématique, ainsi qu’il est relaté ci-dessus, pour un objectif –le maintien d’une population donnée, définie par son niveau de revenu- qui ne figure pas parmi les objectifs légaux du droit de préemption est le meilleur moyen, le jour venu, de prendre une décision illégale.

    La conséquence de l’illégalité d’une telle décision est, outre son risque d’annulation, le risque d’indemnisation qui, au regard du marché immobilier dans la capitale, peut être très lourde pour le contribuable parisien.



    Benoît Jorion
    Avocat à la Cour d’appel de Paris,
    Spécialiste en droit public

  • Préemption des baux commerciaux

    LES DÉCRETS D'APPLICATION DE LA LOI DUTREIL, QUI PERMETTRONT AUX MUNICIPALITÉS DE PRÉEMPTER LES BAUX COMMERCIAUX, AU CONSEIL D'ETAT

    Dans le 11e arrondissement de Paris, la guerre du maire Georges Sarre contre les grossistes chinois


    Article paru dans l'édition du Monde du 13.03.07

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    DANS le 11e arrondissement de Paris, où les grossistes chinois se sont massivement installés ces dernières années, comme dans d'autres quartiers urbains menacés de devenir des zones de monoactivité, le salut pourrait venir de la loi Dutreil. Adoptée par le Parlement en 2005, elle prévoit la possibilité pour les municipalités de préempter les baux afin d'y préserver la diversité commerciale. Il aura fallu quasiment deux ans pour que les décrets d'application soient prêts. Ils devraient être envoyés au Conseil d'Etat pour validation dans la semaine. « Il a fallu du temps », reconnaît Renaud Dutreil, ministre du commerce. « La diversité commerciale justifie l'intervention de l'Etat », nous explique-t-il.

    « On a perdu deux ans, s'offusque le maire du 11e, Georges Sarre. On aurait pu sauver près de 250 boutiques. » Depuis 1995, ce bout réputé « bourgeois bohème » de la capitale vit au rythme d'une monoactivité que ses détracteurs qualifient d' « asphyxiante ». Sur les 850 commerces du quartier Sedaine-Popincourt-Chemin vert, près de 600 sont des grossistes en textile. Des Chinois pour la plupart qui ont créé, en quelques rues, un « supermarché géant » où une clientèle européenne se presse.

    Les riverains dénoncent la disparition des commerces de proximités. D'ailleurs, 500 d'entre eux l'ont rappelé, le 5 février, lors d'une manifestation. La troisième depuis 2003, organisée par le maire chevénementiste du 11e arrondissement et baptisée opération « mairie en colère ».

    « Le problème, ce ne sont pas les Chinois, c'est la présence en centre-ville d'une monoactivité inadaptée au tissu urbain dense de Paris, affirme M. Sarre. Les Chinois ont progressivement tout racheté. »

    Conséquences : les pharmacies ferment les unes après les autres ; boulangeries, marchands de journaux, épiciers connaissent le même sort ; adieu charcutiers et poissonniers ! « Les Chinois sont des envahisseurs économiques, assure Pierre Millet, président de l'association des commerçants du 11e. Ils ont en rien à foutre du quartier. »

    La semaine, c'est la valse des diables sur les trottoirs des rues. Des dizaines de 38-tonnes se succèdent dans les rues étroites. « Dès 8 heures du matin jusqu'au soir, ce sont les concerts de klaxons, les insultes, les rues bloquées », explique un habitant de longue date, Abdallah, 52 ans. Le week-end, c'est morne plaine.
    « Des habitants quittent le quartier car il devient invivable », assure Martine Cohen, présidente d'Agir solidairement pour le quartier de Popincourt (ASQP). Une tendance que confirment les agences immobilières.
    Les grossistes, de leur côté, se sentent victimes de harcèlement. « Ce n'est pas de notre faute s'il n'y a que le commerce du textile qui marche. C'est le business », se défend Cédric Hue, un grossiste. Pour Maxime Zhang, président de l'association des commerçants chinois du prêt-à-porter, « les grossistes créent des richesses et de l'emploi. Ce n'est pas ce que souhaite la France ? » Au fond, juge-t-il, sa communauté fait face à du « racisme ». Alors, pour « laisser respirer les riverains », il dit respecter la consigne de M. Sarre : que les grossistes n'ouvrent pas le samedi. Comme une trêve qui ne porterait pas son nom. Car dans le quartier, c'est « le maire qui fait la loi », ajoute M. Zhang. Démenti du côté de la municipalité.

    « COLONISATION »

    « Il faut arrêter de pointer du doigt les Chinois », affirme le patron du Savoyard, rue Popincourt. C'est un des rares commerces du quartier qui ne vend pas de tissu et propose des produits du terroir. Pour lui, les vrais responsables de la désagrégation du quartier, ce sont les habitants eux-mêmes. « Ils ne viennent jamais chez nous, affirme-t-il. C'est eux qui nous font crever et après ils viennent se plaindre. »

    La Ville de Paris, elle, s'implique pour tenter d'endiguer « l'invasion » ou « la colonisation » de la monoactivité. En décembre 2003, le Conseil de Paris a délégué son droit de préemption sur l'achat de commerces à la Société d'économie mixte d'aménagement de l'est de Paris (Semaest), présidée par... M. Sarre. Aujourd'hui, la Semaest « maîtrise » plus d'une centaine de locaux, soit près de 15 000 m2 dans le XIe. Elle a dû débourser 35 millions d'euros. « C'est toujours ça qui n'ira pas à l'ennemi », indique la Ville de Paris. Une fois la boutique achetée, la société mixte installe des artisans. Plus d'une quinzaine ont déjà ouvert.

    La prochaine entrée en vigueur de la loi Dutreil, qui autorisera les municipalités à préempter les baux commerciaux, devrait donc donner de nouvelles armes à M. Sarre.

    Mustapha Kessous

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    Commentaire : L’article L. 214-1 du code de l’urbanisme prévoit que « Le conseil municipal peut, par délibération motivée, délimiter un périmètre de sauvegarde du commerce et de l'artisanat de proximité, à l'intérieur duquel sont soumises au droit de préemption institué par le présent chapitre les cessions de fonds artisanaux, de fonds de commerce ou de baux commerciaux. »

    Cet article ouvre donc désormais la possibilité de préempter les baux commerciaux et artisanaux, et non simplement les murs, comme c’était le cas auparavant.

    Toutefois, cette loi votée en août 2005 nécessite un décret d’application qui n’a toujours pas été adopté. Cette carence du pouvoir réglementaire s’explique par la très grande difficulté de rédiger un texte qui doit organiser notamment comment, par application de l’article L. 214-2, la commune devra rétrocéder le bail.

    Au regard de l’impatience de certaines municipalités à exercer ce nouveau droit, et de ses difficultés prévisibles d'application, il n’est pas douteux que le droit de préemption des fonds de commerce donnera lieu à un contentieux abondant.

    Benoît Jorion
    Avocat à la Cour d’appel de Paris,
    Spécialiste en droit public