préemption

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SAFER

  • Principes constitutionnels et absence de sanction pour non-respect du délai de rétrocession

    (Cons. Cons, décision 2018-707 QPC du 25 mai 2018)

    Le Conseil constitutionnel, dans le cadre d’une question prioritaire de constitutionnalité, a été saisi de l’article L. 142-4 du code rural relatif aux décisions de préemption prises par les SAFER et plus précisément du fait que, la loi n’a pas prévu de sanction lorsque le délai de cinq ans prévu pour la rétrocession n’était pas respecté. Ainsi que le résume le Conseil constitutionnel, « les requérants soutiennent que, faute de sanction lorsqu'il n'est pas respecté, le délai de rétrocession auquel ces dispositions conditionnent l'exercice du droit de préemption serait privé d'effectivité. Il en résulterait une méconnaissance du droit de propriété, de la liberté contractuelle et de la liberté d'entreprendre ». Une telle difficulté se pose à l’identique pour d’autres droits de préemption.

    Comme il l’avait déjà fait, le Conseil constitutionnel admet des limitations à ces droits « liées à des exigences constitutionnelles ou justifiées par l'intérêt général, à la condition qu'il n'en résulte pas d'atteintes disproportionnées au regard de l'objectif poursuivi » (§ 5).

    A la question précise de l’absence de sanction en cas de dépassement du délai de cinq ans pour rétrocéder, le Conseil répond que « si le dépassement du délai prévu par les dispositions contestées n'entraîne pas la cession automatique du bien préempté à l'acquéreur évincé ou l'annulation de la préemption, la société d'aménagement foncier et d'établissement rural demeure tenue à une obligation de rétrocession conforme aux finalités d'usage du droit de préemption. L'éventualité d'un détournement de la loi ou d'un abus lors de son application n'entache pas celle-ci d'inconstitutionnalité. En outre, la personne à laquelle la rétrocession tardive ou l'absence de rétrocession du bien préempté cause préjudice peut exercer une action en responsabilité dans les conditions du droit commun afin d'en obtenir réparation. Enfin, il appartient à la juridiction compétente de veiller à ce que la durée de détention du bien préempté ne conduise pas à la méconnaissance de l'objet pour lequel la loi a institué le droit de préemption » (§ 8). La réponse du Conseil est décevante. On ne sait qui est la personne à qui la violation de la règle des cinq ans pourrait causer préjudice. Ce n’est sans doute ni l’acheteur ni le vendeur, puisque c’est la décision de préemption qui a pu leur causer préjudice, et non la durée de rétention. La bonne solution, mais le Conseil constitutionnel n’a pas les moyens de l’imposer, serait de contraindre les SAFER à proposer le bien préempté à ces derniers, ou d’accepter de faire droit à leur demande de rétrocession.

    Benoît Jorion

  • L'illégalité des préemptions des SAFER

    Conseil d’Etat 9 novembre 2009 M. Antoine A. c/ SAFER de Corse, req n° 315082

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    Extraits : « Considérant que la requête de M. A doit être regardée comme tendant à l'annulation de la décision implicite de rejet née du silence gardé par le ministre de l'agriculture et de la pêche sur sa demande, reçue le 13 février 2008, tendant à l'abrogation du décret n° 2005-1640 du 20 décembre 2005 autorisant la SAFER de Corse à exercer le droit de préemption pour une période de cinq ans ;

     Considérant que l'autorité compétente, saisie d'une demande tendant à l'abrogation d'un règlement illégal, est tenue d'y déférer, soit que ce règlement ait été illégal dès la date de sa signature, soit que l'illégalité résulte de circonstances de droit ou de fait postérieures à cette date ».

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    Commentaire : Les sociétés d’aménagement foncier et d’établissement rural, plus connues sous l’acronyme de SAFER, bénéficient d’un droit de préemption en cas de vente de biens agricoles.  En conséquence, le seul nom des SAFER suffit à inquiéter bien des agriculteurs.

    Les SAFER avaient été initialement qualifiées « d’organismes de droit privé chargés de la gestion d'un véritable service public administratif », faisant du juge administratif le juge compétent pour apprécier la légalité de leurs décisions (CE Sect. 13 juillet 1968, Capus). Puis, le Tribunal des conflits a tranché en faveur de la compétence judiciaire (T. confl., 8 déc. 1969,  SAFER Bourgogne).

    Depuis, les différents niveaux de la juridiction judiciaire ont développé une intéressante jurisprudence sur la légalité des décisions de préemption prises par les SAFER. Pour autant, plusieurs décisions récentes conduisent à conseiller de ne pas négliger les questions de légalité administrative en cas de contestation de telles décisions.

    En effet, un décret est nécessaire pour confier aux différentes SAFER la compétence pour préempter. Or, il semble bien que plusieurs de ces décrets soient entachés d’illégalité. Il peut donc être judicieux, pour contester une décision de préemption, de contester la compétence même de la SAFER.

    Le lien entre l’illégalité des décrets donnant compétence aux SAFER et les décisions individuelles de préemption peut se faire de trois façons :

    -         en contestant directement le décret lors de son adoption. La difficulté est qu’il est difficile à ce stade pour un requérant de savoir si effectivement un bien situé dans la région de compétence de la SAFER sera préempté ;

    -         en demandant l’abrogation du décret. C’est l’apport de l’arrêt commenté qui qualifie un tel décret d’acte réglementaire, ce qui permet, plusieurs années après sa promulgation, de pouvoir saisir le juge administratif et de l’amener à reconnaître, le cas échéant, l’illégalité du décret ;

    -         en soulevant, à l’occasion du recours contre une décision de préemption déterminée formé devant le juge judiciaire, l’illégalité du décret. C’est ce que les juristes appellent une exception d’illégalité. Au regard de la répartition des compétences entre juridictions, cette exception sera examinée par le juge administratif (T. confl., 16 juin 1923. Septfonds).

    Si le décret attribuant compétence à la SAFER est jugé illégal, la décision de préemption prise sur un bien déterminé le sera en conséquence. Ainsi, le bien ne pourra pas être préempté.

    Benoît JORION

    Avocat à la Cour d’appel de Paris

    Spécialiste en droit public