préemption

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droit de préemption

  • Indemnisation de l’ancien propriétaire dont le bien a été revendu

    (CA Paris, 8 décembre 2017, commune de Yerres, RG n° 16/03270).

    L’article L. 213-11 du code de l’urbanisme dispose que « Les biens acquis par exercice du droit de préemption doivent être utilisés ou aliénés pour l'un des objets mentionnés au premier alinéa de l'article L. 210-1, qui peut être différent de celui mentionné dans la décision de préemption. (…). Si le titulaire du droit de préemption décide d'utiliser ou d'aliéner pour d'autres objets que ceux mentionnés au premier alinéa de l'article L. 210-1 un bien acquis depuis moins de cinq ans par exercice de ce droit, il doit informer de sa décision les anciens propriétaires ou leurs ayants-cause universels ou à titre universel et leur proposer l'acquisition de ce bien en priorité. »

    Un tel article est souvent mal compris. Il ne pose aucune obligation au titulaire du droit de préemption de réaliser l’objet affiché par sa décision dans les 5 ans. Au contraire, il lui permet, avant 5 ans, de poursuivre n’importe quel autre but justifiant le droit de préemption et, au-delà de 5 ans, de s’affranchir de toute obligation. Il y a là un contraste saisissant avec l’obligation de motivation et de réalité du projet imposé au titulaire du droit de préemption au moment où il prend sa décision.

    L’arrêt cité sanctionne la seule obligation posée par l’article L. 213-11, celle de proposer le bien aux anciens propriétaires en cas de cession dans les 5 ans. Dans une hypothèse où la « cession du bien litigieux à des personnes privées afin qu’ils y réalisent des logements dans un but lucratif ne correspond à aucun des objectifs ci-dessus énumérés, le seul accroissement de logements dans la commune de Yerres, même si l’un deux, devrait, en principe, être conventionné, ne pouvant être assimilé à une opération de réhabilitation menée par la commune dans le cadre de sa politique de l’habitat, de nature à lui permettre de préempter un bien appartenant à un particulier à un prix fixé par le juge de l’expropriation, inférieur au prix librement fixé entre les parties à la vente », la Cour d’appel de Paris a indemnisé la perte des vendeurs.

  • Obligations de respecter l’objet de la décision de préemption

    (Civ. 3eme, 15 mars 2019, société Lery transactions, pourv. n° 17-11311).

    L’article L. 300-1 vise un grand nombre d’actions ou d’opérations d’aménagement. La jurisprudence a déjà admis que l’objectif visé par la décision de préemption soit remplacé par un autre.

    Face à une demande indemnitaire, la Cour de cassation vient d’admettre, dans le cas d’un immeuble préempté « en vue de la mise en œuvre du programme local de l’habitat », puis finalement revendu à une société privée « qu'ayant exactement retenu qu'en application de l'article L. 302-5 du code de la construction et de l'habitation, les logements éligibles au prêt locatif social étaient des logements sociaux entrant dans le quota alors fixé à 20 % des résidences principales et que le taux de logement social de 20 % pratiqué dans l'immeuble édifié par la société les Terrasses de [...] répondait à l'objectif du programme local de l'habitat de mettre à disposition des ménages à revenus intermédiaires des logements à loyers modérés tout en garantissant la mixité sociale, la cour d'appel en a déduit à bon droit que les biens acquis par l'exercice du droit de préemption avaient été utilisés aux fins définies à l'article L. 210-1 du code de l'urbanisme et que la demande de la société Léry transactions devait être rejetée ».

    L’obligation de réaliser 20% de logements sociaux figurait sans doute dans les règles d’urbanisme applicable et se seraient imposées à tout constructeur, y compris l’acquéreur évincé. Il est donc admis que le simple respect des règles d’urbanisme est une façon de mettre en œuvre le programme local de l’habitat. La préemption revient dans ce cas, in fine, à substituer un acquéreur à un autre, pour faire exactement la même chose.

  • Droits de l’acquéreur illégalement évincé lorsque le bien préempté est revendu

    (Civ. 3eme, 22 novembre 2018, société Sport Immo, pourv. n° 17-22198).

    Il a déjà été jugé par la Cour de cassation qu’un acquéreur évincé par une décision de préemption ultérieurement annulée, lorsque le bien a été acquis par le titulaire du droit de préemption, puis revendu par lui, ne pouvait obtenir l’annulation de la vente, s’il n’avait pas pris soin de lever l’option du bien (Civ. 3eme, 22 septembre 2010, pourv. 09/14817, publié au bulletin). Une telle jurisprudence est très sévère pour un acquéreur dont la préoccupation, lorsque la décision de préemption est prise, est de la contester et non de lever l’option d’un bien qu’il ne peut acquérir du fait de cette même décision. Cette jurisprudence introduit aussi une limite aux effets de la rétroactivité de l’annulation de la décision de préemption.

    La Cour de cassation a également opposé l’absence de levée d’option à l’acquéreur évincé d’un bien, dont la préemption avait été annulée, qui avait engagé la responsabilité du titulaire du droit de préemption dans les termes suivants : « ayant relevé que la promesse unilatérale de vente expirait le 30 octobre 2012 à 16 heures, que le bénéficiaire se réservait la faculté d'en demander ou non la réalisation et que, faute par lui d'avoir réalisé l'acquisition dans les formes et délais fixés, la promesse serait considérée comme nulle et non avenue et constaté que la société Sport immo avait exercé des recours gracieux puis contentieux contre la décision de préemption, la cour d'appel, par motifs adoptés non critiqués, a exactement retenu que la société Sport immo, n'ayant pas levé l'option, n'avait acquis aucun droit sur ce bien et a pu en déduire que sa demande en déclaration de responsabilité civile de la commune en raison de la perte du bénéfice de la promesse de vente devait être rejetée » 

    Benoît Jorion

  • Refus de rétrocéder un bien dont le prix n’est pas réglé

    (CA Paris, 16 novembre 2018, commune de Brou-sur-Chantereine, RG 17/059547)

    L’article L. 213-14 du code de l’urbanisme impose un paiement ou une consignation du bien préempté dans les quatre mois (six à l’époque des faits). En l’espèce, une commune s’est abstenue d’y procéder. Le vendeur a alors demandé en justice la rétrocession du bien et des dommage-intérêts.

    La commune a mis près de trois ans pour s’exécuter. La longueur de ce délai est jugée fautif et la commune est condamnée à indemniser le vendeur.

    Benoît Jorion

  • Refus de rétrocéder un bien illégalement préempté

    En cas d’annulation ou de déclaration d’illégalité de la décision de préemption d’un bien, lorsque ce bien a été dans l’intervalle acquis par le titulaire du droit, l’article L. 213-11-1 du code de l’urbanisme prévoit un mécanisme d’obligation de proposition au vendeur et à l’acquéreur évincé.

    Une cour, sur la base des articles L. 911-1 et suivants du code de justice administrative, accepte de prononcer une astreinte contre une commune qui s’est durablement abstenue de proposer le bien à l’acquéreur évincé, en dépit d’un précédent arrêt qui l’enjoignait de le faire (CAA Versailles, 12 avril 2018, SAS Balika investissements, req. n° 17VE03580).

    Une autre cour, statuant sur le terrain indemnitaire, estime qu’un retard de plus de quatre ans pour exécuter une injonction de proposition du bien est excessif et constitue une faute de nature à engager la responsabilité de la commune. Cependant, dans le cas d’espèce, l’acquéreur évincé n’arrive pas à établir l’existence d’un lien de causalité direct et certain entre le retard et les préjudices financiers allégués (CAA Marseille, 12 juin 2018, SCI JT, req. n° 17MA04360).

    Benoît Jorion