préemption

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montreuil

  • Refus de rétrocéder un bien illégalement préempté

    En cas d’annulation ou de déclaration d’illégalité de la décision de préemption d’un bien, lorsque ce bien a été dans l’intervalle acquis par le titulaire du droit, l’article L. 213-11-1 du code de l’urbanisme prévoit un mécanisme d’obligation de proposition au vendeur et à l’acquéreur évincé.

    Une cour, sur la base des articles L. 911-1 et suivants du code de justice administrative, accepte de prononcer une astreinte contre une commune qui s’est durablement abstenue de proposer le bien à l’acquéreur évincé, en dépit d’un précédent arrêt qui l’enjoignait de le faire (CAA Versailles, 12 avril 2018, SAS Balika investissements, req. n° 17VE03580).

    Une autre cour, statuant sur le terrain indemnitaire, estime qu’un retard de plus de quatre ans pour exécuter une injonction de proposition du bien est excessif et constitue une faute de nature à engager la responsabilité de la commune. Cependant, dans le cas d’espèce, l’acquéreur évincé n’arrive pas à établir l’existence d’un lien de causalité direct et certain entre le retard et les préjudices financiers allégués (CAA Marseille, 12 juin 2018, SCI JT, req. n° 17MA04360).

    Benoît Jorion

  • But de la décision de préemption

    L'article L. 210-1 du code de l'urbanisme pose que « Les droits de préemption institués par le présent titre sont exercés en vue de la réalisation, dans l'intérêt général, des actions ou opérations répondant aux objets définis à l'article L. 300-1 » L’article L. 300-1 du code de l’urbanisme donne, lui, une longue énumération de ces actions ou opérations d’aménagement (huit items, souvent très généraux. Pourtant, la jurisprudence continue à donner des exemples d’objectifs qui ne permettent pas de préempter :

    • « 4. si l'EPT Plaine commune fait valoir à juste titre que l'aménagement sur un site d'un service de logement social participe de la réalisation d'équipements collectifs, il ressort des pièces du dossier que l'objet de la décision de préemption était, après cession des locaux à l'Office Public Communautaire Plaine Commune Habitat, de transférer l'Agence Sud, c'est-à-dire le service d'accueil du public de l'Office, jusqu'ici installé dans les mêmes locaux que son service de gestion, dans des bureaux distincts ; que le seul déménagement d'un des services de l'Office ne saurait être qualifié d'action ou d'opération d'aménagement au sens des dispositions précitées de l'article L.300-1 du code de l'urbanisme » (CAA Versailles, 25 janvier 2018, EPT Plaine commune, req. n° 16VE01323) ;
    • « la réalisation d’équipements collectifs visés par les dispositions de l’article L. 300-1 du code de l’urbanisme ne peut concerner que des opérations qui, d’une part, revêtent une certain ampleur et, d’autre part, relèvent de la compétence des collectivités publiques et sont mises en œuvre par elles ou sous leur contrôle ; que si ces dispositions ne font pas obstacle à ce qu’une commune exerce ce droit pour rétrocéder à une autre personne le soin de réaliser l’aménagement prévu, cette autre personne qui doit être une collectivité publique ou être contrôlée par elle ; qu’ainsi, ni l’extension d’un édifice cultuel ni celle du parking réservé aux fidèles, attenant à cet édifice, ne sauraient constituer la réalisation d’un tel équipement collectif » (TA Montreuil, 1er février 2018, commune de Montreuil, req. n° 1702610).

    Benoît Jorion

  • Préempter pour contrôler les prix est illégal

    Tribunal administratif de Montreuil, 20 octobre 2011, F. c/ Commune de Saint-Ouen, req. n° 1007663

     

    Extraits :

    trib montreuil.jpg« Considérant, en dernier lieu, qu’il ressort des pièces du dossier que les requérants ont reçu une lettre du service foncier de la commune datée du 18 juin 2010, leur indiquant d’appeler ce même service pour « recevoir plus d’informations concernant la vente de [leur] logement (…) et ce afin de purger le droit de préemption » ; qu’il soutiennent avoir pris contact avec ledit service qui les aurait informés que la commune renoncerait à préempter en cas de baisse du prix de vente de leur bien ; qu’il est établi que la décision de préemption est intervenue postérieurement à ce courrier, en l’absence de baisse du prix de vente par M. et Mme F. de leur bien ; qu’il est également établi que le prix de vente de 109.000 euros fixé dans cette décision, est très inférieur au prix de 160.000 euros préconisé par le Service France Domaine ; que , dans ces conditions, l’ensemble de ces éléments constitue un faisceau d’indices permettant de considérer les allégations des requérant pour établies et qu’ainsi, la décision de préemption en litige dont le seul objet est d’empêcher la vente du bien de Monsieur et Madame F. à Mlle Z au prix de 179.000 est entachée de détournement de pouvoir. »


    Commentaire :

    Saint-Ouen Mairie2.jpgCertaines communes se sont fait une spécialité de préempter les biens immobiliers pour tenter de contrôler les prix sur leur territoire.

    Une telle politique est doublement illégale. En effet, d’une part, une décision de préemption ne sert pas à casser une vente, mais à permettre une acquisition. D’autre part, l’objectif de contrôler les prix n’entre pas dans les hypothèses légales d’action ou d’opération prévues par le code de l’urbanisme en matière de droit de préemption.

    La difficulté est que ces communes, conscientes de l’illégalité de leur politique, même si leurs élus l’assument volontiers publiquement, dissimulent, au cas par cas, l’objet réel de leurs décisions de préemption derrière un des objectifs prévus par la loi.  

    Dans un tel cas, les requérants, acheteurs ou vendeurs évincés, doivent démontrer que la décision de préemption est illégale et que, notamment, il n’existait aucun projet suffisamment réel de nature à justifier la légalité de la décision.

    Le jugement commenté rendu par le Tribunal administratif de Montreuil est intéressant car il annule une décision de préemption, non pas pour vice de forme ou pour erreur de droit, ainsi qu’il le fait régulièrement, mais pour détournement de pouvoir.

    Le vice de détournement de pouvoir est rarement retenu en jurisprudence et particulièrement infamant, un pouvoir de l’administration ayant été utilisé dans ce cas dans un but autre que celui pour lequel il a été donné par la loi.

    Pour arriver à ce résultat, le Tribunal a retenu divers éléments repris dans l’extrait cité plus haut..

    Le Tribunal en conclut que « dans ces conditions, l’ensemble de ces éléments constitue un faisceau d’indices permettant de considérer les allégations des requérant pour établies et qu’ainsi, la décision de préemption en litige dont le seul objet est d’empêcher la vente du bien au prix de 179.000 est entachée de détournement de pouvoir ».

    Ce considérant, qui était surabondant, aidera les justiciables concernés à faire valeur leur droit, sur le terrain de l’annulation ou sur celui de l’indemnisation.

    Ce jugement constitue une avancée dans le contrôle exercé par le juge administratif, avec les prémices de la prise en compte du prix retenu par l’autorité administrative pour préempter, comme élément de légalité du droit de préemption.

    Benoît Jorion

    Avocat à la Cour d’appel de Paris

    Spécialiste en droit public

     

     

     

     

     

     

     

     

  • Un prix de préemption abusivement bas révèle un détournement de pouvoir

    Tribunal administratif de Montreuil, 6 janvier 2011 SCI LRTS c/ Commune de Montreuil, req. n° 0912225

     

     Montreuil mairie.jpgExtraits : « En proposant un prix de 157.000 euros pour un bien dont la valeur était considérablement plus élevée (850.000 euros), la commune qui n’en justifie qu’en invoquant une erreur qu’elle aurait commise sur les hauteurs des locaux en sous-sol, ne saurait être regardée comme ayant poursuivi, dans l’intérêt général, l’un des objets définis à l’article L. 300-1 du code de l’urbanisme ; dans ces conditions, la requérante est fondée à soutenir que la commune de Montreuil n’avait pas l’intention d’acquérir réellement le bien et qu’elle a usé du droit de préemption pour faire obstacle à la vente ; dès lors la décision attaquée est entachée de détournement de pouvoir. »

     

    Commentaire : Le jugement commenté constitue une innovation particulièrement intéressante qui peut permettre de mettre fin à un certain nombre d’abus en matière de droit de préemption.

     

    Demander l’avis des domaines en préalable à une décision de préemption constitue une formalité obligatoire pour le titulaire du droit de préemption. Pour autant, rien ne l’oblige à préempter à ce prix. En conséquence, certaines communes préemptent à un prix inférieur, qu’elles savent irréaliste et inacceptable pour le vendeur. Elles opèrent ainsi, soit pour tenter de contrôler les prix sur leur territoire, soit pour empêcher un acquéreur déterminé d’acquérir le bien.

     

    Jusqu’à présent, le juge administratif pouvait annuler la décision de préemption, mais ne contrôlait pas le prix de la préemption. De son côté, le juge de l’expropriation pouvait fixer le prix du bien, mais sans porter d’appréciation sur la légalité de la décision de préemption.

     

    Le prix de la préemption, qui constitue pourtant un aspect essentiel de la décision prise par l’administration, n’était en conséquence pas contrôlé du point de vue de sa légalité, soit que les requérants ne pensent pas à soulever cet argument, soit que, du fait de l’intervention possible du juge de l’expropriation, le juge administratif répugne à le faire.

     

    Le cas d’espèce a conduit le Tribunal administratif de Montreuil à innover, alors même qu’il n’y était pas tenu, ayant déjà retenu une illégalité tenant à l’absence de projet réel.

     

    Le bien devait être vendu 850.000 euros. La commune l’a préempté à 157.000 euros, soit  le 5eme (!). Le service des domaines, tout comme le juge de l’expropriation saisi après coup, ont estimé que le prix de 850.000 euros correspondait à sa valeur.  

     

    Le jugement commenté déduit du prix de la préemption que la commune « n’avait pas l’intention d’acquérir réellement le bien et qu’elle a usé du droit de préemption pour faire obstacle à la vente ». En conséquence, il annule la décision attaquée.

     

    Il ne s’agit donc pas ici pour le juge administratif de fixer le prix du bien, à la place du juge de l’expropriation, mais de contrôler la légalité du prix fixé par l’administration.

     

    Le jugement déduit aussi du prix manifestement bas de la décision de préemption que la commune a préempté, non pour acquérir le bien, mais pour empêcher une vente, ce qui constitue un infamant détournement de pouvoir.

     

    Ce jugement est donc important. Sa généralisation à des hypothèses ou l’écart entre le prix du bien et le prix fixé par la décision de préemption n’atteint pas de tels extrêmes permettrait de porter un coup d’arrêt à des décisions de préemption illégales, qui seraient enfin annulées en sanctionnant, non un vice procédural dont elles peuvent aussi être entachées, mais l’exercice abusif du droit lui-même.

     
    Benoît Jorion

    Avocat à la Cour d’appel de Paris,

    Spécialiste en droit public

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

  • Statistiques sur les préemptions à Montreuil

    Extrait d’un blog de M. Manuel Martinez, nouvel adjoint au maire chargé de l’urbanisme de la commune de Montreuil. Post du 13 février 2009

    Montreuil_mairie_200_verti.jpg

    « La vérité sur les préemptions à Montreuil


    L'usage immodéré voire abusif du droit de préemption à Montreuil a longtemps été un sujet de discussion parmi les Montreuillois. En tant qu'adjoint à la maire, chargé de l'urbanisme, je suis heureux d'avoir contribué en 2008 à un retour à la normale et à plus de transparence.

    Retour sur quelques chiffres en détail.

    En 2007, on dénombrait 1607 transactions immobilières. 101 ont fait l'objet d'une préemption (soit 6,28%) mais seulement 9 ont abouti ! Cela montre bien à quel point l'usage du droit de préemption était pour le moins contestable. J'ajoute que l'abus de préemption n'a pas fait ses preuves pour lutter contre la hausse généralisée des prix de l'immobilier à Montreuil ces 10 dernières années.

    En 2008, le nombre de transactions a diminué à 1405 (avec une forte baisse au second semestre en raison de la crise du crédit notamment). 45 préemptions seulement (soit 3.2% des transactions). Je précise que 14 préemptions concernent le premier trimestre 2008 (avant les élections). Sur les 31 restantes, 13 ont d'ores et déjà fait l'objet d'une acquisition par la ville.

    Nous avons donc diminué significativement les préemptions et celles-ci sont justifiées exclusivement par un des motifs suivants :

    - la maitrise de parcelles liés à des projets d'aménagement à venir
    - la lutte contre l'habitat insalubre et l'éviction des marchands de sommeil.

    Les Montreuillois peuvent donc être rassurés sur l'usage du droit de préemption dans leur ville
    . »

    avocat.jpg

    Commentaire :

    Il est quasiment impossible de connaître le nombre de préemptions décidées dans une commune ou une intercomunalité. Certes, un registre à cet effet est prévu par le code de l’urbanisme (article L. 213-13). Toutefois, l’absence de tenue régulière, voire l’absence de registre, n’est pas sanctionnée. Surtout, ce registre ne recense que les préemptions qui ont abouti à l’acquisition du bien, ce qui ne constitue qu’une petite partie des préemptions décidées.

    Les statistiques données par M. Manuel Martinez, nouvel adjoint à l’urbanisme de la commune de Montreuil, sont donc particulièrement intéressantes. Elles le sont d’autant plus que la commune de Montreuil à beaucoup utilisé le droit de préemption, c’est un euphémisme, ainsi que le reconnait d’ailleurs cet élu.

    Il faut donc d’autant plus saluer ce souci de transparence, même si la volonté de se démarquer de la précente municipalité l’explique.

    Que nous apprennent donc ces chiffres : par le passé (2007) 6,23% des transactions ont donné lieu à préemption. C’est beaucoup plus que la moyenne nationale qui est évaluée (ce chiffre est très empirique) à 2 ou 3%. Toutefois, l’impact d’une politique massive de préemption dépasse ce pourcentage car elle conduit les vendeurs potentiels à modifier leur comportement: ils peuvent ainsi renoncer à vendre, tenter de contourner juridiquement l’exercice du droit de préemption, ou encore « négocier » le non exercice de ce droit.

    Autre chiffre : sur 101 décisions de préemption, 9 seulement ont abouti. Le recul n’est sans doute pas suffisant pour considérer ce chiffre comme définitif. Deux enseignements peuvent cependant en être tirés.

    D’abord, la plupart du temps, il existe pour les vendeurs et les acheteurs de nombreuses possibilités de faitre échec au droit de préemption (refus du prix, recours en annulation, référé suspension, renonciation à vendre...) qui n’est donc pas une fatalité. Un taux de réussite de seulement 9% l’illustre bien.

    Ensuite, par son usage massif, pour certaines communes, le droit de préemption se transforme bien davantage en droit d’empêcher (ou de retarder) une transaction, qu’en véritable politique d’acquisition foncière.

    La politique actuelle de la commune de Montreuil serait désormais de limiter le nombre de préemptions. Ces dernières n’ont toutefois pas disparu. Leur nombre reste même plutôt élevé dans une commune aussi urbanisée. Limiter leur objet, ainsi qu’annoncé, ne suffit pas à rendre légales ces décisions.

    Par ailleurs, les notions de « projets d'aménagement à venir », de « lutte contre l’habitat insalubre » et « d'éviction des marchands de sommeil », qui ne sont pas contestables dans leur principe, laissent place aussi, l’expérience le montre, à de réels abus.

    Quant au futur, il serait intéressant que la commune de Montreuil, comme d’autres communes d’ailleurs, communique régulièrement sur le nombre de décisions de préemption, le nombre d’acquisitions effectuées et les raisons de l’écart entre ces deux chiffres.

    Benoît Jorion
    Avocat à la Cour d’appel de Paris
    Spécialiste en droit public