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suspension

  • Statistiques sur les préemptions à Montreuil

    Extrait d’un blog de M. Manuel Martinez, nouvel adjoint au maire chargé de l’urbanisme de la commune de Montreuil. Post du 13 février 2009

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    « La vérité sur les préemptions à Montreuil


    L'usage immodéré voire abusif du droit de préemption à Montreuil a longtemps été un sujet de discussion parmi les Montreuillois. En tant qu'adjoint à la maire, chargé de l'urbanisme, je suis heureux d'avoir contribué en 2008 à un retour à la normale et à plus de transparence.

    Retour sur quelques chiffres en détail.

    En 2007, on dénombrait 1607 transactions immobilières. 101 ont fait l'objet d'une préemption (soit 6,28%) mais seulement 9 ont abouti ! Cela montre bien à quel point l'usage du droit de préemption était pour le moins contestable. J'ajoute que l'abus de préemption n'a pas fait ses preuves pour lutter contre la hausse généralisée des prix de l'immobilier à Montreuil ces 10 dernières années.

    En 2008, le nombre de transactions a diminué à 1405 (avec une forte baisse au second semestre en raison de la crise du crédit notamment). 45 préemptions seulement (soit 3.2% des transactions). Je précise que 14 préemptions concernent le premier trimestre 2008 (avant les élections). Sur les 31 restantes, 13 ont d'ores et déjà fait l'objet d'une acquisition par la ville.

    Nous avons donc diminué significativement les préemptions et celles-ci sont justifiées exclusivement par un des motifs suivants :

    - la maitrise de parcelles liés à des projets d'aménagement à venir
    - la lutte contre l'habitat insalubre et l'éviction des marchands de sommeil.

    Les Montreuillois peuvent donc être rassurés sur l'usage du droit de préemption dans leur ville
    . »

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    Commentaire :

    Il est quasiment impossible de connaître le nombre de préemptions décidées dans une commune ou une intercomunalité. Certes, un registre à cet effet est prévu par le code de l’urbanisme (article L. 213-13). Toutefois, l’absence de tenue régulière, voire l’absence de registre, n’est pas sanctionnée. Surtout, ce registre ne recense que les préemptions qui ont abouti à l’acquisition du bien, ce qui ne constitue qu’une petite partie des préemptions décidées.

    Les statistiques données par M. Manuel Martinez, nouvel adjoint à l’urbanisme de la commune de Montreuil, sont donc particulièrement intéressantes. Elles le sont d’autant plus que la commune de Montreuil à beaucoup utilisé le droit de préemption, c’est un euphémisme, ainsi que le reconnait d’ailleurs cet élu.

    Il faut donc d’autant plus saluer ce souci de transparence, même si la volonté de se démarquer de la précente municipalité l’explique.

    Que nous apprennent donc ces chiffres : par le passé (2007) 6,23% des transactions ont donné lieu à préemption. C’est beaucoup plus que la moyenne nationale qui est évaluée (ce chiffre est très empirique) à 2 ou 3%. Toutefois, l’impact d’une politique massive de préemption dépasse ce pourcentage car elle conduit les vendeurs potentiels à modifier leur comportement: ils peuvent ainsi renoncer à vendre, tenter de contourner juridiquement l’exercice du droit de préemption, ou encore « négocier » le non exercice de ce droit.

    Autre chiffre : sur 101 décisions de préemption, 9 seulement ont abouti. Le recul n’est sans doute pas suffisant pour considérer ce chiffre comme définitif. Deux enseignements peuvent cependant en être tirés.

    D’abord, la plupart du temps, il existe pour les vendeurs et les acheteurs de nombreuses possibilités de faitre échec au droit de préemption (refus du prix, recours en annulation, référé suspension, renonciation à vendre...) qui n’est donc pas une fatalité. Un taux de réussite de seulement 9% l’illustre bien.

    Ensuite, par son usage massif, pour certaines communes, le droit de préemption se transforme bien davantage en droit d’empêcher (ou de retarder) une transaction, qu’en véritable politique d’acquisition foncière.

    La politique actuelle de la commune de Montreuil serait désormais de limiter le nombre de préemptions. Ces dernières n’ont toutefois pas disparu. Leur nombre reste même plutôt élevé dans une commune aussi urbanisée. Limiter leur objet, ainsi qu’annoncé, ne suffit pas à rendre légales ces décisions.

    Par ailleurs, les notions de « projets d'aménagement à venir », de « lutte contre l’habitat insalubre » et « d'éviction des marchands de sommeil », qui ne sont pas contestables dans leur principe, laissent place aussi, l’expérience le montre, à de réels abus.

    Quant au futur, il serait intéressant que la commune de Montreuil, comme d’autres communes d’ailleurs, communique régulièrement sur le nombre de décisions de préemption, le nombre d’acquisitions effectuées et les raisons de l’écart entre ces deux chiffres.

    Benoît Jorion
    Avocat à la Cour d’appel de Paris
    Spécialiste en droit public

  • L'impossibilité de revendre le bien préempté en cas de suspension

    Conseil d’Etat, 14 novembre 2007 SCI du Marais, à paraître aux tables.

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    Extraits : « Considérant, d'une part, que la SCI DU MARAIS bénéficie, en sa qualité d'acquéreur évincé, d'une présomption d'urgence ; que, si la commune de Chelles invoque la nécessité pour elle d'implanter sur la parcelle litigieuse le siège de la communauté de communes de Marne et Chantereine, cette seule circonstance, à la supposer établie, ne constitue pas une situation particulière susceptible de faire obstacle à ce qu'une situation d'urgence soit reconnue au profit de la SCI DU MARAIS ;

    Considérant, d'autre part, que les moyens invoqués par la SCI DU MARAIS et tirés de ce que la commune de Chelles n'a pas recueilli l'avis du service des domaines préalablement à l'exercice de son droit de préemption, de ce que la décision de préemption litigieuse est insuffisamment motivée et de ce que la commune ne justifie pas d'un projet d'aménagement suffisamment précis et certain sont de nature, en l'état de l'instruction, à créer un doute sérieux sur la légalité de cette décision ; qu'en revanche, pour l'application des dispositions de l'article L. 600-4-1 du code de l'urbanisme, les moyens tirés de ce que le bien préempté n'était pas soumis au droit de préemption urbain et de l'absence de publicité de la délibération instituant le droit de préemption de la commune ne paraissent pas de nature à faire naître un tel doute ;

    Considérant qu'il résulte de ce qui précède, et compte tenu du transfert de propriété intervenu à la date de l'exercice du droit de préemption aux conditions indiquées dans la déclaration d'intention d'aliéner, qu'il y a lieu de suspendre l'exécution de la décision de préemption en date du 28 décembre 2006 en tant qu'elle permet à la commune de disposer de l'ensemble ainsi acquis et peut la conduire à en user dans des conditions qui rendraient irréversible cette décision ; qu'eu égard aux effets de cette suspension, les conclusions de la SCI DU MARAIS tendant à ce qu'il soit enjoint à la commune de s'abstenir de revendre le bien préempté sont devenues sans objet
    »

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    Commentaire : l’hypothèse posée par l’arrêt Bour où, entre l’adoption d’une décision de préemption illégale et l’annulation de cette décision, le bien préempté a été revendu à un tiers par le titulaire du droit de préemption constitue une hypothèse irritante. En effet, en dépit de l’illégalité de la décision de préemption, l’acquéreur évincé est placé devant le fait accompli et ne peut plus acquérir le bien.

    L’arrêt commenté tente de limiter les hypothèses ou il peut y avoir revente à un tiers.

    De façon classique cet arrêt relève, en l’espèce, l’existence d’une urgence et de moyens de nature à faire naître un doute sérieux. Il prononce en conséquence la suspension la décision de préemption.

    Ce qui est nouveau c’est que, la demande de suspension ayant été rejetée par le juge du fond et la préemption ayant été faite au prix de la déclaration d’intention d’aliéner, la suspension ne pouvait plus empêcher l’acquisition du bien par l’autorité préemptrice. Cela aurait pu conduire le juge du référé à prononcer un non lieu à statuer, ainsi qu’il l’a déjà fait par le passé (Cf. CE 4 février 1994 Gallenmuller, tab. p. 1123), la décision de préemption étant entièrement exécutée.

    Pourtant, dans une situation très semblable au cas d’espèce (cassation d’une ordonnance refusant de prononcer la suspension, vente déjà signée), le Conseil d’Etat avait suspendu une décision de préemption «en tant qu'elle permet à la communauté d'agglomération de disposer de l'ensemble ainsi acquis et peut la conduire à user de ce bien dans des conditions qui rendraient irréversible cette décision de préemption » (CE 23 juin 2006 Société Actilor).

    Avec l’arrêt commenté, le Conseil d’Etat reprend cette formule de principe de l’arrêt Actilor et précise que la revente du bien constitue l’un des usages qui rendrait irréversible cette décision de préemption. Il était donc inutile d’enjoindre explicitement à la commune de s'abstenir de revendre le bien préempté, la décision de suspension s’opposant de plein droit à une telle possibilité.

    Ainsi, il ne fait donc plus de doute que la suspension d’une décision de préemption empêche de plein droit la revente du bien préempté. C’est une façon - encore insuffisante - de limiter les inconvénients de la jurisprudence Bour.

    Benoît JORION
    Avocat à la Cour d’appel de Paris
    Spécialiste en droit public

  • Les effets de la suspension d’une décision de préemption

    Conseil d’Etat 23 juillet 2003 Société Atlantique terrains, req. n° 254837

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    Extrait : « Considérant, d'autre part, que, lorsque le juge des référés prend, sur le fondement des dispositions de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, une mesure de suspension de l'exécution d'une décision de préemption, cette mesure a pour conséquence, selon les cas, non seulement de faire obstacle à la prise de possession au transfert de propriété du bien préempté au bénéfice de la collectivité publique titulaire du droit de préemption mais également de permettre aux signataires de la promesse de vente de mener la vente à son terme, sauf si le juge, faisant usage du pouvoir que lui donnent les dispositions précitées de ne suspendre que certains des effets de l'acte de préemption, décide de limiter la suspension à la première des deux catégories d'effets susmentionnées ; que, si la circonstance que les propriétaires des parcelles cadastrées ZB n°s 60, 61 et 63 ont, à la suite de la réception des décisions de préemption de ces parcelles à un prix inférieur à celui figurant dans les déclarations d'intention d'aliéner, renoncé implicitement ou explicitement à l'aliénation de ces parcelles dans les conditions prévues à l'article R. 213-10 du code de l'urbanisme empêche la communauté urbaine de poursuivre l'acquisition de ces parcelles, les décisions de préemption, dans la mesure où elles continuent de faire obstacle à la signature des actes de vente en exécution des promesses de vente signées entre les propriétaires desdites parcelles et la SOCIETE ATLANTIQUE TERRAINS, n'ont pas épuisé tous leurs effets ; que, dès lors, en rejetant comme irrecevables les conclusions de la société requérante tendant à la suspension des décisions de préemption de ces parcelles au motif que les décisions en cause avaient épuisé tous leurs effets, le juge des référés du tribunal administratif de Nantes a commis une erreur de droit »

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    Commentaire : La suspension d’une décision de préemption a un effet sur la procédure de préemption elle-même. La difficulté est que cette procédure varie en fonction de l’accord ou de l’absence d’accord sur le prix.

    Lorsqu’il y a accord sur le prix, la vente est définitive du seul fait de la préemption. C’est ultérieurement que l’acte de vente est officiellement dressé et le prix versé. Dans cette hypothèse, la suspension va empêcher la prise de possession. En effet, en matière de préemption, la jouissance du bien est dissociée de l’acquisition (Cf. les articles L. 213-14 et L. 213-15 du code de l’urbanisme).

    Lorsqu’il y a désaccord sur le prix, la suspension empêche le transfert de propriété. Cela n’empêche donc pas la procédure devant le juge judiciaire de se poursuivre. Mais cette procédure ne pourra pas déboucher sur le transfert de propriété, contrairement aux modalités prévues par l’article L. 213-7 du code de l’urbanisme.

    L’aspect le plus intéressant de l’arrêt tient toutefois aux effets d’une suspension sur le vendeur et l’acheteur initial. Pour le Conseil d’Etat, la suspension leur permet de mener la vente à son terme. Cela signifie qu’ils peuvent signer la vente prévue.

    Cette possibilité fait parfois l’objet d’une certaine réticence des notaires, inquiets du risque - assez théorique - que la décision de fond ne confirme la décision de référé. Peut-être pour lever cette crainte, le Conseil d’Etat a réservé la possibilité au juge des référés de ne pas permettre cette deuxième conséquence.

    Enfin, cette possibilité de mener une vente à son terme devrait également logiquement être ouverte avec un acheteur autre que celui initialement prévu.

    Benoît Jorion
    Avocat à la Cour d’appel de Paris,
    Spécialiste en droit public