préemption

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Chelles

  • L'impossibilité de revendre le bien préempté en cas de suspension

    Conseil d’Etat, 14 novembre 2007 SCI du Marais, à paraître aux tables.

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    Extraits : « Considérant, d'une part, que la SCI DU MARAIS bénéficie, en sa qualité d'acquéreur évincé, d'une présomption d'urgence ; que, si la commune de Chelles invoque la nécessité pour elle d'implanter sur la parcelle litigieuse le siège de la communauté de communes de Marne et Chantereine, cette seule circonstance, à la supposer établie, ne constitue pas une situation particulière susceptible de faire obstacle à ce qu'une situation d'urgence soit reconnue au profit de la SCI DU MARAIS ;

    Considérant, d'autre part, que les moyens invoqués par la SCI DU MARAIS et tirés de ce que la commune de Chelles n'a pas recueilli l'avis du service des domaines préalablement à l'exercice de son droit de préemption, de ce que la décision de préemption litigieuse est insuffisamment motivée et de ce que la commune ne justifie pas d'un projet d'aménagement suffisamment précis et certain sont de nature, en l'état de l'instruction, à créer un doute sérieux sur la légalité de cette décision ; qu'en revanche, pour l'application des dispositions de l'article L. 600-4-1 du code de l'urbanisme, les moyens tirés de ce que le bien préempté n'était pas soumis au droit de préemption urbain et de l'absence de publicité de la délibération instituant le droit de préemption de la commune ne paraissent pas de nature à faire naître un tel doute ;

    Considérant qu'il résulte de ce qui précède, et compte tenu du transfert de propriété intervenu à la date de l'exercice du droit de préemption aux conditions indiquées dans la déclaration d'intention d'aliéner, qu'il y a lieu de suspendre l'exécution de la décision de préemption en date du 28 décembre 2006 en tant qu'elle permet à la commune de disposer de l'ensemble ainsi acquis et peut la conduire à en user dans des conditions qui rendraient irréversible cette décision ; qu'eu égard aux effets de cette suspension, les conclusions de la SCI DU MARAIS tendant à ce qu'il soit enjoint à la commune de s'abstenir de revendre le bien préempté sont devenues sans objet
    »

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    Commentaire : l’hypothèse posée par l’arrêt Bour où, entre l’adoption d’une décision de préemption illégale et l’annulation de cette décision, le bien préempté a été revendu à un tiers par le titulaire du droit de préemption constitue une hypothèse irritante. En effet, en dépit de l’illégalité de la décision de préemption, l’acquéreur évincé est placé devant le fait accompli et ne peut plus acquérir le bien.

    L’arrêt commenté tente de limiter les hypothèses ou il peut y avoir revente à un tiers.

    De façon classique cet arrêt relève, en l’espèce, l’existence d’une urgence et de moyens de nature à faire naître un doute sérieux. Il prononce en conséquence la suspension la décision de préemption.

    Ce qui est nouveau c’est que, la demande de suspension ayant été rejetée par le juge du fond et la préemption ayant été faite au prix de la déclaration d’intention d’aliéner, la suspension ne pouvait plus empêcher l’acquisition du bien par l’autorité préemptrice. Cela aurait pu conduire le juge du référé à prononcer un non lieu à statuer, ainsi qu’il l’a déjà fait par le passé (Cf. CE 4 février 1994 Gallenmuller, tab. p. 1123), la décision de préemption étant entièrement exécutée.

    Pourtant, dans une situation très semblable au cas d’espèce (cassation d’une ordonnance refusant de prononcer la suspension, vente déjà signée), le Conseil d’Etat avait suspendu une décision de préemption «en tant qu'elle permet à la communauté d'agglomération de disposer de l'ensemble ainsi acquis et peut la conduire à user de ce bien dans des conditions qui rendraient irréversible cette décision de préemption » (CE 23 juin 2006 Société Actilor).

    Avec l’arrêt commenté, le Conseil d’Etat reprend cette formule de principe de l’arrêt Actilor et précise que la revente du bien constitue l’un des usages qui rendrait irréversible cette décision de préemption. Il était donc inutile d’enjoindre explicitement à la commune de s'abstenir de revendre le bien préempté, la décision de suspension s’opposant de plein droit à une telle possibilité.

    Ainsi, il ne fait donc plus de doute que la suspension d’une décision de préemption empêche de plein droit la revente du bien préempté. C’est une façon - encore insuffisante - de limiter les inconvénients de la jurisprudence Bour.

    Benoît JORION
    Avocat à la Cour d’appel de Paris
    Spécialiste en droit public