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B-a-Ba : l'essentiel de la préemption

  • Dix questions sur le droit de préemption

    Il m'a semblé utile, en 10 questions et 10 réponses, traitées de façon volontairement synthétique, d'aborder les grands principes des décisions de préemption prises par les personnes publiques.

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    1) Qu’est ce que le droit de préemption ?

    Un vendeur et un acheteur se sont entendus sur la vente d’un bien immobilier. Un compromis ou une promesse de vente a été conclu. Une déclaration d’intention d’aliéner (DIA) a alors été adressée à la mairie. Dans les deux mois la commune, ou ceux qu’elle aura délégué dans son droit de préemption (communautés de communes, sociétés d’économie mixte…), va intervenir et préempter le bien.

    Ainsi, entre l’acheteur et le vendeur, un tiers vient s’immiscer. Il va écarter l’acheteur et pouvoir conclure la vente à son profit. Cette prérogative de puissance publique est justifiée par l’existence d’un intérêt général poursuivi par le titulaire du droit de préemption. Cet intérêt général en constitue la justification mais aussi la limite. La préemption se distingue de l’expropriation du fait de la volonté initiale du propriétaire de vendre son bien.

    2) Le droit de préemption permet-il de préempter pour n’importe quelle raison ?

    Non. Les hypothèses pour lesquelles la préemption est possible sont nombreuses. Elles sont visées par l’article L. 300-1 du code de l’urbanisme et concernent notamment la politique locale de l’habitat, les activités économiques, la réalisation d’équipements collectifs… Le législateur a tendance à ajouter régulièrement de nouveaux cas.

    Toutefois, la préemption ne peut viser qu’un des cas prévus par la loi. Par exemple, la lutte contre la « spéculation immobilière » n’entre pas dans ces hypothèses. De surcroît, il ne suffit pas d’invoquer un objectif légal pour qu’une décision de préemption soit effectivement légale. Encore faut-il que l’objectif invoqué soit réel et corresponde à un vrai projet.

    3) La préemption peut-elle se faire à un prix inférieur à celui du compromis de vente ?

    Oui. Lorsque la préemption porte sur un bien dont la valeur est supérieure à un prix fixé par arrêté (75.000 euros depuis un arrêté du 17 décembre 2001), il est obligatoire de demander une évaluation au service des domaines, qui est un service de l’Etat. Toutefois, le titulaire du droit de préemption n’est tenu ni par cet avis, ni par le prix du compromis de vente. Dès lors, il est parfaitement possible que la préemption se fasse à un prix inférieur à celui librement déterminé entre l’acheteur et le vendeur. Certaines communes n’hésitent d’ailleurs pas à préempter à un prix très inférieur à celui du marché pour intimider le vendeur et mieux faire pression sur lui.

    4) Quels sont les recours possibles contre une décision de préemption ?

    Une décision de préemption, comme toute décision administrative, peut être contestée devant le tribunal administratif territorialement compétent. Ce dernier peut annuler la décision de préemption, c'est-à-dire la faire disparaître rétroactivement, rendant ainsi toute liberté au vendeur. Par ses effets, c’est incontestablement le recours le plus efficace.

    Il est possible aussi, en fonction des circonstances de chaque espèce, d’engager une action en référé afin d’obtenir la suspension de la décision de préemption et une action indemnitaire afin d’indemniser le préjudice subi.

    5) A qui faut-il s’adresser pour contester une décision de préemption ?

    Certains proposent d’obtenir une réévaluation du prix du bien préempté. Outre qu’ils ne présentent pas nécessairement des garanties professionnelles suffisantes, ils offrent un service limité. En effet, ces officines négligent systématiquement ce qui constitue le recours le plus efficace : l’annulation de la décision de préemption elle-même. Ainsi, aucune solution n’est proposée à l’acquéreur évincé et une solution seulement partielle au vendeur préempté.

    C’est bien d’augmenter le prix perçu par le vendeur. C’est mieux de lui permettre de vendre son bien au prix initialement fixé et en plus, le cas échéant, de lui permettre d’être indemnisé. Seul un avocat spécialisé peut proposer une solution complète et fiable en fonction des attentes de chaque justiciable et des circonstances de chaque espèce.

    6) Combien de temps prend la contestation d’une décision de préemption ?


    Le seul fait pour une commune de préempter, indépendamment de tout recours, conduit à un retard dans la réalisation de la vente et/ou à un retard dans le paiement du prix du bien. Paradoxalement, l’action en justice peut raccourcir ce délai. Ainsi, le seul fait d’engager une action en justice conduit assez souvent t le titulaire du droit de préemption à se rendre compte de l’illégalité de sa décision et à renoncer à la préemption. Hors cette hypothèse, il est possible d’obtenir en référé, en moins d’un mois, une suspension de la décision de préemption ce qui, d’après la jurisprudence, permet de conclure la transaction initialement prévue.

    7) Que peut faire le juge de l’expropriation

    Lorsque la préemption se fait à un prix inférieur à celui du compromis de vente, le titulaire du droit de préemption peut saisir le juge de l’expropriation. L’office de ce dernier est seulement de fixer le montant du prix auquel le bien pourra être acquis par le titulaire du droit de préemption. Le vendeur a intérêt à se défendre devant lui. Toutefois, du fait des règles qui sont imposées au juge de l’expropriation, les résultats ne sont pas toujours à la hauteur de l’espérance du vendeur. Cependant, il faut savoir que, même après fixation d’un prix par le juge de l’expropriation, tant le titulaire du droit de préemption, que le vendeur peuvent renoncer à conclure la vente. C’est une garantie importante pour le vendeur.

    8) Un vendeur peut-il être indemnisé du préjudice qu’il a subi du fait d’une décision de préemption ?

    Oui. Lorsque la décision de préemption est illégale, le vendeur a en principe droit à être indemnisé de son préjudice. Trois grands types de préjudices sont indemnisables : le temps pendant lequel il n’a pas disposé du prix de la vente, l’éventuelle diminution du prix de la vente et les troubles de toutes natures qu’il a pu subir. Au regard des sommes en jeu, le montant des indemnisations peut parfois être assez important. Cela compense généralement largement les frais de procédure.

    9) Un acheteur évincé peut-il devenir propriétaire du bien en dépit de la préemption ?

    Oui. D’abord, l’acheteur peut parfaitement contester la décision de préemption devant le juge administratif, éventuellement sans le vendeur, et la faire annuler. Il n’est ainsi pas tenu par une éventuelle acceptation de la préemption par le vendeur. L’acheteur est même, en référé, dans une situation procédurale très favorisée.

    Par ailleurs, dans certaines hypothèses, l’acquéreur peut, même plusieurs années après la préemption, récupérer le bien dont il a été évincé. Il peut de surcroît espérer le faire dans des conditions financières très favorables.

    10) Quelles sont les chances de succès en cas de contestation d’une décision de préemption ?

    Elles sont grandes. Les décisions de préemption sont souvent illégales. Cela provient de ce que le titulaire du droit de préemption doit agir vite, tout en étant soumis à de multiples pressions. Certains élus considèrent que le droit de préemption sert à contrôler l’ensemble des mutations immobilières sur leur territoire pour écarter des acheteurs ou pour contrôler les prix. Ils prennent de ce fait, plus ou moins sciemment, des décisions illégales.

    De surcroît, le juge administratif, parfaitement conscient du caractère abusif de certaines décisions de préemption, exerce un contrôle exigeant sur ces dernières. Dès lors, les chances de succès d’un requérant contre une décision de préemption sont assez élevées. De plus, à défaut d’obtenir l’annulation d’une décision de préemption, le vendeur peut aussi espérer une augmentation du prix auquel le bien est préempté.

    Benoît Jorion, avocat à la Cour d’appel
    de Paris, spécialiste en droit public