préemption

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  • Indemnisation de l'acquéreur du fait d’une décision de préemption

    Il a été posé « qu'un acquéreur évincé par une décision de préemption illégale est en droit d'obtenir réparation des préjudices qui résultent pour lui, de façon directe et certaine, de cette décision (CE, 17 décembre 2007, commune de Montreuil, req. n° 304626, mentionné aux tables).

    Il est fait application de ce principe en indemnisant les troubles dans les conditions d’existence du fait du retard dans la possibilité d’acquérir un bien illégalement préempté. En revanche, dans les circonstances de l’espèce, la perte des bénéfices escomptés par la mise en location du bien n’apparait pas comme suffisamment certaine (CAA Marseille, 28 mai 2018, commune de Murviel-lès-Montpellier, req. n° 16 MA01416).

    A l’inverse, l’indemnisation de l’acquéreur évincé a été refusée pour la raison suivante : « 8. la décision de préemption en litige n'était motivée par aucun projet précis. Par lettre du 20 janvier 2000, la commune de Venelles a informé le conseil de M. C... de ce que les parcelles cadastrées n° BX 105, BW 146, 148 et 226 ont été classées dans le domaine public communal par délibération du conseil municipal du 14 février 1995 dès lors qu'elles constituent l'assiette foncière d'un bassin de rétention, d'une esplanade publique et d'une voie de desserte publique. Un tel motif est de nature à justifier une action ou une opération au sens des dispositions de l'article L. 300-1 du code de l'urbanisme lequel vise la réalisation des équipements collectifs. Dès lors, la décision prise par la commune dans le cadre de l'exercice de son droit de préemption étant justifiée légalement, l'illégalité formelle de cette décision tenant à l'incompétence de son auteur n'était pas de nature, en l'espèce, à ouvrir droit à réparation des préjudices invoqués par M. C.... » (CAA Marseille, 11 juin 2018, commune de Venelles, req. n° 16MA04646). 

    Benoit Jorion

  • Notification de la décision de préemption à l’acquéreur. Absence d’obligation

    (CAA Versailles, 23 mars 2017, commune de Brunoy, req. n° 15VE01734)

    La loi ALUR a modifié l’article L. 213-2 du code de l’urbanisme en posant désormais que « la décision du titulaire fait l’objet d’une publication. Elle est notifiée au vendeur, au notaire et, le cas échéant, à la personne mentionnée dans la déclaration d’aliéner qui avait l’intention d’acquérir le bien ».

    La question s’est posée de savoir si une telle obligation constituait ou non une condition de légalité de la décision de préemption. C’est ce qui pouvait être déduit de la lettre de la loi. En effet, réduire ces notifications et cette publication à un simple rappel adressé au titulaire du droit de préemption de la nécessité de faire courir le délai de recours revient à priver de toute portée normative cette disposition nouvelle.

    La Cour administrative d’appel de Versailles a infirmé sur ce point le jugement remarqué rendu en première instance (TA Versailles, 13 avril 2015, société Simober, req. n° 1405530) en posant que « ces dispositions ne sauraient avoir pour objet ou pour effet d’instaurer une nouvelle une nouvelle condition de légalité de la décision de préemption tenant à la réception dans le délai de deux mois, à compter de la réception par la commune de la déclaration d’intention d’aliéner, de la notification de cette décision par l’acquéreur ».

    Benoît Jorion

  • Le délai de recours pour l'acquéreur évincé

    Conseil d’Etat, 1er juillet 2009 Société Holding JLP c/ Commune de Saint-Martin d’Hyères, req n°312260, à paraître aux tables

     

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    Extraits : « Considérant que, pour infirmer le jugement du tribunal administratif de Grenoble du 13 juillet 2006 et déclarer tardive et, par suite, irrecevable la demande de la S.A. HOLDING JLP tendant à l'annulation pour excès de pouvoir de l'arrêté du 11 octobre 1999 par lequel le maire de Saint-Martin d'Hères avait exercé le droit de préemption de la commune sur des terrains mis en vente par la société Dépôt pétrolier du Grésivaudan à son profit, la cour administrative d'appel de Lyon s'est fondée, d'une part, sur ce que la société requérante avait adressé à la commune, plus de deux mois avant l'introduction de sa demande d'annulation, une demande de rétrocession des terrains préemptés comportant en annexe une copie de l'arrêté du 11 octobre 1999, qui mentionnait d'ailleurs les voies et délais de recours et, d'autre part, sur ce que cet arrêté avait fait l'objet d'un affichage en mairie et d'une mention au registre des déclarations d'intention d'aliéner de la commune ;

    Considérant que le délai de recours contentieux à l'encontre d'une décision de préemption ne court en principe, à l'égard de l'acquéreur évincé par cette décision, qu'à compter de sa notification à ce dernier avec indication des voies et délais de recours ; qu'en ne relevant qu'à titre surabondant que la décision litigieuse comportait une telle indication et en se fondant sur les mesures de publicité dont celle-ci avait fait l'objet, la cour administrative d'appel a donc entaché son arrêt d'erreurs de droit ;

    Mais considérant qu'il est constant que, par un courrier du 6 janvier 2005, reçu par la commune de Saint-Martin d'Hères le 11 janvier suivant, la SOCIETE HOLDING JLP a sollicité, sur le fondement de l'article L. 213-11 du code de l'urbanisme, la rétrocession des terrains préemptés, en joignant à cette lettre une copie intégrale de la décision de préemption du 11 octobre 1999 telle qu'elle avait été notifiée au mandataire du vendeur, avec l'indication selon laquelle elle était susceptible de recours devant le tribunal administratif de Grenoble dans le délai de deux mois à compter de sa réception ; que la société requérante doit ainsi être réputée avoir eu connaissance de cette décision et des voies et délais de recours, dans des conditions et garanties équivalentes à la notification prévue à l'article R. 421-5 du code de justice administrative, au plus tard le 11 janvier 2005 ; que, par suite, le délai de recours contentieux contre cette décision a commencé à courir, à l'égard de la SOCIETE HOLDING JLP, acquéreur évincé, au plus tard à cette date ; que sa demande d'annulation, enregistrée le 17 mai 2005 au greffe du tribunal administratif de Grenoble, était donc tardive et, par suite, irrecevable ; que ce motif, qui n'appelle l'appréciation d'aucune circonstance de fait nouvelle, doit être substitué à ceux retenus par l'arrêt attaqué, dont il justifie le dispositif ; »

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    Commentaire : Le vendeur d’un bien doit être informé, dans les deux suivant le dépôt de la déclaration d’intention d’aliéner, de la décision de préemption.

    Pour que le délai de recours soit déclenché, il convient, conformément à l’article R. 421-5 du code de justice administrative, que les délais et les voies de recours soient mentionnés dans la notification de la décision. C’est donc sans surprise qu’il a été jugé que faute d’indication des voies de recours dans la notification de la décision de préemption, la forclusion après deux mois n’était pas opposable (TA Amiens, 13 avril 2006, Maistrelli et a. : AJDA 2006, p. 1575).

    En ce qui concerne l’acquéreur évincé, il n’est pas rare qu’il ne se voit pas notifier la décision de préemption. Il est cependant nécessairement informé, par le vendeur ou par le notaire, de l’existence d’une décision sur un bien qu’il s’apprêtait à acquérir. Toutefois, faute de notification, le délai de recours ne commence pas à courir à son égard. Aussi, dans certains cas, l’acquéreur évincé a pu légalement saisir le juge administratif pour obtenir l’annulation d’une décision de préemption très longtemps après son adoption (par exemple CE Sect. 19 décembre 2008 Pereira dos Santos Maia, req. n° 293853, à paraître au recueil).

    L’arrêt Société Holding JLP apporte trois précisions relatives au déclenchement des délais de recours.

    D’abord, l’affichage de la décision de préemption - qui est une décision individuelle - ne déclenche le délai de recours, ni pour le vendeur, ni pour l’acquéreur. Qu’il y ait eu ou non affichage d’une décision de préemption est donc indifférent pour eux. Il n’en irait sans doute pas de même vis-à-vis de tiers ayant intérêt à contester une telle décision (un contribuable par exemple).

    Ensuite, et c’est une confirmation, c’est bien l’indication des voies et délais de recours, et non la seule notification, qui fait courir le délai de saisine du juge administratif.

    Enfin, l’arrêt apporte une intéressante précision sur ce que l’on pourrait qualifier de connaissance acquise en matière de décision de préemption.

    Sans vouloir entrer dans le détail d’une théorie complexe, le juge administratif estime que, par application de cette théorie et dans certains cas, un recours administratif formé auprès de l’administration, tel qu’un recours gracieux, révèle que son auteur a eu connaissance de la décision, ce qui fait courir à son égard les délais de recours contentieux. Encore faut-il, et c’est ce qui peut être déduit de la jurisprudence Mauline rendue à propos du destinataire de la décision (CE Sect. 13 mars 1998 Mme Mauline et APHP, rec. p. 80), que les voies et délais de recours aient été indiqués.

    Dans le cas d’espèce, l’acquéreur évincé, qui n’avait pas reçu notification de la décision de préemption prise en 1999, a demandé à la mairie de Saint-Martin d'Hyères le 11 janvier 2005 la rétrocession du bien préempté. Il a commis l’imprudence d’y joindre copie de cette décision, telle qu'elle avait été notifiée au mandataire du vendeur. Or, sur cette décision, figurait l’indication des voies et délais de recours. En conséquence, pour le Conseil d’Etat « la société requérante doit être réputée avoir eu connaissance de cette décision et des voies et délais de recours (…) au plus tard le 11 janvier 2005 ».

    En conséquence, il ne pouvait plus le 17 mai 2005, plus de deux mois après le 11 janvier, légalement saisir le Tribunal administratif d’une requête en annulation de la décision de préemption.

    On savait que les recours gracieux donnaient rarement satisfaction à leurs auteurs. On sait maintenant qu’en plus, ils peuvent leur fermer les portes du recours contentieux. Le Conseil d’Etat, avec cet arrêt fait une application souple, mais réaliste, de la théorie de la connaissance acquise et de la connaissance des voies et délais de recours pour les requérants qui ne sont pas les destinataires de la décision attaquée. Une telle solution a vocation à s’appliquer au-delà du contentieux des seules décisions de préemption.

    Benoît JORION

    Avocat à la Cour d’appel de Paris

    Spécialiste en droit public

     

     

  • Droit à indemnisation de l’acheteur illégalement évincé

    Conseil d’Etat 17 décembre 207 Commune de Montreuil, req. n° 304626, à paraître aux tables

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    Extrait : « Considérant que M. A a sollicité devant le juge des référés l'octroi d'une provision en réparation de divers préjudices qu'il estime avoir subis du fait de l'illégalité de la décision en date du 19 août 2000 par laquelle le maire de Montreuil avait exercé le droit de préemption de la commune sur un bien situé 9, rue Edouard Vaillant, pour l'acquisition duquel il indique avoir été le titulaire d'une promesse synallagmatique de vente ; que, par l'ordonnance attaquée, le juge des référés du tribunal administratif de Cergy-Pontoise lui a alloué une provision d'un montant de 100 000 euros en réparation du seul préjudice économique résultant de l'obligation de verser des loyers pendant la période comprise entre la décision de préemption et son retrait, intervenu le 3 août 2004 ;

    Considérant qu'un acquéreur évincé par une décision de préemption illégale est en droit d'obtenir réparation des préjudices qui résultent pour lui, de façon directe et certaine, de cette décision ; que, toutefois, s'agissant de charges, telles que des loyers, qu'il n'aurait pas supportées s'il avait acquis l'immeuble en cause, il lui appartient non seulement d'établir qu'elles sont la conséquence directe et certaine de cette décision, sans notamment que s'interpose une décision de gestion qu'il aurait prise, mais encore de montrer, par exemple par la production d'un bilan financier approprié, en quoi et dans quelle mesure ces charges excèdent celles auxquelles l'acquisition du bien préempté l'auraient exposé ;

    Considérant qu'en tout état de cause, il résulte de l'instruction, en particulier d'un arrêt de la cour d'appel de Paris en date du 16 mars 2007, que c'est l'association déclarée ù Les Bâtisseurs musulmans de France », dont les statuts prévoient qu'elle dispose de ressources et dont M. A est le président et le trésorier, qui était titulaire, depuis un avenant du 31 mai 1997, d'un bail commercial pour l'occupation de l'immeuble qui a fait l'objet de la préemption litigieuse et que cette association était redevable à ce titre de loyers pour le montant indiqué par M. A ; qu'ainsi, celui-ci, qui n'a pas produit la promesse de vente et n'a pas justifié avoir réglé ces loyers sur ses deniers personnels ni être subrogé à l'association dans ses droits, n'établit pas en quoi il aurait lui-même subi un préjudice financier du fait de la décision de préemption ; que, dans ces conditions, l'existence de l'obligation pour la COMMUNE DE MONTREUIL de verser à M. A la somme de 100 000 euros en vue de l'indemniser d'un préjudice subi au titre du paiement de loyers ne revêt pas le caractère non sérieusement contestable auquel les dispositions de l'article R. 541-1 du code de justice administrative subordonnent l'octroi en référé d'une provision
    »

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    Commentaire : Cet arrêt de la fin 2007 marque le grand retour devant le Conseil d’Etat d’une commune qui a beaucoup fait pour la connaissance du droit de préemption, mais qui s’était fait plus discrète depuis quelques années devant les tribunaux.

    Cet arrêt est relatif à l’indemnisation de l’acquéreur évincé. En effet, ce dernier, définitivement ou temporairement privé de l’acquisition du bien préempté, peut estimer avoir subi un préjudice du fait de cette décision.

    Il faut tout de suite préciser que le Conseil d’Etat exige, ce qui est normal, que la décision de préemption soit illégale. Cette illégalité est donc la condition nécessaire à toute indemnisation.

    Il faut rappeler que jusqu’à présent, les juridictions administratives n’ont pas été très généreuses avec les acquéreurs évincés du fait d’une décision de préemption.

    Le meilleur exemple est celui d’un autre requérant qui a également beaucoup fait pour le droit de préemption, mais cette fois-ci bien involontairement, et qui n’a guère pu être indemnisé que des intérêts de l’argent immobilisé au titre de la promesse de vente et des troubles de toute nature subis (CE 3 février 2004 Epoux Bour, req. n° 00PA02593). En revanche, la demande d’indemnisation des frais d’architecte a été rejetée, de même que le préjudice financier consécutif à la charge de loyers ainsi qu'aux frais d'agence, de déménagement et d'installation liés à l'impossibilité d’installation.

    Lorsque l’acquéreur évincé est un professionnel qui se proposait de lotir le bien préempté, le juge administratif refuse généralement d’indemniser le bénéfice manqué en estimant que le projet était trop incertain et donc que le préjudice était éventuel (CAA Nantes 18 novembre 1993 CIA, req. n° 92NT00021). Il faut vraiment que l’autorisation d’urbanisme nécessaire ait déjà été obtenue pour que le bénéfice manqué puisse être indemnisé (CAA Bordeaux 24 avril 2006 SA Ranchère, req n° 02BX0280). Les dépenses d’études préalables peuvent aussi être indemnisées (CAA Paris 21 janvier 1997 Mme Michel, rec. p. 543).

    L’arrêt commenté pose un considérant de principe selon lequel « un acquéreur évincé par une décision de préemption illégale est en droit d'obtenir réparation des préjudices qui résultent pour lui, de façon directe et certaine, de cette décision ». Un tel considérant résume la jurisprudence antérieure. Il est posé en matière de référé-provision, ce qui peut être souligné. Ce principe est toutefois moins prétorien que celui posé par le Conseil d’Etat dans l’arrêt Commune du Fayet relatif à l’indemnisation du vendeur préempté.

    Cet arrêt présente surtout un intérêt dans l’application pratique qui est faite de ce principe en matière de charges, telles que des loyers. Le Conseil d’Etat invite ainsi l’acquéreur évincé à établir un bilan financier approprié, indiquant en quoi les charges sont été, du fait de la préemption, supérieures à ce qu’elles auraient été en son absence. Il se montre ainsi plus sensible au bilan économique d’une opération immobilière qu’il ne l’était dans l’arrêt Bour précité. C’est un progrès, en dépit de la réserve mentale que manifeste la référence à l'interposition d'une décision de gestion.

    Toutefois, l’équivalant pour les acquéreurs évincés de l’arrêt Commune du Fayet reste certainement encore à venir.


    Benoît Jorion
    Avocat à la Cour d’appel de Paris,
    Spécialiste en droit public

  • Préemption et discrimination raciale

    Dans l'Isère, deux maires sont soupçonnés de discriminations

    Article paru dans l'édition du 17.04.07 du Monde

    Les édiles de Pont-de-Chéruy et Villette-d'Anthon, qui devraient être mis en examen, sont accusés d'avoir usé à tort de leur droit de préemption

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    La perspective d'une mise en examen se rapproche pour deux élus locaux du nord de l'Isère, accusés de discrimination. Visés par deux plaintes distinctes qui avaient été regroupées dans une seule et même procédure, les maires de Pont-de-Chéruy, Alain Tuduri, et de Villette-d'Anthon, Daniel Beretta, avaient bénéficié d'un non-lieu à la mi-octobre 2006. Mais cette décision a été annulée, le 23 mars, par la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Grenoble. Cette dernière a ordonné un « supplément d'information aux fins de mettre en examen » les deux édiles.

    En décembre 2002, SOS-Racisme avait porté plainte avec constitution de partie civile contre la municipalité de Pont-de-Chéruy au prétexte qu'elle aurait recouru, plusieurs fois, à son droit de préemption pour empêcher des familles issues de l'immigration d'acheter un logement sur la commune ( Le Monde du 7 février 2003). Quatre mois après, en avril 2003, Saïd et Mohamed Karkzou avaient fait la même démarche à l'encontre de la commune de Villette-d'Anthon en reprochant à M. Beretta d'avoir - vainement - essayé de bloquer la vente du bien immobilier qu'ils convoitaient.

    Dans une ordonnance rendue le 16 octobre 2006, la juge d'instruction de Vienne, Anne-Marie Lacombe, avait indiqué qu'il n'y avait pas de « charges suffisantes contre quiconque ». La chambre de l'instruction, elle, a estimé qu'il convenait d'approfondir les investigations pour éclaircir ces deux affaires. A l'appui de sa décision, elle souligne, notamment, que la ville de Pont-de-Chéruy a exercé « au cours des six dernières années 31 préemptions », dont 25 concernaient des personnes ayant des « patronymes (...) à consonance étrangère ».
    L'information a établi que le « maire usait de pressions, n'hésitant pas à intervenir personnellement auprès de notaires, d'agences immobilières et de vendeurs, les prévenant que, si la vente était consentie à un étranger, il userait de son droit de préemption », ajoutent les magistrats de la chambre. Dans certains cas, la municipalité n'a pas acquis le bien préempté, « le maire (...) laissant le vendeur conclure une vente avec un autre acquéreur si celui-ci se révélait conforme à ses voeux ».

    Contestant les allégations des parties civiles, M. Tuduri a mis en avant sa « politique d'intégration et de mixité ». Confronté à la présence de copropriétés dégradées dont les logements sont suroccupés, le maire de Pont-de-Chéruy a expliqué qu'il avait relogé des familles vivant dans ces immeubles, avec l'aide d'un organisme HLM ou « en rachetant pour le compte de la mairie des maisons individuelles ».

    Le 8 novembre 2006, Gérard Dezempte, maire de Charvieu-Chavagneux - une commune voisine -, avait été condamné par la cour d'appel de Grenoble à 1 500 euros d'amende et à trois ans d'inéligibilité pour des faits similaires. Il lui était reproché d'avoir préempté une maison qu'un couple d'origine maghrébine souhaitait acquérir ; la vente avait, finalement, été conclue avec un autre acheteur, la marie ayant renoncé à prendre possession du bien.


    Bertrand Bissuel

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    Commentaire : L’article 225-1 du code pénal qualifie de discrimination toute distinction opérée entre les personnes physiques à raison notamment de « leur origine (…) ou de leur appartenance ou de leur non-appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie, une nation, une race ou une religion déterminée ».

    Face à certaines communes qui tentent d’utiliser leur droit de préemption comme filtre ethnique, un tel article est invocable. La difficulté est toutefois de démontrer la discrimination. L’article cité avance un certain nombre d’éléments de preuve qui résultent de l’enquête.

    La répression pénale est une sanction très dissuasive. Elle ne peut cependant se substituer à la contestation en justice de la décision de préemption elle-même qui, au regard du contrôle opéré par le juge administratif, a toutes chances d’être illégale.

    Benoît Jorion
    Avocat à la Cour d’appel de Paris,
    Spécialiste en droit public