Préemptions systématiques à Paris
Paris
LA VILLE PRÉEMPTERA DAVANTAGE D'IMMEUBLES HABITÉS PAR DES FAMILLES DÉFAVORISÉES
Les Verts parisiens obtiennent gain de cause sur le logement
Article paru dans l'édition du Monde du 13.12.06
A L'INSTIGATION des Verts de sa majorité, le maire PS de Paris, Bertrand Delanoë, a décidé d'endiguer plus activement l'éviction des couches populaires de la capitale, victimes des ventes à la découpe.
L'exécutif municipal devait s'engager, mardi 12 décembre à acheter « systématiquement les immeubles » privés, sans grand confort sanitaire, habités par des occupants dont le revenu est inférieur à 900 euros.
Une partie des Verts avait menacé de ne pas voter le budget logement pour 2007, examiné mardi, si l'exécutif ne dégageait pas de nouveaux crédits pour préempter des immeubles habités par des familles défavorisées pour les transformer en logements sociaux. Les élus PCF ont demandé, eux aussi, un effort. « Les difficultés de plus en plus grandes des Parisiens très modestes pour rester dans leur logement à Paris gangrènent les efforts de la Ville pour créer par ailleurs des logements sociaux », constatait mardi, Jean Vuillermoz, président du groupe communiste.
Les Verts évaluent l'effort financier à 900 millions d'euros par an pendant trois ans pour acquérir les 103 702 logements privés vétustes habités par des ménages qui pourraient prétendre à un logement social. « La préoccupation des Verts est juste. Mais je ne ferai rien qui mette en danger l'équilibre budgétaire », a prévenu, lundi, Bertrand Delanoë.
« TOURNANT »
L'adjoint (PS) au maire Christophe Caresche est finalement parvenu à un accord avec les Verts : la Ville s'engage à racheter « le noyau dur » des 103 702 logements, soit 55 000 habitations, avec à la clé une rallonge au compte foncier de 36 millions d'euros en 2007, pour une enveloppe globale de 210 millions.
« C'est un tournant de la politique du logement social à Paris ! », pavoise François Florès, élu Verts du 18e arrondissement. Jusqu'ici, « la Ville préemptait des immeubles sans se préoccuper de savoir si les habitants étaient modestes ou aisés ». Jean-Yves Mano, adjoint (PS) chargé du logement relativise la portée de la décision : « Pour préempter davantage d'immeubles à bas loyers, encore faudra-t-il qu'il y ait des opportunités de les acheter ! »
Béatrice Jérôme
Commentaire : Cet article illustre bien la pression qui s’exerce sur beaucoup d’élus, conduits en conséquence à faire du droit de préemption la bonne-à-tout-faire de leur politique locale de l’habitat.
Définir une politique de préemption systématique, ainsi qu’il est relaté ci-dessus, pour un objectif –le maintien d’une population donnée, définie par son niveau de revenu- qui ne figure pas parmi les objectifs légaux du droit de préemption est le meilleur moyen, le jour venu, de prendre une décision illégale.
La conséquence de l’illégalité d’une telle décision est, outre son risque d’annulation, le risque d’indemnisation qui, au regard du marché immobilier dans la capitale, peut être très lourde pour le contribuable parisien.
Benoît Jorion
Avocat à la Cour d’appel de Paris,
Spécialiste en droit public