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préemption - Page 10

  • L’entrée en vigueur du droit de préemption sur les commerces

    Conseil d'État 21 mars 2008 Société MEGARON, req. n° 310173, à paraître aux tables

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    Extraits : « Considérant qu'une loi nouvelle entre en vigueur le lendemain de sa publication au Journal officiel, dans les conditions fixées à l'article 1er du code civil, sauf si elle en dispose autrement ou si son application est manifestement impossible en l'absence de dispositions réglementaires en précisant les modalités ; qu'en ce cas, comme l'indique ce même article, son entrée en vigueur est reportée à la date d'entrée en vigueur de ces dispositions ;

    Considérant que les articles L. 214-1 et L. 214-2 du code de l'urbanisme, issus de la loi du 2 août 2005, ont pour objet d'ouvrir aux communes la possibilité de se doter d'un droit de préemption des fonds artisanaux, fonds de commerce et baux commerciaux en vue de préserver, dans un périmètre de sauvegarde qu'elles délimitent par une délibération motivée, la diversité de l'activité commerciale et artisanale de proximité ; qu'il résulte de ces dispositions que le fonds ou le bail objet de la préemption doit être rétrocédé dans un délai d'un an à une entreprise dont l'exploitation répond aux objectifs poursuivis ;

    Considérant que, si l'application des dispositions de l'article L. 214-1 du code de l'urbanisme n'était pas manifestement impossible, en l'absence du décret prévu à l'article L. 214-3, en tant qu'elles permettent au conseil municipal de délimiter un périmètre de sauvegarde du commerce et de l'artisanat de proximité, à l'intérieur duquel les cessions de fonds artisanaux, de fonds de commerce ou de baux commerciaux pourront être soumises au droit de préemption, il en va différemment des autres dispositions de cet article et de celles de l'article L. 214-2 relatives à l'exercice du droit de préemption et au droit de rétrocession qui en est inséparable, dès lors que ce dispositif entièrement nouveau, qui se distingue des droits de préemption existants régis par les articles L. 213-1 à L. 213-18 du code de l'urbanisme - auxquels il n'est d'ailleurs fait renvoi que sur certains points - ne peut être mis en oeuvre sans qu'aient été apportées par voie réglementaire les précisions nécessaires à son application, notamment sur les modalités de la rétrocession du bien préempté ; qu'ainsi, en ne retenant pas comme de nature à créer un doute sérieux sur la légalité de la décision de préemption litigieuse le moyen tiré de ce que la décision en cause se fondait sur un texte inapplicable en l'absence, à la date de cette décision, de dispositions réglementaires d'application des articles L. 214-1 et L. 214-2 du code de l'urbanisme, le juge des référés du tribunal administratif de Nice a commis une erreur de droit ; que son ordonnance doit pour ce motif, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, être annulée
    ;

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    Commentaire : A l’heure ou toutes les conditions sont désormais remplies pour que fonctionne le droit de préemption sur les fonds artisanaux, les fonds de commerce et les baux commerciaux (Cf. ma note du 6 avril), le Conseil d’Etat vient de préciser les modalités d’entrée en vigueur de ce nouveau dispositif.

    Plus de deux ans et demi auront été nécessaires depuis la loi du 2 août 2005, pour que les nouveaux articles L. 214-1 à L. 214-3 du code de l’urbanisme soient applicables. Pourtant, certaines communes, sans attendre le décret d’application pourtant annoncé par l’article L. 214-3, ont déjà délimité un périmètre de sauvegarde du commerce et de l'artisanat de proximité. D’autres communes ont même commencé à préempter.

    Tel est le cas de la commune de Valbonne qui a préempté un droit de bail. Le Conseil d’Etat vient de casser l’ordonnance rendue par le juge des référés du Tribunal administratif de Nice, qui avait rejeté la demande de suspension, estimant que le moyen tiré de ce que sa décision se fondait sur un texte inapplicable en l'absence de dispositions réglementaires d'application n’était pas de nature à créer un doute sérieux.

    Le Conseil d’Etat en profite pour dire comment la loi du 2 août 2005 est progressivement entrée en vigueur.

    Il aurait pu être soutenu que rien de cette loi ne pouvait entrer en vigueur, l’article L. 214-3 annonçant un décret d’application à venir. Ce n’est pas cette voie que le Conseil d’Etat a adoptée, rappelant que ce n’est que lorsque l’application est « manifestement impossible en l'absence de dispositions réglementaires en précisant les modalités » qu’il convient d’attendre un décret d’application.

    Il estime, de ce fait, que la procédure ouverte par l’article L. 214-1 du code de l’urbanisme, permettant à un conseil municipal de délimiter un périmètre de sauvegarde du commerce et de l'artisanat de proximité, à l'intérieur duquel les cessions de fonds artisanaux, de fonds de commerce ou de baux commerciaux pourront être soumises au droit de préemption, était possible, même sans décret d’application.

    A l’inverse, le Conseil d’Etat estime que « il en va différemment des autres dispositions de cet article et de celles de l'article L. 214-2 relatives à l'exercice du droit de préemption et au droit de rétrocession qui en est inséparable, dès lors que ce dispositif entièrement nouveau, qui se distingue des droits de préemption existants (…) ne peut être mis en oeuvre sans qu'aient été apportées par voie réglementaire les précisions nécessaires à son application, notamment sur les modalités de la rétrocession du bien préempté ».

    La distinction est donc bien claire : un conseil municipal pouvait depuis la loi du 2 août 2005 instituer une zone de préemption en matière commerciale. En revanche, ce droit de préemption, entièrement nouveau, ne peut être exercé que depuis la publication du décret du 26 décembre 2007, si ce n’est même depuis la parution de l’arrêté relatif à la déclaration de cession, le 1er avril 2008.

    Il n’est donc pas nécessaire pour un conseil municipal, qui a souhaité prendre les devants, de délibérer à nouveau sur l’institution d’un périmètre de sauvegarde du commerce et de l’artisanat.

    Au moins en théorie.

    En effet, le décret du 26 décembre 2007 a précisé, sans que rien dans la loi ne l’annonce, que cette délibération devait être entourée d’un certain nombre de formalités, dont un avis des chambre locales de commerce et d'industrie et des métiers et de l'artisanat. Une telle formalité risquera souvent de faire défaut pour les délibérations antérieures à ce décret.

    Benoît JORION
    Avocat à la Cour d’appel de Paris
    Spécialiste en droit public

  • Parution du formulaire nécessaire pour purger le droit de préemption des fonds de commerce

    Arrêté du 29 février 2008 relatif à la déclaration préalable à la cession de fonds artisanaux, de fonds de commerce ou de baux commerciaux et modifiant le code de l'urbanisme

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    Extraits : Le ministre d'Etat, ministre de l'écologie, du développement et de l'aménagement durables, et la garde des sceaux, ministre de la justice,

    Vu le code de l'urbanisme, notamment ses articles L. 214-1 et R. 214-4,

    Arrêtent :

    Article 1er
    Le chapitre IV du titre Ier du livre II de la troisième partie (Arrêtés) du code de l'urbanisme est remplacé par les dispositions suivantes :

    « Chapitre IV

    « Droit de préemption des communes sur les fonds artisanaux, les fonds de commerce et les baux commerciaux

    « Art. A. 214-1. - La déclaration préalable prévue par les articles L. 214-1 et R. 214-4 doit être établie conformément au formulaire enregistré par la direction générale de la modernisation de l'Etat sous le numéro CERFA 13644*01 et disponible sur le site internet du ministère de l'écologie, du développement et de l'aménagement durables : http://www.developpement-durable.gouv.fr. »


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    Commentaire : L’arrêté du 29 février 2008, paru au journal officiel du 1er avril, qui impose de recourir au formulaire CERFA n° 13644*01, en dépit de son apparente banalité, permet l’entrée en vigueur d’une réforme en suspens depuis 32 mois, aussi attendue que redoutée, celle relative à la préemption des fonds artisanaux, fonds de commerce et baux commerciaux.

    On sait que l’article L. 214-1 du code de l’urbanisme, issu de l’article 58 de la loi n°2005-882 du 2 août 2005, a permis la préemption de tels biens en cas de cession. Cet article précise que « Chaque cession est subordonnée, à peine de nullité, à une déclaration préalable faite par le cédant à la commune. ».

    Il était nécessaire, pour que ce nouveau droit de préemption entre en vigueur, que cette déclaration préalable à la charge du cédant soit précisée.

    Le décret d’application n’est intervenu qu’à l’extrême fin 2007. Il a créé dans le code de l’urbanisme un article R. 214- 4 qui précise que : « La déclaration préalable prévue par le deuxième alinéa de l'article L. 214-1 est établie dans les formes prescrites par un arrêté du ministre chargé de l'urbanisme et du ministre de la justice. »

    La forme de cette fameuse déclaration préalable était toujours attendue. C’est donc l’objet de cet arrêté du 29 février de la préciser, en renvoyant à un formulaire CERFA n° 13644. On peut remarquer que cet arrêté précise que cette déclaration doit être établie conformément à ce modèle, comme c’est déjà le cas pour les autres droits de préemption.

    Il conviendra donc d’adresser cette déclaration selon les modalités prévues au 2eme alinéa de l’article R. 214-1 qui précise que : « La déclaration en quatre exemplaires est adressée, par pli recommandé avec demande d'avis de réception, au maire de la commune où est situé le fonds ou l'immeuble dont dépendent les locaux loués, ou déposée en mairie contre récépissé. »

    Aussi, dès lors que les communes ont institué ce droit de préemption sur leur territoire, il convient dorénavant pour les cessions concernées, de remplir un tel formulaire afin de purger ce droit.

    Benoît JORION
    Avocat à la Cour d’appel de Paris
    Spécialiste en droit public

  • Un aménagement doit être d’une importance suffisante pour justifier une préemption

    Conseil d’Etat, 3 décembre 2007 Commune de Mondragon, req. n° 295779

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    Extraits : « Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes de l'article L. 210-1 du code de l'urbanisme : « Les droits de préemption institués par le présent titre sont exercés en vue de la réalisation, dans l'intérêt général, des actions ou opérations répondant aux objectifs définis à l'article L. 300-1 (…) » ; qu'aux termes de l'article L. 300-1 du même code : « Les actions ou opérations d'aménagement ont pour objets de mettre en oeuvre un projet urbain, une politique locale de l'habitat, d'organiser le maintien, l'extension ou l'accueil des activités économiques, de favoriser le développement des loisirs et du tourisme, de réaliser des équipements collectifs, de lutter contre l'insalubrité, de permettre le renouvellement urbain, de sauvegarder ou de mettre en valeur le patrimoine bâti ou non bâti et les espaces naturels (…) » ; qu'il résulte de ces dispositions que des travaux destinés à améliorer la visibilité d'un carrefour ne sont pas en eux-mêmes de nature à caractériser une action ou une opération d'aménagement au sens de l'article L. 300-1 du code de l'urbanisme ;

    Considérant qu'aux termes de la décision du 4 octobre 2001, la préemption de l'immeuble de M. A permettra, du fait de sa démolition, l'amélioration de la visibilité du débouché de la rue de la Paix sur le chemin départemental n° 26 ; que, nonobstant l'intérêt général qui s'attache à la réalisation des travaux projetés en vue de l'amélioration de la sécurité des usagers, ces travaux ne présentent pas, compte tenu de leur objet et de leur consistance, le caractère d'une opération d'aménagement au sens de l'article L. 300-1 du code de l'urbanisme ; qu'il ne ressort pas des pièces du dossier qu'ils s'intègreraient dans une telle opération ;
    »

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    Commentaire : Les articles L. 210-1 et L. 300-1 du code de l’urbanisme permettent de préempter pour mener à bien des « actions ou opérations d’aménagement » qui ont notamment « pour objets de mettre en œuvre un projet urbain ».

    Cependant, le Conseil d’Etat vient rappeler avec l’arrêt Commune de Mondragon que le fait de recourir à la préemption en vue de la réalisation d’un projet urbain exige que ce projet soit d’une certaine importance.
    Il a ainsi déjà été jugé que la seule protection d’un site (CAA Nancy 23 octobre 2003, construct-urb. 2004 comm. 39), de simples travaux de sécurité sur une voie publique (CAA Paris 28 juin 1994 Commune de Meudon, req. n° 93PA00388), ou le simple réaménagement de la voirie par redressement d’un virage (CE 30 juillet 1997 Ville d’Anger, tab. p. 1122) ne justifiaient pas l’exercice du droit de préemption.

    De même, dans le cas d’espèce, le Conseil d’Etat estime que des travaux destinés à améliorer la visibilité d'un carrefour ne permettent pas de recourir à la préemption. Il fait à cette occasion une intéressante distinction entre l’intérêt général qui s’attache à cette opération et l’exercice du droit de préemption. Le caractère d’intérêt général d’une opération ne permet donc pas de mener à bien n’importe quelle opération de préemption. De même, de micro aménagements ne justifient pas légalement le recours au droit de préemption.

    Benoît JORION
    Avocat à la Cour d’appel de Paris
    Spécialiste en droit public

  • Droit à indemnisation de l’acheteur illégalement évincé

    Conseil d’Etat 17 décembre 207 Commune de Montreuil, req. n° 304626, à paraître aux tables

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    Extrait : « Considérant que M. A a sollicité devant le juge des référés l'octroi d'une provision en réparation de divers préjudices qu'il estime avoir subis du fait de l'illégalité de la décision en date du 19 août 2000 par laquelle le maire de Montreuil avait exercé le droit de préemption de la commune sur un bien situé 9, rue Edouard Vaillant, pour l'acquisition duquel il indique avoir été le titulaire d'une promesse synallagmatique de vente ; que, par l'ordonnance attaquée, le juge des référés du tribunal administratif de Cergy-Pontoise lui a alloué une provision d'un montant de 100 000 euros en réparation du seul préjudice économique résultant de l'obligation de verser des loyers pendant la période comprise entre la décision de préemption et son retrait, intervenu le 3 août 2004 ;

    Considérant qu'un acquéreur évincé par une décision de préemption illégale est en droit d'obtenir réparation des préjudices qui résultent pour lui, de façon directe et certaine, de cette décision ; que, toutefois, s'agissant de charges, telles que des loyers, qu'il n'aurait pas supportées s'il avait acquis l'immeuble en cause, il lui appartient non seulement d'établir qu'elles sont la conséquence directe et certaine de cette décision, sans notamment que s'interpose une décision de gestion qu'il aurait prise, mais encore de montrer, par exemple par la production d'un bilan financier approprié, en quoi et dans quelle mesure ces charges excèdent celles auxquelles l'acquisition du bien préempté l'auraient exposé ;

    Considérant qu'en tout état de cause, il résulte de l'instruction, en particulier d'un arrêt de la cour d'appel de Paris en date du 16 mars 2007, que c'est l'association déclarée ù Les Bâtisseurs musulmans de France », dont les statuts prévoient qu'elle dispose de ressources et dont M. A est le président et le trésorier, qui était titulaire, depuis un avenant du 31 mai 1997, d'un bail commercial pour l'occupation de l'immeuble qui a fait l'objet de la préemption litigieuse et que cette association était redevable à ce titre de loyers pour le montant indiqué par M. A ; qu'ainsi, celui-ci, qui n'a pas produit la promesse de vente et n'a pas justifié avoir réglé ces loyers sur ses deniers personnels ni être subrogé à l'association dans ses droits, n'établit pas en quoi il aurait lui-même subi un préjudice financier du fait de la décision de préemption ; que, dans ces conditions, l'existence de l'obligation pour la COMMUNE DE MONTREUIL de verser à M. A la somme de 100 000 euros en vue de l'indemniser d'un préjudice subi au titre du paiement de loyers ne revêt pas le caractère non sérieusement contestable auquel les dispositions de l'article R. 541-1 du code de justice administrative subordonnent l'octroi en référé d'une provision
    »

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    Commentaire : Cet arrêt de la fin 2007 marque le grand retour devant le Conseil d’Etat d’une commune qui a beaucoup fait pour la connaissance du droit de préemption, mais qui s’était fait plus discrète depuis quelques années devant les tribunaux.

    Cet arrêt est relatif à l’indemnisation de l’acquéreur évincé. En effet, ce dernier, définitivement ou temporairement privé de l’acquisition du bien préempté, peut estimer avoir subi un préjudice du fait de cette décision.

    Il faut tout de suite préciser que le Conseil d’Etat exige, ce qui est normal, que la décision de préemption soit illégale. Cette illégalité est donc la condition nécessaire à toute indemnisation.

    Il faut rappeler que jusqu’à présent, les juridictions administratives n’ont pas été très généreuses avec les acquéreurs évincés du fait d’une décision de préemption.

    Le meilleur exemple est celui d’un autre requérant qui a également beaucoup fait pour le droit de préemption, mais cette fois-ci bien involontairement, et qui n’a guère pu être indemnisé que des intérêts de l’argent immobilisé au titre de la promesse de vente et des troubles de toute nature subis (CE 3 février 2004 Epoux Bour, req. n° 00PA02593). En revanche, la demande d’indemnisation des frais d’architecte a été rejetée, de même que le préjudice financier consécutif à la charge de loyers ainsi qu'aux frais d'agence, de déménagement et d'installation liés à l'impossibilité d’installation.

    Lorsque l’acquéreur évincé est un professionnel qui se proposait de lotir le bien préempté, le juge administratif refuse généralement d’indemniser le bénéfice manqué en estimant que le projet était trop incertain et donc que le préjudice était éventuel (CAA Nantes 18 novembre 1993 CIA, req. n° 92NT00021). Il faut vraiment que l’autorisation d’urbanisme nécessaire ait déjà été obtenue pour que le bénéfice manqué puisse être indemnisé (CAA Bordeaux 24 avril 2006 SA Ranchère, req n° 02BX0280). Les dépenses d’études préalables peuvent aussi être indemnisées (CAA Paris 21 janvier 1997 Mme Michel, rec. p. 543).

    L’arrêt commenté pose un considérant de principe selon lequel « un acquéreur évincé par une décision de préemption illégale est en droit d'obtenir réparation des préjudices qui résultent pour lui, de façon directe et certaine, de cette décision ». Un tel considérant résume la jurisprudence antérieure. Il est posé en matière de référé-provision, ce qui peut être souligné. Ce principe est toutefois moins prétorien que celui posé par le Conseil d’Etat dans l’arrêt Commune du Fayet relatif à l’indemnisation du vendeur préempté.

    Cet arrêt présente surtout un intérêt dans l’application pratique qui est faite de ce principe en matière de charges, telles que des loyers. Le Conseil d’Etat invite ainsi l’acquéreur évincé à établir un bilan financier approprié, indiquant en quoi les charges sont été, du fait de la préemption, supérieures à ce qu’elles auraient été en son absence. Il se montre ainsi plus sensible au bilan économique d’une opération immobilière qu’il ne l’était dans l’arrêt Bour précité. C’est un progrès, en dépit de la réserve mentale que manifeste la référence à l'interposition d'une décision de gestion.

    Toutefois, l’équivalant pour les acquéreurs évincés de l’arrêt Commune du Fayet reste certainement encore à venir.


    Benoît Jorion
    Avocat à la Cour d’appel de Paris,
    Spécialiste en droit public

  • Parution du décret sur le droit de préemption sur les fonds de commerce, les fonds artisanaux et les baux commerciaux

    Décret n° 2007-1827 du 26 décembre 2007. Journal officiel du 28 décembre 2007, p. 21536

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    Commentaire : La loi du 2 août 2005 a décidé de permettre la préemption des fonds de commerce, fonds artisanaux et baux commerciaux. Ces dispositions ont été codifiées aux articles L. 214-1 à L. 214-3 du code de l’urbanisme. L’article L. 214-3 annonçait un décret en Conseil d’Etat.

    Près de 30 mois ont été nécessaires pour un texte plusieurs fois annoncé comme imminent et finalement promis pour la fin 2007. Pari enfin tenu, avec l’adoption d’un décret le 26 décembre 2007.

    Un commentaire complet de ce décret serait trop long. Je préfère donc renvoyer le lecteur intéressé au texte même du décret, codifié aux articles R. 214-1 à R. 214-16 du code de l’urbanisme, et faire quelques remarques.

    L’article R. 214-1 précise que le périmètre de sauvegarde du commerce et de l’artisanat de proximité est soumis pour avis à « la chambre de commerce et d'industrie et à la chambre des métiers et de l'artisanat dans le ressort desquelles se trouve la commune ». Cela signifie que les communes qui ont cru pouvoir anticiper le décret et déjà adopter un tel périmètre vont devoir recommencer la procédure.

    L’article R. 214-5 encadre les formes de la préemption de la commune (pli recommandé avec demande d'avis de réception ou remise contre décharge au domicile ou au siège social du cédant). Il ne semble donc pas possible d’adresser au notaire la décision de préemption, comme c’est généralement la règle en matière de préemption.

    Ce même article prévoit que « lorsque le cédant est lié par un contrat de bail, une copie de cette notification est adressée au bailleur ». La jurisprudence devra préciser la conséquence de l’omission d’une telle formalité.

    L’article R. 214-6 réserve une surprise en ce qu’il ne permet pas au cédant, en cas de préemption à un prix différent, de renoncer à la vente, contrairement à ce que prévoit l’article R. 213-9, notamment pour le droit de préemption urbain. Cet article R. 214-6 prévoit que le titulaire du droit de préemption saisit directement le juge de l’expropriation « en cas de désaccord sur le prix ou les conditions indiqués dans la déclaration préalable ».

    Cependant, l’article L. 214-1 a prévu que « le droit de préemption est exercé selon les modalités prévues à l’article L. 213-4 à L. 213-7 » et cet article L. 213-7 prévoit que « à défaut d’accord sur le prix, tout propriétaire (…) peut ultérieurement retirer son offre ». Le retrait de l’offre doit donc être regardé comme toujours possible.

    Le plus délicat portait sur la rétrocession. En effet, s’il y a préemption d’un bail commercial, d’un fond de commerce ou d’un fond artisanal, c’est pour sauvegarder l‘activité. Il faut donc que la commune trouve un nouveau titulaire. Les articles L. 214-12 à R. 214-15 organisent une publicité destinée à permettre cette rétrocession. Il y a là une intéressante nouveauté avec l’attribution d’un bail privé par une commune. Le texte ne dit pas quels critères devront être pris en compte. Une jurisprudence inédite ne manquera pas, là aussi, de se former.

    Alors que l’article L. 214-2 impose l’accord du bailleur en matière de bail commercial, à peine de nullité, le décret organise un processus d’accord simplement tacite du propriétaire du bail commercial. Pour s’opposer à la rétrocession, c’est le propriétaire qui doit saisir le Président du TGI (article R. 214-13).

    Enfin, dernier élément du décret (article R. 214-16), si la rétrocession n’a pas eu lieu dans le délai d’un an, l’acquéreur évincé, s’il est connu, bénéficie d’un droit de priorité. A lui de patienter, s’il le peut.



    Benoît JORION
    Avocat à la Cour d’appel de Paris
    Spécialiste en droit public