préemption

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Fonds de commerce

  • Responsabilité du fait d’une décision de préemption sur un bail commercial

    (TA Cergy-Pontoise, 29 mars 2018, société connected world services, req. n° 1602666).

    La jurisprudence en matière de contestation des préemptions de fonds de commerces, fonds artisanaux et baux commerciaux reste rare. C’est encore plus le cas pour les actions indemnitaires.

    La préemption d’un bail avait été précédemment annulée, la cession n’étant pas contraire aux objectifs fixés par la commune. Pour apprécier la demande indemnitaire du titulaire du bail, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise s’est inspiré de la jurisprudence commune de Fayet et, après avoir relevé l’existence d’un lien de causalité suffisant, a accepté d’indemniser la perte du prix de cession, pourtant nettement supérieur au prix du marché et le retard dans la vente Responsabilité du fait d’une décision de préemption sur un bail commercial
    La jurisprudence en matière de contestation des préemptions de fonds de commerces, fonds artisanaux et baux commerciaux reste rare. C’est encore plus le cas pour les actions indemnitaires.
    La préemption d’un bail avait été précédemment annulée, la cession n’étant pas contraire aux objectifs fixés par la commune. Pour apprécier la demande indemnitaire du titulaire du bail, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise s’est inspiré de la jurisprudence commune de Fayet et, après avoir relevé l’existence d’un lien de causalité suffisant, a accepté d’indemniser la perte du prix de cession, pourtant nettement supérieur au prix du marché et le retard dans la vente.

    Benoit Jorion

  • Contrôle de l’erreur manifeste d’appréciation du projet poursuivi par la préemption

    Le contrôle de l’erreur manifeste d’appréciation n’est pas totalement inconnu en matière de droit de préemption. La jurisprudence en donne des exemples qui, eu égard au large pouvoir discrétionnaire pour préempter ou ne pas préempter, la plupart du temps estiment qu’il n’y a pas d’erreur (CE, 30 novembre 1984, Villanua, tab. p 773 ; CAA Paris, 7 juin 2007, Ville de Paris, req. n° 06PA04239).

    Il existe cependant des hypothèses ou une telle erreur est retenue (CAA Bordeaux, 9 mars 1995, Commune de Cauterets, req. n° 93BX00778). Le projet peut aussi être jugé inadapté (CAA Nancy, 20 mars 1997, Spéchinor, req 94NC00553) ou, comme en l’espèce, inadéquat.

    Il a ainsi été jugé que « 7 Les parcelles préemptées sont situées à une distance de près de 500 mètres du projet d'aménagement sportif envisagé par la commune d'Orange. Par ailleurs, les cartes produites au dossier démontrent que seule l'avenue Antoine Pinay permet de relier directement ces parcelles au projet du stade du parc des expositions. La commune d'Orange ne démontre pas que la réalisation d'autres liaisons viaires piétonnières ou non entre le bien préempté et le projet d'équipement sportif envisagé serait possible. Au surplus, la commune n'établit pas que ces liaisons permettraient de raccourcir la distance séparant les parcelles préemptées du projet envisagé. Si elle ajoute qu'elle est propriétaire de plusieurs parcelles autour de ce projet, cette circonstance est de nature à démontrer que la collectivité possède des réserves foncières permettant l'aménagement d'accessoires indispensables à proximité immédiate du projet. Ainsi, ce dernier présente un caractère inadéquat compte tenu de sa localisation et ne constitue pas le complément indissociable de l'opération d'aménagement d'équipement sportif envisagée. Il est dès lors dépourvu d'intérêt général comme l'a estimé à bon droit le tribunal. » (CAA Marseille, 14 mai 2018, commune d’Orange, req. n° 17MA03198)

    La jurisprudence récente donne un autre exemple à travers l’exercice d’un droit de préemption sur un droit au bail. La jurisprudence est peu abondante en la matière. Le contrôle de l’objectif poursuivi et de sa réalisation effective peut donner lieu à une appréciation très subtile.

    La préemption d’un bail de restaurant est ainsi annulée pour la raison suivante : « 4. Considérant que l’objectif de préserver ou de favoriser une offre de restauration diversifiée, composée notamment d’un nombre suffisant de restaurants ouverts le soir et proposant un service à table et limitant corrélativement, dans une certaine mesure, le nombre d’établissements proposant une restauration dite « rapide », figure au nombre de ceux qui peuvent être légalement poursuivis par une commune au sein d’un périmètre de sauvegarde du commerce et de l’artisanat de proximité ; qu’en outre, contrairement à ce que soutiennent les requérants, l’activité de bar à salades qu’ils envisagent d’exercer sous l’enseigne « Ankka » entre dans le champ de la restauration « rapide » ; que, toutefois, il ne ressort pas des pièces du dossier qu’à la date de la décision en litige, une telle offre de restauration aurait été surreprésentée au sein du quartier du « Faubourg de l’Arche » qui compte une vingtaine de locaux de restauration ; qu’en particulier, le nombre de quatre restaurants « traditionnels », avancé par la commune dans ses écritures en défense, ne prend en compte que des restaurants de type « brasserie » et écarte une dizaine de restaurants italiens, asiatiques ou encore libanais, pourtant ouverts le soir et pratiquant un service à table ; que, de plus, le local commercial au sein duquel les requérants souhaitent développer leur activité n’était auparavant pas occupé par un restaurant « traditionnel » mais par un café de l’enseigne « Starbucks », de telle sorte que la cession de bail litigieuse intervenue le 15 décembre 2015 n’a pas pour effet d’accroître l’offre de restauration « rapide » au sein du quartier ; que, dans ces conditions, les requérants sont fondés à soutenir que la commune de Courbevoie a commis une erreur d’appréciation en exerçant son droit de préemption sur le bail commercial qu’ils ont acquis le 15 décembre 2015 » (TA Cergy-Pontoise, 5 octobre 2017, commune de Courbevoie, req. n° 1603262).

    Benoît Jorion

  • Préemption d'un bar à Rennes

    Rennes : le 1929, bar mythique, va fermer ses portes (extrait du Mensuel de Rennes.fr)

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    "La mairie de Rennes a validé, ce lundi soir, la décision de préemption du fonds de commerce du bar le 1929, près de la rue Saint-Michel. L'établissement ne sera pas remplacé par un débit de boissons. Objectif : « La suppression d’une licence IV dans ce secteur sensible. »

    Le 1929, bar mythique situé dans l’impasse des Barrières, perpendiculaire à la rue Saint-Michel, à Rennes, va fermer ses portes d’ici à la fin de l’année. Elles ne rouvriront plus. Le propriétaire, Maxime Aubin, l’a mis en vente. La mairie de Rennes a décidé d’utiliser son droit de préemption sur le fonds de commerce. Elle devrait acquérir les murs pour un montant fixé à 200 000 €. L’initiative a été entérinée ce lundi soir, lors de la séance du conseil municipal. L’objectif avoué de cet « investissement » municipal est « la suppression d’une licence IV dans ce secteur sensible ». Autrement dit : une fois propriétaire, la municipalité ne compte pas rouvrir un bar à la place du futur ex-1929. Considéré comme hautement « sensible » car située à deux pas de la célèbre « rue de la Soif », l’impasse des Barrières est dans le collimateur de la mairie. Nathalie Appéré, première adjointe, affirme, en substance, que l’emplacement de l’actuel 1929 sera réservé à un commerce « de jour » et l’impasse fermée aux activités nocturnes. Elle a par ailleurs replacé cette initiative dans le cadre de la politique de rénovation du centre ancien."

     

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    La préemption des fonds de commerce tient ses promesses ! Il avait déjà été signalé ici une préemption à la légalité douteuse sur un restaurant pour éviter l’installation d’un restaurant exotique. Plusieurs journaux bretons nous apprennent la préemption de la ville de Rennes sur un bar situé à proximité de la fameuse rue de soif, le 1929, dans lequel étaient aussi organisés des concerts. La Ville aurait préempté à la fois les murs, sans doute au nom du droit de préemption urbain, et le fond de commerce, au nom du droit de préemption sur les fonds artisanaux, les fonds de commerce et les baux commerciaux.

    Ainsi que le dit l’article ci-dessus reproduit, l’objectif avoué de cet investissement municipal est « la suppression d’une licence IV dans ce secteur sensible ». Sans vouloir se prononcer sur le fond du dossier, ni, en opportunité, sur le bien fondé de la mesure, sa légalité peut en revanche être discutée.

    L’objet de la loi du 2 août 2005 est « la sauvegarde du commerce et de l’artisanat de proximité ». Il s’agissait de sauvegarder les commerces de bouche, menacés par les banques et autres agences de voyage. Or, dans le cas du bar rennais, l’objectif ressemble beaucoup plus à une mesure de police, la suppression d’un débit de boisson dans un secteur marqué par une consommation importante, plutôt que par une opération de sauvegarde du commerce de proximité. La mesure est donc justifiée, non pas par la crainte d’un changement d’activité, mais par la crainte du maintien de l’activité actuelle.

    Ainsi, tout comme le droit de préemption urbain est souvent devenu un outil de contrôle des transactions immobilières, le droit de préemption des fonds de commerce est bien en passe, au-delà des objectifs initiaux, de permettre un contrôle de l’activité commerciale dans une commune.

    Benoît JORION

    Avocat à la Cour d’appel de Paris

    Spécialiste en droit public

     

     

     

  • préemption des fonds de commerces : des nouvelles

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    Brève Immobilier du 9 octobre 2009 parue sur le site http://www.cession-commerce.com

     

    Droit de préemption: une vingtaine d'applications seulement en deux ans

     

    Deux après la parution du décret d’application de la loi du 2 août 2005 offrant la possibilité aux communes, dans certaines conditions, d’exercer un nouveau droit de préemption spécifique lors de la cession de fonds artisanaux, de fonds de commerce ou de baux commerciaux, quel bilan tirer de ce dispositif ? C’est la question posée lors d’une table ronde organisée par l’AJMPE (Association des journalistes PME), à laquelle participaient Dominique Moreno, sous-directrice-département de droit public et économique à la Chambre de Commerce et d’industrie de Paris, Christian Hervy, maire de Chevilly Larue et Dominique Harl, délégué Seine Saint-Denis de l’Ordre des Experts-comptables.


    En préambule, Dominique Moreno a rappelé qu’il s’agit d’une faculté que la commune peut utiliser mais qu’en aucun cas, elle n’y est obligée.

     
    Les résultats. A la fin juillet 2009, 480 périmètres de préemption avaient été votées par les conseils municipaux. Mais seulement une vingtaine d’applications étaient en cours de discussion. « Le Périmètre est un bon outil d’observation », ont estimé les experts présents. « Mais le droit de préemption est une procédure piégeante », a complété Dominique Moreno.

     
    Parmi les lacunes du dispositif : l’indication du chiffre d’affaires sur les trois dernières années est facultative, ce qui rend très difficile l’appréciation de la situation réelle du commerce. De plus, la mention de l’activité de l’acquéreur pressenti est également facultative. Donc difficile pour la commune d’exercer son droit de préemption si elle ne peut évaluer la menace représentée par la cession sur la diversité de son tissu commercial.


    Une procédure au service d’une stratégie de développement commercial. « Le Maire doit avoir une stratégie de développement global derrière ce dispositif. Il faut également avoir les moyens car cette procédure a un coût pour la commune. Nous avons inscrit 1ME au budget pour ces deux opérations », estime Christian Hervy, maire de Chevilly Larue, qui a voté deux plans de préemption. Une procédure qui s’avère donc coûteuse à mettre en place pour les petites communes

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    Commentaire : Intéressante brève consacrée au nouveau droit de préemption des fonds de commerce.

     

    Les collectivités locales et les praticiens sont aujourd’hui dans une phase d’expectative et l’information est encore limitée.

     

    Ainsi que l’indique la brève, beaucoup de communes (480) se sont empressées de définir des périmètres de préemption, ce qui, au regard de la complexité de la mise en place du dispositif, montre qu’il y avait une forte attente de leur part.

     

    Relever qu’une vingtaine d’application a eu lieu (à supposer que ce chiffre soit le bon, ce qui est invérifiable), par rapport au grand nombre de transactions nécessairement intervenues dans ces zones, est relativement faible. Mais cela se comprend au regard des incertitudes du processus de préemption et de rétrocession.

     

    Cet attentisme explique aussi sans doute que la jurisprudence se fasse encore largement attendre.

     

    Cette brève confirme que ce type de dispositif est d’abord un outil d’observation des cessions en passe d’intervenir sur un territoire. On sait malheureusement par expérience que, de l’observation à la dissuasion, voire à l’intimidation, il n’y a souvent qu’un pas.

     

    Enfin, dernière confirmation : le dispositif est très imparfait. Les collectivités locales s’en rendent compte, confrontées à une information insuffisante au moment de la cession. Les praticiens le savent aussi, confrontés à la question de savoir si une cession donnée relève ou non du dispositif de la déclaration préalable, et selon quelles formes.

     

    Benoît JORION

    Avocat à la Cour d’appel de Paris

    Spécialiste en droit public

     

  • Un (premier ?) exemple d’abus de préemption des fonds de commerce

    Pas de « commerce exotique » à la place du resto étoilé par Julien Heyligen
    mercredi 09 juillet 2008 | Le Parisien



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    Extraits :

    « La mairie préempte les Armes de France pour éviter que cette table réputée ne soit transformée en restaurant indien. Une première en Essonne.

    LE POULET tikka ne remplacera pas le célèbre oeuf mollet en croûte de cèpe dans les assiettes des Armes de France. Fermé depuis huit mois ce restaurant haut de gamme, situé à Corbeil-Essonnes, devait devenir un établissement de spécialités indo-pakistanaises.

    Mais il a été finalement préempté pour 120 000 € lundi soir par la ville, lors d'un conseil municipal.

    Une première en Essonne, qui fait suite à un article de la loi Dutreil. Entré en vigueur en décembre dernier, celui-ci autorise les communes à être prioritaires pour acquérir des fonds de commerce et maintenir une diversité des enseignes.

    « Il y a assez de restaurants étrangers par rapport aux restaurants français », résume, maladroitement, Jean-Luc Raymond, adjoint au maire et... patron du Coq hardi, autre table fameuse de la commune.

    « Les Armes de France sont une adresse et un lieu prestigieux »

    La mairie justifie cette décision après avoir constaté qu'« en matière de commerces de bouche le centre-ville de Corbeil était majoritairement occupé par des commerces de vente à emporter à dominante exotique ».

    En résumé, trop de kebabs et pas assez de blanquettes de veau. La formulation « exotique » a fait bondir l'opposition. « Qu'entendez-vous par ce mot ? Je suis interloqué. Je vais l'envoyer à tous les restaurateurs de la commune ! » s'indigne Carlos Da Silva, conseiller municipal PS. « Si vous étiez habitué des guides gastronomiques, vous verriez que cela désigne simplement une cuisine qui n'est pas française et traditionnelle », réplique Jean-Luc Raymond. Le maire UMP, Serge Dassault, compréhensif, décide de retirer le mot de la délibération et coupe court à la polémique. « Nous entendons juste garder la qualité gastronomique extraordinaire des Armes de France », précise-t-il. Et d'ajouter, dans un sourire : « Vous savez, j'adore manger chinois. »

    « Légalement, ils ont parfaitement le droit d'agir comme cela, décrypte Fabrice Maréchal, spécialiste de droit de préemption à la chambre de commerce de l'Essonne. L'objectif est de pouvoir préserver une diversité. Par exemple, un charcutier ferme, la mairie peut décider d'en remettre un. A l'inverse, s'il y a quinze banques et qu'une ferme, il est possible d'en changer l'orientation commerciale. » Et maintenant ? « Les Armes de France sont une adresse et un lieu prestigieux, qui possède une bonne image. Les repreneurs devraient être nombreux », assure-t-on à l'hôtel de ville de Corbeil.

    A condition d'être chef en gastronomie française. Et tant pis pour les amateurs de riz basmati. »


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    Commentaire :

    Ce qui pouvait être prédit sans trop de risque se réalise : la préemption des fonds de commerce, désormais possible, donne lieu aux mêmes abus que la préemption des biens immobiliers.

    Cet article du Parisien en donne une intéressante illustration. Il s’agit pour la commune de préempter pour éviter l’installation d’un commerce qui n‘est pas souhaité, en l’occurrence un restaurant « exotique », en remplacement d’un restaurant traditionnel.

    En matière de préemption des biens immobiliers, on sait qu’il est illégal de préempter à seule fin d’empêcher un acquéreur donné de s’installer (Cf. ma note du 19 juillet 2007). La difficulté est ici qu’il s’agit de préemption de fonds de commerce pour laquelle la loi parle de « sauvegarde du commerce et de l’artisanat de proximité ». Il doit donc être possible de tenir compte du commerce implanté par rapport au commerce qu’il remplace.

    Toutefois, au regard de cet objectif de sauvegarde du commerce, un restaurant indien est … un restaurant, au même titre que le restaurant auquel il souhaite succéder. Il est peu probable que le périmètre délimité par la commune prévoit la sauvegarde des restaurants gastronomiques, ce qui serait d’ailleurs d’une légalité discutable. Cette succession de restaurants ne porte donc pas atteinte à la sauvegarde du commerce.

    Aussi, contrairement à l’opinion citée dans l’article, cette décision de préemption semble d’une légalité très contestable, une préférence gastronomique ne constituant pas un motif légal de préemption.

    Benoît JORION
    Avocat à la Cour d’appel de Paris
    Spécialiste en droit public