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droit de préemption - Page 13

  • Une renonciation à préempter est définitive

    Conseil d’Etat, 12 novembre 2009 Société Comilux c/ Commune de Créteil, req. n° 327451, à paraître aux tables

     

    Conseil d'Etat.jpgExtraits : « Considérant qu'aux termes de l'article L. 213-2 du code de l'urbanisme : Toute aliénation visée à l'article L. 213-1 est subordonnée, à peine de nullité, à une déclaration préalable faite par le propriétaire à la mairie de la commune où se trouve situé le bien. Cette déclaration, dont le maire transmet copie au directeur des services fiscaux, comporte obligatoirement l'indication du prix et des conditions de l'aliénation projetée, ou en cas d'adjudication, l'estimation du bien ou sa mise à prix. / (...) Le silence du titulaire du droit de préemption pendant deux mois à compter de la réception de la déclaration mentionnée au premier alinéa vaut renonciation à l'exercice du droit de préemption ; que, selon l'article R. 213-8 du même code, Lorsque l'aliénation est envisagée sous forme de vente de gré à gré ne faisant pas l'objet d'une contrepartie en nature, le titulaire du droit de préemption notifie au propriétaire : / a) Soit sa décision de renoncer à l'exercice du droit de préemption / b) Soit sa décision d'acquérir aux prix et conditions proposés, y compris dans le cas de versement d'une rente viagère ; / c) Soit son offre d'acquérir à un prix proposé par lui et, à défaut d'acceptation de cette offre, son intention de faire fixer le prix du bien par la juridiction compétente en matière d'expropriation (...) ;

    Considérant qu'il ressort de ces dispositions combinées, qui visent notamment à garantir que les propriétaires qui ont décidé de vendre un bien susceptible de faire l'objet d'une décision de préemption puissent savoir de façon certaine et dans les plus brefs délais s'ils peuvent ou non poursuivre l'aliénation entreprise, que lorsque le titulaire du droit de préemption a décidé de renoncer à exercer ce droit, que ce soit par l'effet de l'expiration du délai de deux mois imparti par la loi ou par une décision explicite prise avant l'expiration de ce délai, il se trouve dessaisi et ne peut, par la suite, retirer cette décision ni, par voie de conséquence, légalement décider de préempter le bien mis en vente ;

    Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis au juge des référés du tribunal administratif de Melun que le maire de Créteil a, par décision du 26 décembre 2008, expressément renoncé à exercer son droit de préemption sur un immeuble, situé dans cette commune, que la SOCIETE COMILUX avait déclaré vouloir aliéner au profit de la SOCIETE CHAVEST ; qu'il a retiré cette décision le 26 janvier 2009 au motif qu'elle aurait procédé d'une confusion entre des déclarations d'intention d'aliéner portant sur des biens immobiliers distincts reçues durant la même période ; qu'il a ensuite décidé le 9 février 2009 de préempter l'immeuble en cause ; »

    Creteil2.jpg Commentaire : Décidemment, le régime du droit de préemption est atypique. Cette affaire dans laquelle la commune de Créteil indiquait s’être trompée en renonçant à préempter un bien, avant de tenter de se raviser, l’illustre une fois de plus.

    D’une façon générale, lorsque l’administration se trompe, elle dispose d’une espèce de droit au repentir. C’est le régime du retrait des actes administratifs. Afin de combiner légalité administrative et sécurité juridique, elle peut retirer, c’est-à-dire faire disparaître rétroactivement sa décision. Le retrait est très encadré : pour un acte créateur de droit, et sauf exception, le retrait doit intervenir dans un délai de quatre mois et la décision retirée doit être illégale.

    Le particularisme d’une décision de préemption est qu’elle ne peut intervenir que dans un délai limité. D’après l’article L. 213-2 du code de l'urbanisme « Le silence du titulaire du droit de préemption pendant deux mois à compter de la réception de la (DIA) vaut renonciation à l'exercice du droit de préemption », ce qui veut dire que la décision de préemption doit parvenir au vendeur dans un délai de deux mois. Passé ce délai, le titulaire du droit de préemption ne peut plus légalement préempter un bien.

    Comment combiner ce délai de deux mois pour préempter et la possibilité de retrait d’une décision renonçant à préempter, c’est-à-dire, pour être clair, est-il possible pour le titulaire d’un droit de préemption de préempter après qu’il y eut expressément renoncé ?

    De façon intéressante, deux cours administratives d’appel (CAA Paris, 17 février 2000 Commune de Genevilliers, req. n° 97PA02115 ; CAA Lyon 27 mai 2008 Ville de Saint-Etienne, req n° 07LY00493) avaient analysé une décision de préempter comme un acte créateur de droit et lui avaient appliqué le régime du retrait des actes administratifs.

    Mais, il semble que la question, non pas du retrait d’une décision de préemption, mais du retrait d’une décision renonçant à préempter, était inédite.

    Appliquer le droit commun du retrait à une renonciation à préempter aurait présenté un inconvénient majeur, celui d’allonger la période d’incertitude dans laquelle se trouvent l’acheteur et le vendeur en leur laissant craindre que la non préemption puisse être retirée dans un délai de quatre mois. Si l’on pousse le raisonnement jusqu’au bout, cela aboutirait à leur imposer d’attendre six mois après la déclaration d’intention d’aliéner (2 mois de DIA + 4 mois de retrait) avant de conclure une vente. Un tel délai serait manifestement excessif.

    Appliquer le droit commun du retrait aurait également été irréaliste. En effet, contrairement à une décision de préemption, le régime juridique d’une renonciation à préempter n’est pas encadré. Il peut donc être pronostiqué qu’une renonciation à préempter serait été très rarement illégale. La condition d’illégalité de la décision retirée serait donc rarement remplie.

    Le Conseil d’Etat, dans l’arrêt Comilux c/ Commune de Créteil adopte une position radicale : il écarte le régime du retrait et juge qu’il n’y a pas de retrait possible en cas de renonciation à préempter.

    Qu’il n’y ait pas de retrait possible lorsque l’administration laisse passer le délai de préemption sans se prononcer est normal. D’abord, on peut hésiter avant de qualifier le simple silence gardé par l’administration sur l’information adressée par le vendeur de « décision implicite ». Ensuite et surtout, admettre un tel retrait aboutirait à permettre à l’administration de préempter au-delà du délai de deux mois, ce qui est contraire au texte même de l’article L. 213-2 du code de l’urbanisme.

    Qu’il n’y ait pas davantage de retrait possible lorsque l’administration a pris une décision explicite avant l'expiration de ce délai, c’était moins évident. Cela signifie que l’administration se dessaisit de sa compétence et, alors même que le délai de deux mois n’est pas expiré, qu’elle ne peut plus revenir sur sa renonciation à préempter. De même, elle ne peut plus, après retrait, prendre une décision de préemption. Une telle décision serait donc également illégale.

    Ce régime dérogatoire au droit commun du retrait des actes administratifs peut être expliqué par le caractère exorbitant du droit de préemption : il retarde, et quand il est exercé, il empêche, une vente immobilière. Cette gène doit être la plus légère possible. Aussi, pour le Conseil d’Etat, les textes applicables « visent notamment à garantir que les propriétaires qui ont décidé de vendre un bien susceptible de faire l'objet d'une décision de préemption puissent savoir de façon certaine et dans les plus brefs délais s'ils peuvent ou non poursuivre l'aliénation entreprise ».

    C’est cette même garantie de la nécessaire certitude que doit avoir un propriétaire de pouvoir vendre son bien « dans les plus brefs délais » qui a été récemment invoquée par le Conseil d’Etat pour encadrer la prorogation du délai d’instruction de la déclaration d’intention d’aliéner (CE 24 juillet 2009 Société Finadev, req. n° 316158).

    Avec cet arrêt, le Conseil d’Etat applique un régime juridique dérogatoire à un mécanisme qui ne l’est pas moins.

    Benoît JORION

    Avocat à la Cour d’appel de Paris

    Spécialiste en droit public

     

     

     

     

  • Préemption d'un bar à Rennes

    Rennes : le 1929, bar mythique, va fermer ses portes (extrait du Mensuel de Rennes.fr)

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    "La mairie de Rennes a validé, ce lundi soir, la décision de préemption du fonds de commerce du bar le 1929, près de la rue Saint-Michel. L'établissement ne sera pas remplacé par un débit de boissons. Objectif : « La suppression d’une licence IV dans ce secteur sensible. »

    Le 1929, bar mythique situé dans l’impasse des Barrières, perpendiculaire à la rue Saint-Michel, à Rennes, va fermer ses portes d’ici à la fin de l’année. Elles ne rouvriront plus. Le propriétaire, Maxime Aubin, l’a mis en vente. La mairie de Rennes a décidé d’utiliser son droit de préemption sur le fonds de commerce. Elle devrait acquérir les murs pour un montant fixé à 200 000 €. L’initiative a été entérinée ce lundi soir, lors de la séance du conseil municipal. L’objectif avoué de cet « investissement » municipal est « la suppression d’une licence IV dans ce secteur sensible ». Autrement dit : une fois propriétaire, la municipalité ne compte pas rouvrir un bar à la place du futur ex-1929. Considéré comme hautement « sensible » car située à deux pas de la célèbre « rue de la Soif », l’impasse des Barrières est dans le collimateur de la mairie. Nathalie Appéré, première adjointe, affirme, en substance, que l’emplacement de l’actuel 1929 sera réservé à un commerce « de jour » et l’impasse fermée aux activités nocturnes. Elle a par ailleurs replacé cette initiative dans le cadre de la politique de rénovation du centre ancien."

     

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    La préemption des fonds de commerce tient ses promesses ! Il avait déjà été signalé ici une préemption à la légalité douteuse sur un restaurant pour éviter l’installation d’un restaurant exotique. Plusieurs journaux bretons nous apprennent la préemption de la ville de Rennes sur un bar situé à proximité de la fameuse rue de soif, le 1929, dans lequel étaient aussi organisés des concerts. La Ville aurait préempté à la fois les murs, sans doute au nom du droit de préemption urbain, et le fond de commerce, au nom du droit de préemption sur les fonds artisanaux, les fonds de commerce et les baux commerciaux.

    Ainsi que le dit l’article ci-dessus reproduit, l’objectif avoué de cet investissement municipal est « la suppression d’une licence IV dans ce secteur sensible ». Sans vouloir se prononcer sur le fond du dossier, ni, en opportunité, sur le bien fondé de la mesure, sa légalité peut en revanche être discutée.

    L’objet de la loi du 2 août 2005 est « la sauvegarde du commerce et de l’artisanat de proximité ». Il s’agissait de sauvegarder les commerces de bouche, menacés par les banques et autres agences de voyage. Or, dans le cas du bar rennais, l’objectif ressemble beaucoup plus à une mesure de police, la suppression d’un débit de boisson dans un secteur marqué par une consommation importante, plutôt que par une opération de sauvegarde du commerce de proximité. La mesure est donc justifiée, non pas par la crainte d’un changement d’activité, mais par la crainte du maintien de l’activité actuelle.

    Ainsi, tout comme le droit de préemption urbain est souvent devenu un outil de contrôle des transactions immobilières, le droit de préemption des fonds de commerce est bien en passe, au-delà des objectifs initiaux, de permettre un contrôle de l’activité commerciale dans une commune.

    Benoît JORION

    Avocat à la Cour d’appel de Paris

    Spécialiste en droit public

     

     

     

  • préemption des fonds de commerces : des nouvelles

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    Brève Immobilier du 9 octobre 2009 parue sur le site http://www.cession-commerce.com

     

    Droit de préemption: une vingtaine d'applications seulement en deux ans

     

    Deux après la parution du décret d’application de la loi du 2 août 2005 offrant la possibilité aux communes, dans certaines conditions, d’exercer un nouveau droit de préemption spécifique lors de la cession de fonds artisanaux, de fonds de commerce ou de baux commerciaux, quel bilan tirer de ce dispositif ? C’est la question posée lors d’une table ronde organisée par l’AJMPE (Association des journalistes PME), à laquelle participaient Dominique Moreno, sous-directrice-département de droit public et économique à la Chambre de Commerce et d’industrie de Paris, Christian Hervy, maire de Chevilly Larue et Dominique Harl, délégué Seine Saint-Denis de l’Ordre des Experts-comptables.


    En préambule, Dominique Moreno a rappelé qu’il s’agit d’une faculté que la commune peut utiliser mais qu’en aucun cas, elle n’y est obligée.

     
    Les résultats. A la fin juillet 2009, 480 périmètres de préemption avaient été votées par les conseils municipaux. Mais seulement une vingtaine d’applications étaient en cours de discussion. « Le Périmètre est un bon outil d’observation », ont estimé les experts présents. « Mais le droit de préemption est une procédure piégeante », a complété Dominique Moreno.

     
    Parmi les lacunes du dispositif : l’indication du chiffre d’affaires sur les trois dernières années est facultative, ce qui rend très difficile l’appréciation de la situation réelle du commerce. De plus, la mention de l’activité de l’acquéreur pressenti est également facultative. Donc difficile pour la commune d’exercer son droit de préemption si elle ne peut évaluer la menace représentée par la cession sur la diversité de son tissu commercial.


    Une procédure au service d’une stratégie de développement commercial. « Le Maire doit avoir une stratégie de développement global derrière ce dispositif. Il faut également avoir les moyens car cette procédure a un coût pour la commune. Nous avons inscrit 1ME au budget pour ces deux opérations », estime Christian Hervy, maire de Chevilly Larue, qui a voté deux plans de préemption. Une procédure qui s’avère donc coûteuse à mettre en place pour les petites communes

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    Commentaire : Intéressante brève consacrée au nouveau droit de préemption des fonds de commerce.

     

    Les collectivités locales et les praticiens sont aujourd’hui dans une phase d’expectative et l’information est encore limitée.

     

    Ainsi que l’indique la brève, beaucoup de communes (480) se sont empressées de définir des périmètres de préemption, ce qui, au regard de la complexité de la mise en place du dispositif, montre qu’il y avait une forte attente de leur part.

     

    Relever qu’une vingtaine d’application a eu lieu (à supposer que ce chiffre soit le bon, ce qui est invérifiable), par rapport au grand nombre de transactions nécessairement intervenues dans ces zones, est relativement faible. Mais cela se comprend au regard des incertitudes du processus de préemption et de rétrocession.

     

    Cet attentisme explique aussi sans doute que la jurisprudence se fasse encore largement attendre.

     

    Cette brève confirme que ce type de dispositif est d’abord un outil d’observation des cessions en passe d’intervenir sur un territoire. On sait malheureusement par expérience que, de l’observation à la dissuasion, voire à l’intimidation, il n’y a souvent qu’un pas.

     

    Enfin, dernière confirmation : le dispositif est très imparfait. Les collectivités locales s’en rendent compte, confrontées à une information insuffisante au moment de la cession. Les praticiens le savent aussi, confrontés à la question de savoir si une cession donnée relève ou non du dispositif de la déclaration préalable, et selon quelles formes.

     

    Benoît JORION

    Avocat à la Cour d’appel de Paris

    Spécialiste en droit public

     

  • Grand Paris et droit de préemption

    Le projet de loi sur le futur Grand Paris, alors même qu’il n’est pas encore définitivement arrêté, est déjà à l’origine de réactions très hostiles de la part de beaucoup de grands élus d’Ile de France.

     

    Le droit de préemption, qui serait reconnu notamment à la future Société du Grand Paris, figure en toute première place des critiques entendues.

     

     

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    De quoi s’agit-il ?

     

    Il s’agirait de définir des périmètres d’un rayon d’environ 1.500 m autour des 50 gares du futur réseau de transport en commun. La future Société du Grand Paris – qui aurait le statut d’établissement public national – pourrait y procéder à des expropriations selon la procédure de l’extrême urgence. Il lui serait aussi possible d’y procéder à des préemptions.

     

    Au regard de la taille des périmètres et de leur nombre, certaines communes seraient soumises à ce dispositif sur l’ensemble de leur territoire. Selon le Président du Conseil général du Val de Marne, 30% de son département serait concerné.

     

    Les critiques portent donc sur la recentralisation du droit de l’urbanisme, les élus locaux craignant de perdre leurs prérogatives en matière d’aménagement urbain au bénéfice de l’Etat.

     

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    Qu’en est-il ?

     

    L’article 6 de l’avant projet (ce qui veut dire que ce projet évoluera encore, selon toute vraisemblance, tout au long du processus législatif) prévoit, en effet, de créer autour de chaque gare une zone d’aménagement différé (ZAD). Les ZAD sont un outil de préemption un peu délaissé aujourd’hui. Pour les collectivités locales, l’inconvénient majeur des ZAD est qu’elles sont créées par l’Etat, et pas nécessairement à leur bénéfice. En revanche, le droit de préemption urbain (DPU) est entièrement géré par les collectivités locales, ce qui explique son grand succès.

     

    Le projet de loi envisage donc d’utiliser un outil juridique déjà existant, il est vrai sur une très grande échelle, et en en faisant systématiquement bénéficier un établissement public de l’Etat.

     

    Trois remarques s’imposent.

     

    D’abord, il est inexact de dire que les communes ou les intercommunalités perdraient leurs compétences. En effet, le projet prévoit que la création de la ZAD n’interdirait pas d’exercer le droit de préemption urbain. Il est vrai que, en principe, la création d’une ZAD est incompatible avec l’institution du DPU. Il s’agirait donc ici de créer un mécanisme dérogatoire laissant subsister le droit de préemption urbain.

     

    Autrement dit, les compétences données à la société du Grand Paris en matière de droit de préemption n’en enlèveraient aucune aux communes. Simplement, le projet de loi précise que ce nouveau droit de préemption primera sur le droit de préemption urbain. Ce qui veut dire, qu’en cas de projets concurrents, le projet de l’Etat aurait la priorité sur le projet local.

     

    Ensuite, et cela n’a pas été souligné en dépit de sa grande importance pratique, le délai pour préempter va passer de deux à trois mois. En effet, il est prévu que lorsque la société du Grand Paris renoncera à préempter, le titulaire « ordinaire » de ce droit, la plupart du temps les communes, pourra préempter. Mais le délai sera alors de trois mois.

     

    Ainsi, très concrètement, les transactions immobilières prendront un mois de plus à se réaliser, retardant autant acheteur et vendeur dans leurs projets. Les politiques qui se sont exprimés n’y ont guère été sensibles. Les professionnels de l’immobilier ne se sont pas encore manifestés.

     

    Enfin, il est paradoxal de redonner un second souffle à l’outil de préemption en zones d’aménagement différé, alors que, dans le même temps, la nouvelle proposition de loi de simplification et de clarification du droit, déposée tout récemment par le député Warsmann devant l’Assemblée nationale, envisage la disparition de cet outil juridique.

     

    Cela illustre, une nouvelle fois, le caractère mal coordonné des nombreuses réformes intervenues au cours des dernières années en matière d’urbanisme, et tout particulièrement en matière de droit de préemption.

     

     

    Benoît JORION

    Avocat à la Cour d’appel de Paris

    Spécialiste en droit public

  • Qui peut contester en justice une décision de préemption ?

    Conseil d’Etat, 7 juin 2009 Association La fourmi vouvrillonne, req. n° 319238, à paraître aux tables.

     

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    Extraits : « Considérant, en premier lieu, que la circonstance que les statuts de l'ASSOCIATION LA FOURMI VOUVRILLONNE ont été déposés postérieurement à la décision de préemption litigieuse est sans incidence sur la recevabilité de la demande d'annulation, les dispositions de l'article L. 600-1-1 du code de l'urbanisme ne s'appliquant qu'aux décisions relatives à l'occupation ou l'utilisation des sols ; qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que ces statuts précisent que l'association a notamment pour objet de surveiller l'utilisation par les collectivités et leurs représentants des deniers publics afin de défendre les intérêts collectifs ou individuels des concitoyens des communes du Vouvrillon en luttant (...) contre tout gaspillage ou engagement financier que les concitoyens vouvrillons jugeraient inutiles, inappropriés, exagérés (...) ; que la délibération par laquelle la communauté de communes du Vouvrillon a décidé d'exercer son droit de préemption en vue d'acquérir l'immeuble en cause, pour un coût de 550 000 euros, engage les finances de cette collectivité et, par suite, est de nature à porter atteinte aux intérêts que cette association entend défendre ; qu'ainsi, en jugeant que l'association n'avait pas intérêt à agir à l'encontre de cette délibération dès lors qu'elle n'était ni propriétaire, ni locataire ni acquéreur évincé du bien objet de la préemption, alors même qu'il appartient au juge de l'excès de pouvoir d'apprécier l'intérêt à agir d'une association en fonction de son objet statutaire, la cour administrative d'appel de Nantes a commis une erreur de droit ;


    Considérant, en second lieu, que l'intérêt à agir contre une décision de préemption ne se limite pas aux titulaires d'une promesse de vente, mais peut être reconnu à ceux qui bénéficient d'un droit suffisamment certain et direct sur le bien préempté ; qu'en jugeant que la circonstance que M. A se soit trouvé privé de la possibilité de racheter à M. C l'immeuble préempté ne suffisait pas à lui conférer un intérêt à agir contre la décision de préemption, alors que l'exercice de son droit de préférence par M. C et son engagement ferme de rétrocession à M. A faisaient de ce dernier l'acquéreur finalement évincé par la préemption, la cour administrative d'appel a inexactement qualifié les faits de l'espèce
    ; »

     

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    Commentaire : Voilà un arrêt qui apporte plusieurs précisions relatives à la procédure contentieuse en matière de droit de préemption. La première est relative aux recours des associations. La deuxième est relative à l’intérêt pour agir.

    D’abord, l’article L. 600-1-1 du code de l’urbanisme, voté pour rendre plus difficiles les recours des associations en matière d’urbanisme, pose que « Une association n'est recevable à agir contre une décision relative à l'occupation ou l'utilisation des sols que si le dépôt des statuts de l'association en préfecture est intervenu antérieurement à l'affichage en mairie de la demande du pétitionnaire. »

    En l’espèce, les statuts de l’association requérante n’avaient pas été déposés en préfecture avant qu’elle ne forme un recours contre une décision de préemption. La recevabilité de son recours était en conséquence contestée.

     

    Pour autant, une décision de préemption n’est pas une décision « relative à l'occupation ou l'utilisation des sols ». C’est ce qui avait déjà été jugé (CE 13 oct. 2003 Commune d’Altkirch) à propos de la règle posée par l’article R. 600-1 du code de l’urbanisme (dans sa rédaction antérieure au décret du 5 janvier 2007), imposant qu’un recours contre une décision « relative à l'occupation ou l'utilisation des sols » soit notifiée à l’auteur de la décision.

     

    Une telle solution est parfaitement logique puisqu’une décision de préemption, si elle s’accompagne normalement d’un projet qui est relatif à l’occupation ou à l’utilisation des sols, ne consiste, en elle-même, qu’à opérer un transfert de propriété et n’a donc pas d’incidence directe sur l’utilisation des sols.

     

    En l’espèce, la solution posée à propos de la notification des recours est transposée aux recours des associations contre les décisions de préemption. Les statuts d’une association qui veut contester une décision de préemption n’ont donc pas à être enregistrés en préfecture préalablement à son recours.

     

    Ensuite, le Conseil d’Etat apporte des précisions sur les titulaires d’un intérêt pour agir contre une décision de préemption devant le juge administratif. On sait que, pour qu’un justiciable puisse agir devant le juge administratif, il doit disposer d’un intérêt pour cela. Sinon, sa requête est irrecevable.

     

    En matière de décision de préemption, la plupart du temps, c’est soit l’acquéreur évincé, soit le vendeur, qui agit en justice. Mais d’autres peuvent le faire. C’est le deuxième intérêt de l’arrêt.

     

    D'une part, le Conseil d’Etat confirme ce qu’il avait déjà posé (CE 20 mars 1991 Roucaute) à propos du titulaire d’un droit de préférence : il a intérêt pour agir devant le juge administratif. Mais le Conseil d’Etat au regard des circonstances d’espèce va même plus loin. Ici, le propriétaire d’un bien (B) avait accordé un droit de préférence à C., lequel avait promis de le vendre à A. Lorsque B. a vendu son bien à un tiers, C. a exercé son droit de préférence, et c’est A. qui est allé en justice contre la décision de préemption.

     

    Le droit de A. à acquérir était donc indirect, puisqu’il n’était ni l’acquéreur évincé, ni même le titulaire du droit de préférence.

     

    Mais, selon une formule qui pourrait s’appliquer dans d’autres circonstances, le Conseil d’Etat pose que l’intérêt pour agir « peut être reconnu à ceux qui bénéficient d'un droit suffisamment certain et direct sur le bien préempté ». C’est le cas en l’espèce.

     

    Le simple bénéficiaire d’une promesse de vente, faite par un titulaire de droit de préférence, a donc un intérêt pour agir.

     

    D’autre part, le Conseil d’Etat reconnaît aussi intérêt pour agir à une association locale, dont l’objet était, notamment,  « de surveiller l'utilisation (…) des deniers publics (…) en luttant (...) contre tout gaspillage ou engagement financier (…) inutiles, inappropriés, exagérés (...) ». Une décision de préemption prise par une communauté de communes, qui a forcément un coût pour elle, et donc une incidence sur son budget, peut en conséquence être contestée par une telle association.

     

    Ce faisant, le Conseil d’Etat rejoint une jurisprudence très classique sur l’intérêt pour agir des contribuables locaux (CE 29 mars 2001 Casanova), y compris des contribuables d’une intercommunalité (CAA Bordeaux 18 décembre 2007 Commune de Canejan). Il confirme également, ce qui n’avait été admis que par une juridiction du fond (CAA Nancy 1er oct. 1998 Commune de Jeumont), l’intérêt pour agir d’une association contre une décision de préemption, à condition bien entendu que son objet social s’y prête.

     

     

    Benoît JORION

    Avocat à la Cour d’appel de Paris

    Spécialiste en droit public