préemption

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droit de préemption - Page 16

  • Saint-Ouen encore

    Mercredi 17 Septembre 2008

    Quand la mairie fixe les prix
    Par Frédéric BRILLET
    Le Journal du Dimanche

    A Saint-Ouen, en Seine-Saint-Denis, les ventes soumises au droit de préemption provoquent des tensions. Dans cette commune, toutes les transactions dans l'ancien dépassant un certain prix au mètre carré sont susceptibles d'être préemptées. La mairie entend ainsi maintenir l'équilibre social entre classes populaires et nouveaux arrivants, souvent plus aisés.


    Ronan Morvan a gagné le procès intenté contre la mairie qui avait préempté le studio qu'il souhaitait vendre.

    Il n'abandonnera pas. Ronan Morvan déverse inlassablement son indignation dans les médias, tribunaux et sur Internet depuis trois ans. En cause, la politique de préemption de la mairie de Saint-Ouen (93), qui a frappé ce conseiller prud'homal lors de la vente du studio dans lequel il avait investi pour compléter sa retraite. En 2005, Ronan Morvan trouve un acquéreur à 38 000 euros pour ce bien acheté 14 740 euros dix ans plus tôt, au creux du marché immobilier.

    Mais son rêve de plus-value s'évanouit quand la mairie lui annonce qu'elle le préempte à 14 794 euros. Si Ronan Morvan a depuis gagné le procès intenté contre la mairie, il a tout de même perdu trois ans avant de pouvoir écouler son studio au montant initialement espéré. Un cas qui n'est pas isolé dans cette commune où toutes les transactions dans l'ancien dépassant un certain prix au mètre carré sont susceptibles d'être préemptées. Objectif: maintenir l'équilibre social (et électoral?) entre classes populaires et nouveaux arrivants plus aisés.

    "La préemption est une arme de dissuasion qui vise à préserver la mixité sociale, conformément au programme que nous défendons pour Saint-Ouen", explique la maire Jacqueline Rouillon, réélue en 2008 sous l'étiquette PCF. "Nous discutons avec les vendeurs pour les convaincre de revenir à un prix raisonnable en nous fondant sur une estimation des Domaines [un service du ministère de l'Economie]. Et en cas de refus, nous intervenons." De fait, avec des prix de 3 000 à 3 500euros le m² dans l'ancien, le parc privé de Saint-Ouen demeure plus accessible aux petits budgets que les communes alentour. Reste que de simples Audoniens qui doivent vendre leur logement à bas prix pour racheter ailleurs peuvent être lésés.

    Une dizaine de vendeurs ont gagné, face à la mairie

    Pour mettre fin aux contentieux, la ville pourrait certes préempter à un niveau proche de celui convenu entre les parties, quitte ensuite à louer ou à revendre à prix attractif à des ménages modestes. Mais cela pèserait sur les finances locales et la mairie préfère user des larges prérogatives qui lui sont conférées par la loi. Ainsi, les collectivités locales désirant préempter demandent au service des Domaines de leur fournir une estimation du bien concerné dont elles ne sont pas obligées de tenir compte, même si cette estimation demeure presque toujours largement inférieure au prix du marché...

    Les propriétaires s'estimant spoliés ont alors pour seul recours une plainte au tribunal. A Saint-Ouen, la plupart des petits vendeurs, souvent mal informés et de condition modeste, se résignent à vendre au prix conseillé par la mairie pour s'éviter tracas et perte de temps. Ils auraient pourtant intérêt à se porter en justice, estime Me Benoît Jorion, qui a déjà représenté une dizaine de vendeurs. "Tous ont gagné face à la mairie car la préemption ne peut s'exercer que pour réaliser un projet public défini, ce qui n'est pas ici le cas. Sur l'un des dossiers, nous demandons 150 000 euros d'indemnités pour le préjudice subi", précise l'avocat.

    Outre les frais de justice supportés par la commune et son caractère intrusif, cette politique suscite des effets pervers. Certains propriétaires renoncent à vendre, ou bien le font officiellement à bas prix mais demandent aux acheteurs des dessous-de-table pour compenser le manque à gagner. Des investisseurs en profitent pour acheter bon marché grâce à la menace de préemption. "Ils obtiennent à Saint-Ouen une rentabilité locative plus forte qu'ailleurs, alors même que le parc privé compte beaucoup d'immeubles vétustes. Des marchands de sommeil peuvent même y trouver leur compte", assure un agent immobilier.

    En dépit des critiques, Saint-Ouen persiste dans cette voie, qui la singularise dans la région: après Pantin, la ville de Montreuil - qui vient de changer de maire - a en effet annoncé qu'elle userait avec beaucoup de modération du droit de préemption.

  • Préemption et discrimination devant le juge pénal

    Cour de cassation. Chambre criminelle, 17 juin 2008, pourvoi n° 07-81666 M. Gérard X

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    Extrait : « Vu les articles 111-4 et 432-7 du code pénal ;

    Attendu que, d'une part, la loi pénale est d'interprétation stricte ;

    Attendu que, d'autre part, la discrimination prévue par l'article 432-7 du code pénal suppose, dans le premier cas visé par ce texte, le refus du bénéfice d'un droit accordé par la loi ;

    Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure que les époux Y..., qui avaient conclu un compromis de vente en vue de l'acquisition d'un bien immobilier situé à Charvieu-Chavagneux (Isère), ont porté plainte et se sont constitués parties civiles contre Gérard X..., maire de la commune, au motif que celui-ci avait fait obstacle à la réalisation de la vente en exerçant de façon abusive le droit de préemption lui ayant été délégué en application des dispositions de l'article L. 2122-22 du code général des collectivités territoriales ; que Gérard X..., renvoyé devant le tribunal correctionnel sur le fondement du délit prévu par l'article 432-7 du code pénal, a été déclaré coupable de cette infraction par les premiers juges et condamné à des réparations civiles ;

    Attendu que, pour confirmer le jugement entrepris, l'arrêt énonce qu'en raison de la consonance du nom des acheteurs laissant supposer leur origine étrangère ou leur appartenance à l'islam, Gérard X..., en sa qualité de maire, a commis une discrimination en refusant aux parties civiles le droit d'acquérir la propriété d'un immeuble et de fixer librement le lieu de leur résidence ;

    Mais attendu qu'en se déterminant ainsi, alors que l'exercice d'un droit de préemption, fût-il abusif, ne saurait constituer le refus du bénéfice d'un droit accordé par la loi au sens de l'article 432-7 du code pénal, la cour d'appel a méconnu les textes susvisés et les principes ci-dessus énoncés ;

    D'où il suit que la cassation est encourue ; »


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    Commentaire : L’arrêt rendu par la Chambre criminelle de la Cour de cassation se rapporte à une affaire qui avait donné lieu à plusieurs articles dans la presse nationale. Un maire de l’Isère avait décidé de préempter un bien qu’un couple d’origine magrébine souhaitait acquérir. Il lui était reproché d’avoir pris cette décision précisément du fait de cette origine.

    Ce maire avait été condamné en première instance et en appel par la juridiction pénale pour s’être rendu coupable de discrimination, infraction réprimée par l’article 432-7 du code pénal.

    La Cour de cassation vient de casser l’arrêt rendu par la Cour d’appel au motif que « l'exercice d'un droit de préemption, fût-il abusif, ne saurait constituer le refus du bénéfice d'un droit accordé par la loi au sens de l'article 432-7 du code pénal », alors que « la discrimination prévue par l'article 432-7 du code pénal suppose le refus du bénéfice d'un droit accordé par la loi ».

    Ce faisant, la Cour de cassation donne une très intéressante illustration de l’interprétation stricte du droit pénal. Une préemption peut être illégale, car elle méconnaît le code de l’urbanisme. Elle peut être abusive, car, même si la distinction avec l’illégalité n’est pas toujours aisée, elle repose sur un objectif erroné. Elle n’en est pas pour autant discriminatoire. En effet, comme l’indique la Cour de cassation, l’exercice du droit de préemption n’est pas le refus d’un droit. Il n’y a en effet, ni droit à acquérir un bien déterminé, ni droit à ne pas faire l’objet d’une préemption.

    Cet arrêt illustre donc bien les limites, déjà signalées dans une précédente note (Cf. la note du 19 juillet 2007), de la notion, certes très médiatique, mais en réalité bien peu efficace, de discrimination. Une plainte pénale, contrairement à un recours devant le juge administratif, ne permet en effet pas à l’acquéreur évincé du fait d’une décision de préemption d’acquérir le bien. Cet arrêt montre qu’une telle plainte ne permet même pas de faire condamner pénalement son auteur.




    Benoît JORION
    Avocat à la Cour d’appel de Paris
    Spécialiste en droit public

  • Un projet doit être suffisamment réel pour rendre légale une préemption

    Conseil d’Etat, 7 mars 2008 Commune de Meung-sur-Loire, req. n° 288371


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    Extraits : « les collectivités titulaires du droit de préemption urbain peuvent légalement exercer ce droit, d'une part, si elles justifient, à la date à laquelle elles l'exercent, de la réalité d'un projet d'action ou d'opération d'aménagement répondant aux objets mentionnés à l'article L. 300-1 du code de l'urbanisme, alors même que les caractéristiques précises de ce projet n'auraient pas été définies à cette date, et, d'autre part, si elles font apparaître la nature de ce projet dans la décision de préemption »

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    Commentaire : L’arrêt Commune de Meung-sur-Loire constitue, en matière de contrôle des décisions de préemption, un revirement de jurisprudence aussi spectaculaire que contestable.

    Jusqu’à présent, une décision de préemption devait être justifiée par l’existence à la date à laquelle ce droit était exercé « d’un projet d’action ou d’opération d’aménagement suffisamment précis et certain » (CE Sect. 26 février 2003 M. et Mme Bour, rec. p. 59).

    Aussi, lorsqu’il ne pouvait être justifié par l’autorité titulaire du droit de préemption de cette double qualité de projet « suffisamment précis et certain », la décision était illégale et annulée comme telle. Le juge administratif censurait ainsi, à la fois, les décisions de préemption de pure opportunité et les décisions qui étaient justifiées par un projet trop imprécis.

    Certaines collectivités locales aux moyens importants avaient réussi à s’affranchir de cette contrainte en élaborant, entre la réception de la DIA et la décision de préemption, un projet suffisamment détaillé.

    Cependant, conformément aux conclusions de son commissaire du Gouvernement, le Conseil d’Etat a souhaité alléger un tel contrôle, estimant qu’il entrainait un trop grand nombre d’annulations de décisions de préemption et empêchait ainsi la réalisation de projet certains, mais encore trop mal définis.

    Une telle analyse est contestable.

    La préemption, qui permet d’évincer un acquéreur librement choisi par un vendeur, éventuellement à un prix inférieur à l’accord intervenu, est une prérogative de puissance publique qui doit rester exceptionnelle.

    L’existence du droit de préemption n’est pas contestable lorsqu’elle a pour finalité une action ou une opération d’intérêt général. Or, force est de constater que trop de titulaires du droit de préemption usent et abusent de ce droit, préemptant - illégalement - quand une vente leur apparaît financièrement avantageuse, pour empêcher un acquéreur qui ne leur convient pas ou en invoquant un projet purement virtuel. Le contrôle du caractère précis et certain du projet permettait de débusquer les abus les plus flagrants.

    Désormais, le juge administratif, avec le seul contrôle de la « réalité d’un projet », risque de se contenter d’une intention, plus ou moins vague, manifestée de façon hypothétique, sans que l’autorité administrative n’ait beaucoup développé son projet. Le contrôle des caractéristiques précises d’un projet, dont l’exigence est désormais abandonnée, permettait pourtant de s’assurer de sa réalité.

    Il est donc regrettable, en dépit des premiers commentaires sur le nécessaire caractère rigoureux du contrôle de la réalité des projets, que le Conseil d’Etat, à rebours de toute son histoire jurisprudentielle, allège son contrôle sur certains actes de l’administration qui se trouvent, de surcroît, être de ceux qui limitent le plus le droit de propriété.

    Cette jurisprudence Commune de Meung-sur-Loire a été très vite appliquée par les juridictions du fond et réitérée par le Conseil d’Etat, reprenant le considérant de principe de cet arrêt. En conséquence, des décisions rendues antérieurement sur le fondement de l’ancienne jurisprudence ont parfois été annulées. Toutefois, on note déjà aussi plusieurs arrêts postérieurs qui censurent des décisions de préemption au motif que la réalité du projet n’était pas établie. C’est le signe d’un contrôle allégé, mais maintenu, sur le motif des décisions de préemption.

    Benoît JORION
    Avocat à la Cour d’appel de Paris
    Spécialiste en droit public

  • Un (premier ?) exemple d’abus de préemption des fonds de commerce

    Pas de « commerce exotique » à la place du resto étoilé par Julien Heyligen
    mercredi 09 juillet 2008 | Le Parisien



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    Extraits :

    « La mairie préempte les Armes de France pour éviter que cette table réputée ne soit transformée en restaurant indien. Une première en Essonne.

    LE POULET tikka ne remplacera pas le célèbre oeuf mollet en croûte de cèpe dans les assiettes des Armes de France. Fermé depuis huit mois ce restaurant haut de gamme, situé à Corbeil-Essonnes, devait devenir un établissement de spécialités indo-pakistanaises.

    Mais il a été finalement préempté pour 120 000 € lundi soir par la ville, lors d'un conseil municipal.

    Une première en Essonne, qui fait suite à un article de la loi Dutreil. Entré en vigueur en décembre dernier, celui-ci autorise les communes à être prioritaires pour acquérir des fonds de commerce et maintenir une diversité des enseignes.

    « Il y a assez de restaurants étrangers par rapport aux restaurants français », résume, maladroitement, Jean-Luc Raymond, adjoint au maire et... patron du Coq hardi, autre table fameuse de la commune.

    « Les Armes de France sont une adresse et un lieu prestigieux »

    La mairie justifie cette décision après avoir constaté qu'« en matière de commerces de bouche le centre-ville de Corbeil était majoritairement occupé par des commerces de vente à emporter à dominante exotique ».

    En résumé, trop de kebabs et pas assez de blanquettes de veau. La formulation « exotique » a fait bondir l'opposition. « Qu'entendez-vous par ce mot ? Je suis interloqué. Je vais l'envoyer à tous les restaurateurs de la commune ! » s'indigne Carlos Da Silva, conseiller municipal PS. « Si vous étiez habitué des guides gastronomiques, vous verriez que cela désigne simplement une cuisine qui n'est pas française et traditionnelle », réplique Jean-Luc Raymond. Le maire UMP, Serge Dassault, compréhensif, décide de retirer le mot de la délibération et coupe court à la polémique. « Nous entendons juste garder la qualité gastronomique extraordinaire des Armes de France », précise-t-il. Et d'ajouter, dans un sourire : « Vous savez, j'adore manger chinois. »

    « Légalement, ils ont parfaitement le droit d'agir comme cela, décrypte Fabrice Maréchal, spécialiste de droit de préemption à la chambre de commerce de l'Essonne. L'objectif est de pouvoir préserver une diversité. Par exemple, un charcutier ferme, la mairie peut décider d'en remettre un. A l'inverse, s'il y a quinze banques et qu'une ferme, il est possible d'en changer l'orientation commerciale. » Et maintenant ? « Les Armes de France sont une adresse et un lieu prestigieux, qui possède une bonne image. Les repreneurs devraient être nombreux », assure-t-on à l'hôtel de ville de Corbeil.

    A condition d'être chef en gastronomie française. Et tant pis pour les amateurs de riz basmati. »


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    Commentaire :

    Ce qui pouvait être prédit sans trop de risque se réalise : la préemption des fonds de commerce, désormais possible, donne lieu aux mêmes abus que la préemption des biens immobiliers.

    Cet article du Parisien en donne une intéressante illustration. Il s’agit pour la commune de préempter pour éviter l’installation d’un commerce qui n‘est pas souhaité, en l’occurrence un restaurant « exotique », en remplacement d’un restaurant traditionnel.

    En matière de préemption des biens immobiliers, on sait qu’il est illégal de préempter à seule fin d’empêcher un acquéreur donné de s’installer (Cf. ma note du 19 juillet 2007). La difficulté est ici qu’il s’agit de préemption de fonds de commerce pour laquelle la loi parle de « sauvegarde du commerce et de l’artisanat de proximité ». Il doit donc être possible de tenir compte du commerce implanté par rapport au commerce qu’il remplace.

    Toutefois, au regard de cet objectif de sauvegarde du commerce, un restaurant indien est … un restaurant, au même titre que le restaurant auquel il souhaite succéder. Il est peu probable que le périmètre délimité par la commune prévoit la sauvegarde des restaurants gastronomiques, ce qui serait d’ailleurs d’une légalité discutable. Cette succession de restaurants ne porte donc pas atteinte à la sauvegarde du commerce.

    Aussi, contrairement à l’opinion citée dans l’article, cette décision de préemption semble d’une légalité très contestable, une préférence gastronomique ne constituant pas un motif légal de préemption.

    Benoît JORION
    Avocat à la Cour d’appel de Paris
    Spécialiste en droit public

  • L’entrée en vigueur du droit de préemption sur les commerces

    Conseil d'État 21 mars 2008 Société MEGARON, req. n° 310173, à paraître aux tables

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    Extraits : « Considérant qu'une loi nouvelle entre en vigueur le lendemain de sa publication au Journal officiel, dans les conditions fixées à l'article 1er du code civil, sauf si elle en dispose autrement ou si son application est manifestement impossible en l'absence de dispositions réglementaires en précisant les modalités ; qu'en ce cas, comme l'indique ce même article, son entrée en vigueur est reportée à la date d'entrée en vigueur de ces dispositions ;

    Considérant que les articles L. 214-1 et L. 214-2 du code de l'urbanisme, issus de la loi du 2 août 2005, ont pour objet d'ouvrir aux communes la possibilité de se doter d'un droit de préemption des fonds artisanaux, fonds de commerce et baux commerciaux en vue de préserver, dans un périmètre de sauvegarde qu'elles délimitent par une délibération motivée, la diversité de l'activité commerciale et artisanale de proximité ; qu'il résulte de ces dispositions que le fonds ou le bail objet de la préemption doit être rétrocédé dans un délai d'un an à une entreprise dont l'exploitation répond aux objectifs poursuivis ;

    Considérant que, si l'application des dispositions de l'article L. 214-1 du code de l'urbanisme n'était pas manifestement impossible, en l'absence du décret prévu à l'article L. 214-3, en tant qu'elles permettent au conseil municipal de délimiter un périmètre de sauvegarde du commerce et de l'artisanat de proximité, à l'intérieur duquel les cessions de fonds artisanaux, de fonds de commerce ou de baux commerciaux pourront être soumises au droit de préemption, il en va différemment des autres dispositions de cet article et de celles de l'article L. 214-2 relatives à l'exercice du droit de préemption et au droit de rétrocession qui en est inséparable, dès lors que ce dispositif entièrement nouveau, qui se distingue des droits de préemption existants régis par les articles L. 213-1 à L. 213-18 du code de l'urbanisme - auxquels il n'est d'ailleurs fait renvoi que sur certains points - ne peut être mis en oeuvre sans qu'aient été apportées par voie réglementaire les précisions nécessaires à son application, notamment sur les modalités de la rétrocession du bien préempté ; qu'ainsi, en ne retenant pas comme de nature à créer un doute sérieux sur la légalité de la décision de préemption litigieuse le moyen tiré de ce que la décision en cause se fondait sur un texte inapplicable en l'absence, à la date de cette décision, de dispositions réglementaires d'application des articles L. 214-1 et L. 214-2 du code de l'urbanisme, le juge des référés du tribunal administratif de Nice a commis une erreur de droit ; que son ordonnance doit pour ce motif, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, être annulée
    ;

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    Commentaire : A l’heure ou toutes les conditions sont désormais remplies pour que fonctionne le droit de préemption sur les fonds artisanaux, les fonds de commerce et les baux commerciaux (Cf. ma note du 6 avril), le Conseil d’Etat vient de préciser les modalités d’entrée en vigueur de ce nouveau dispositif.

    Plus de deux ans et demi auront été nécessaires depuis la loi du 2 août 2005, pour que les nouveaux articles L. 214-1 à L. 214-3 du code de l’urbanisme soient applicables. Pourtant, certaines communes, sans attendre le décret d’application pourtant annoncé par l’article L. 214-3, ont déjà délimité un périmètre de sauvegarde du commerce et de l'artisanat de proximité. D’autres communes ont même commencé à préempter.

    Tel est le cas de la commune de Valbonne qui a préempté un droit de bail. Le Conseil d’Etat vient de casser l’ordonnance rendue par le juge des référés du Tribunal administratif de Nice, qui avait rejeté la demande de suspension, estimant que le moyen tiré de ce que sa décision se fondait sur un texte inapplicable en l'absence de dispositions réglementaires d'application n’était pas de nature à créer un doute sérieux.

    Le Conseil d’Etat en profite pour dire comment la loi du 2 août 2005 est progressivement entrée en vigueur.

    Il aurait pu être soutenu que rien de cette loi ne pouvait entrer en vigueur, l’article L. 214-3 annonçant un décret d’application à venir. Ce n’est pas cette voie que le Conseil d’Etat a adoptée, rappelant que ce n’est que lorsque l’application est « manifestement impossible en l'absence de dispositions réglementaires en précisant les modalités » qu’il convient d’attendre un décret d’application.

    Il estime, de ce fait, que la procédure ouverte par l’article L. 214-1 du code de l’urbanisme, permettant à un conseil municipal de délimiter un périmètre de sauvegarde du commerce et de l'artisanat de proximité, à l'intérieur duquel les cessions de fonds artisanaux, de fonds de commerce ou de baux commerciaux pourront être soumises au droit de préemption, était possible, même sans décret d’application.

    A l’inverse, le Conseil d’Etat estime que « il en va différemment des autres dispositions de cet article et de celles de l'article L. 214-2 relatives à l'exercice du droit de préemption et au droit de rétrocession qui en est inséparable, dès lors que ce dispositif entièrement nouveau, qui se distingue des droits de préemption existants (…) ne peut être mis en oeuvre sans qu'aient été apportées par voie réglementaire les précisions nécessaires à son application, notamment sur les modalités de la rétrocession du bien préempté ».

    La distinction est donc bien claire : un conseil municipal pouvait depuis la loi du 2 août 2005 instituer une zone de préemption en matière commerciale. En revanche, ce droit de préemption, entièrement nouveau, ne peut être exercé que depuis la publication du décret du 26 décembre 2007, si ce n’est même depuis la parution de l’arrêté relatif à la déclaration de cession, le 1er avril 2008.

    Il n’est donc pas nécessaire pour un conseil municipal, qui a souhaité prendre les devants, de délibérer à nouveau sur l’institution d’un périmètre de sauvegarde du commerce et de l’artisanat.

    Au moins en théorie.

    En effet, le décret du 26 décembre 2007 a précisé, sans que rien dans la loi ne l’annonce, que cette délibération devait être entourée d’un certain nombre de formalités, dont un avis des chambre locales de commerce et d'industrie et des métiers et de l'artisanat. Une telle formalité risquera souvent de faire défaut pour les délibérations antérieures à ce décret.

    Benoît JORION
    Avocat à la Cour d’appel de Paris
    Spécialiste en droit public