préemption

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droit de préemption - Page 20

  • Les renseignements à faire figurer dans une DIA

    Cour de cassation, Civ. 1ere, 12 juillet 2007 X c/ SCP notariale P.-A.-N., pourvoi n° 06-15633

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    Extrait : « Attendu que M. X..., propriétaire d'un immeuble situé à Cournon (Puy-de-Dôme) et d'un fonds de commerce de garage automobile, station-service, exploité en location-gérance, dans cet immeuble, par l'entreprise unipersonnelle à responsabilité limitée (EURL) Garage du lac, a, par actes sous seing privé, promis de céder son fonds de commerce à la société Garage de Ribeyre, sous la condition suspensive de la cession de l'immeuble, siège de son exploitation, la promesse de vente de cet immeuble, conclue le même jour, étant subordonnée à la condition de la purge du droit de préemption de la commune ; que cette dernière a exercé son droit de préemption, en conséquence de quoi, la société Garage de la Ribeyre a renoncé à l'achat du fonds de commerce ;

    Attendu que, pour débouter M. X... et l'EURL Garage du lac de leur action en responsabilité professionnelle contre la SCP Papon - Adant - Noël, qui, chargée de donner la forme authentique aux conventions des parties, avait transmis à la commune de Cournon une déclaration d'intention d'aliéner ne faisant état que de la seule vente immobilière, l'arrêt relève, après avoir constaté que la mention d'indications complémentaires de la case G du formulaire de déclaration d'intention d'aliéner n'était que facultative, que rien ne permettait d'affirmer que la commune de Cournon n'aurait pas exercé son droit de préemption en connaissant l'existence de la promesse de vente du fonds de commerce, l'identité du propriétaire du fonds lui étant indifférente dès lors que lui avaient été signalés le caractère commercial de l'immeuble et son occupation par des locataires ;

    Qu'en statuant ainsi, alors que ni l'indication du caractère commercial de l'immeuble vendu, ni le fait qu'il était occupé par des locataires porté à la connaissance de la commune, ne pouvaient lui faire savoir que la cession de l'immeuble conditionnait celle du fonds de commerce, de sorte que la commune ne disposait pas, du fait des manquements de la SCP, de l'ensemble des renseignements qui lui auraient été utiles pour l'appréciation de l'opportunité de décider de préempter ou non l'immeuble, la cour d'appel a violé le texte susvisé;
    »

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    Commentaire : Cet arrêt relatif à la responsabilité d'une étude notariale est l’occasion pour la Cour de cassation de se montrer très exigeante sur les indications que doit contenir une déclaration d’intention d’aliéner.

    En l'espèce, un fond de commerce a été vendu sous la condition classique de la cession des murs. A l’époque des faits, un fond de commerce ne pouvait faire l’objet d’une préemption. Le notaire chargé de la rédaction de la déclaration d’intention d’aliéner s’est donc contenté d’informer la commune du seul projet de cession de l’immeuble.

    La commune ayant préempté cet immeuble, l’acheteur a renoncé à acheter le fond de commerce. Le vendeur a alors recherché la responsabilité du notaire, lui reprochant de ne pas avoir informé la commune de ce que la cession de l’immeuble était conditionnée à celle du fond de commerce.

    La Cour d’appel avait estimé que « rien ne permettait d'affirmer que la commune n'aurait pas exercé son droit de préemption en connaissant l'existence de la promesse de vente du fonds de commerce ». La Cour de cassation censure ce raisonnement en posant que, du fait de cette omission, « la commune ne disposait pas de l'ensemble des renseignements qui lui auraient été utiles pour l'appréciation de l'opportunité de décider de préempter ou non l'immeuble ».

    Un tel raisonnement est contestable.

    On peut dire d’abord que cette affaire illustre une vraie difficulté en cas de cession simultané d’un fond de commerce et de ses murs (hôtel, boutique, garage automobile comme en l’espèce…). La valeur du fond de commerce est généralement conditionnée au maintien de l’activité dans ses murs. Dès lors, le commerçant qui voit son seul immeuble préempté risque bien de voir disparaître la substance de son fond et d’être appauvri en conséquence. Or, même lorsqu’il sera possible de préempter un fond de commerce, rien n’imposera de le faire. Une telle situation est donc tout sauf satisfaisante.

    Le problème se pose plus généralement lorsque le vendeur souhaite vendre de façon indivisible plusieurs biens (par exemple un bien immobilier et son garage situé à proximité). La question se pose de savoir si le titulaire du droit de préemption doit ou non respecter l'unité de la vente.

    La Cour de cassation avait considéré, précisément dans une hypothèse ou la responsabilité du notaire était recherchée « qu'il ne pouvait être fait grief au notaire rédacteur de ne pas avoir fait apparaître la solidarité voulue par les deux venderesses dès lors que cette condition était inopposable à la commune pour l’application de son droit de préemption » (Cass. 3eme civ. 11 mai 2000 SCP X. c/ Société Electronica, Bull. civ. III n° 109).

    Autrement dit, il est possible au titulaire du droit de préemption de démanteler la vente voulue et de choisir, parmi les biens, celui ou ceux qui l’intéressent. La Cour en avait donc retenu que la responsabilité notariale ne pouvait être engagée.

    L’arrêt commenté ici, justifié par « l'appréciation de l'opportunité de décider de préempter » surprend donc d’autant plus.

    En effet, si la Cour de cassation a raison de rappeler que la préemptiuon relève largement d'un choix d’opportunité, savoir que la cession d’un fond de commerce était indissociable de celle des murs ne conduisait la commune ni à pouvoir préempter ce fond, ni à indemniser le vendeur.

    Par ailleurs, il faut rappeler que la préemption s’accompagne généralement d’un projet de changement de destination du bien. Dès lors, la destination du bien au moment de la transaction est de faible importance. Aussi, au regard du projet nécessairement poursuivi par la préemption (non précisé dans l’arrêt), l’information de l’existence d’un fond de commerce et de sa cession simultanée (à supposer qu’elle ait effectivement été ignorée) n’aurait sans doute rien changé pour la commune.

    Benoît Jorion
    Avocat à la Cour d’appel de Paris,
    Spécialiste en droit public

  • Préemption destinée au maintien des locataires : des précisions

    Tribunal administratif de Versailles 3 juillet 2007 Société Resireal c/ Commune de Clichy, req. n° 0610896

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    Extrait : « Considérant qu’il résulte des dispositions précitées des articles L. 210-l et L 210-2 du code de l’urbanisme, d’une part, que les communes ne peuvent décider d’exercer leur droit de préemption urbain dans le cadre de l’article L. 210-2 que si elles justifient, à la date à laquelle elles exercent ce droit, l’avoir exercé conformément aux termes et conditions fixés par l’article L. 210-l du code de l’urbanisme et, d’autre part, qu’elles doivent définir l’objet en vue duquel est exercé ce droit de manière précise dans la décision de préemption;

    Considérant, en premier lieu, qu’il ressort des pièces du dossier que la décision du 27 septembre 2006 mentionne seulement que « le droit de préemption est exercé conformément aux objectifs qui ont présidé à l ‘institution du droit de préemption renforcé dans le cadre de la politique de I ‘habitat de la commune, notamment afin de préserver les droits des locataires et garantir leur maintien dans les lieux à l’occasion de la vente d’immeuble par lots »; qu’une telle mention, qui se borne à reprendre les termes de l’article L. 210.2 du code de l’urbanisme et à indiquer que le droit de préemption est exercé conformément aux objectifs fixés par une délibération du 29 novembre 2005, laquelle, outre qu’elle n’est pas annexée à la décision attaquée, expose en des termes très généraux les axes d’intervention de la commune en matière d’aménagement, n’est assortie d’aucune précision quant aux conditions d’occupation des biens préemptés, au nombre de locataires concernés et à leur situation en cas de cession desdits biens à l’acquéreur indiqué dans la déclaration d’intention d’aliéner ; qu’ainsi, la décision ne répond pas à l’exigence, qui découle de l’article L 210-l du code de l’urbanisme, de description précise de l’objet en vue duquel est exercé le droit de préemption urbain ;

    Considérant, en deuxième lieu, qu’un seul locataire est concerné par la cession litigieuse, laquelle porte sur des locaux en partie vacants, qui ne constituent qu’une partie résiduelle d’un immeuble détenu en copropriété ; que la commune n’établit par ailleurs pas que ledit locataire ne pourra se maintenir dans les lieux pour le cas où les biens considérés serait cédés à l’acquéreur indiqué dans la déclaration d’intention d’aliéner ; que, par suite, la commune ne justifie pas avoir exercé son droit de préemption, conformément aux termes et conditions fixés par l’article L. 210-2 du code de l’urbanisme.
    »

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    Commentaire : Ce jugement constitue l’une des toutes premières décisions rendue par une juridiction administrative du fond et relative à une décision de préemption destinée à permettre le maintien de locataires dans les lieux.

    Cette possibilité de préemption, issue de la loi Aurillac du 13 juin 2006 et codifiée à l’article L. 210-2 du code de l’urbanisme, pose un certain nombre de difficultés d’applications et permet potentiellement beaucoup d’abus (Cf. ma note du 29 juin).

    On ne peut donc que se féliciter de ce jugement rendu par le Tribunal administratif de Versailles qui rattache cette nouvelle hypothèse de préemption au droit commun de la matière et impose, à la fois, une motivation précise et un objet bien défini.

    Ainsi, en matière de motivation, ce jugement estime, à bon droit, que la reprise par la décision de préemption des termes de la loi assortie d’un exposé très général ne suffit pas.

    De même, en ce qui concerne l’objet de la décision, le jugement relève que seul un locataire était concerné, qu’il n’est pas établi qu’il ne pourrait se maintenir dans les lieux du fait de l’acquisition prévue et que l’immeuble était déjà en copropriété. Ainsi, même si le jugement ne le dit pas expressément, il semble bien que ce nouveau droit de préemption se doit d’être lu à la lumière de la loi du 13 juin 2006, qui n’a vocation à s’appliquer que dans des hypothèses limitées.

    Pour ces différentes raisons, la décision de préemption du maire de Clichy a été annulée par le Tribunal administratif de Versailles.




    Benoît Jorion
    Avocat à la Cour d’appel de Paris,
    Spécialiste en droit public

  • Le droit à commission de l'intermédiaire

    Cour de cassation, 1ere chambre civile, 24 janvier 2006, Société Atlan’Immo, req. n° 08-18746

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    Extrait : « Vu l'article 6 de la loi n° 70-9 du 2 janvier 1970, ensemble l'article 73 du décret n° 72-678 du 20 juillet 1972 ;

    Attendu qu'il résulte de ces textes que la substitution du préempteur à l'acquéreur ne porte pas atteinte au droit à commission de l'agent immobilier, tel qu'il est conventionnellement prévu, peu important à cet égard que le prix d'acquisition du bien préempté soit inférieur à celui qui avait été initialement convenu entre vendeur et acquéreur ;

    Attendu que la société Atlant'Immo (l'agent immobilier), chargée par les héritiers de Mme X... de vendre un bien, avait trouvé des acquéreurs au prix de 400 000 francs, lesquels s'étaient engagés à lui payer une commission de 34 000 francs ; que le District de l'agglomération nantaise (le district) ayant fait connaître au notaire chargé d'établir l'acte de vente son intention d'exercer son droit de préemption au prix de 330 000 francs, l'immeuble lui a été vendu à ce prix ; que l'agent immobilier ayant assigné le district en paiement de sa commission, l'arrêt attaqué a rejeté sa demande ;

    Attendu que pour considérer que le district ne devait pas payer de commission, la cour d'appel a retenu que la vente ne s'était pas formée par substitution d'acquéreur mais à la suite d'un nouvel accord "exclusif de tout lien de droit avec l'acte pour lequel l'agent immobilier avait prêté son entremise" puisqu'elle était intervenue, conformément à l'offre notifiée par le district acceptée par les vendeurs, au prix de 330 000 francs "hors taxes charges ou indemnités", à des conditions de prix inférieures à celles du compromis ;

    Qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé les textes susvisés.
    »

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    Commentaire : Outre l’acheteur et le vendeur, l’exercice du droit de préemption peut faire un troisième malheureux : l’intermédiaire (agence immobilière, notaire…) que l’absence de conclusion de la transaction peut priver de sa commission. Il arrive également qu’une décision de préemption réduise, voire supprime, la commission qui avait été fixée au moment du compromis de vente.

    En l’espèce, une préemption avait été exercée à un prix inférieur au compromis de vente. La vente a eu lieu à ce prix inférieur et l’autorité préemptrice a refusé de verser sa commission à l’intermédiaire. En appel, la Cour d’appel de Rennes a admis ce refus, considérant que la vente après préemption constituait un nouvel accord. La Cour de cassation a cassé avec beaucoup de fermeté cet arrêt en posant le principe que « la substitution du préempteur à l'acquéreur ne porte pas atteinte au droit à commission de l'agent immobilier, tel qu'il est conventionnellement prévu ». La Cour précise même qu’il importe peu que « le prix d'acquisition du bien préempté soit inférieur à celui qui avait été initialement convenu entre vendeur et acquéreur ».

    Ainsi, que la préemption ait lieu au prix initialement prévu ou à un prix inférieur, la commission est due à l’intermédiaire. Le paradoxe est donc que l’intermédiaire immobilier est mieux protégé que le vendeur, qui lui peut voir le prix de vente diminué. Encore faut-il toutefois que la vente ait effectivement lieu, ce qui n’est pas le cas si le vendeur renonce à la vente.

    Enfin, on peut signaler une incertitude. Il ne semble pas qu’il ait encore été jugé par le juge administratif si l’oubli ou la diminution de la commission de l’intermédiaire dans la décision de préemption entachait cette dernière d’illégalité.

    Benoît Jorion
    Avocat à la Cour d’appel de Paris,
    Spécialiste en droit public

  • Un bail emphytéotique n'empêche pas de proposer un bien illégalement préempté à l'acquéreur évincé

    Cour administrative d’appel de Paris, 11 juillet 2007 Société AVI, à paraître aux tables


    Extrait : « Considérant qu'aux termes du premier alinéa de l'article L. 911-7 du code de justice administrative : « En cas d'inexécution totale ou partielle ou d'exécution tardive, la juridiction procède à la liquidation de l'astreinte qu'il avait prononcée » et qu'aux termes de l'article L. 911-8 du même code : « La juridiction peut décider qu'une part de l'astreinte ne sera pas versée au requérant. Cette part est affectée au budget de l'Etat » ; qu'en majorant le prix convenu dans la déclaration d'intention d'aliéner de frais d'acquisition et de gestion, qui ne peuvent que demeurer à sa charge et qui n'ont généré aucun enrichissement sans cause de la société AVI, la VILLE DE PARIS ne peut être regardée comme ayant entièrement exécuté l'injonction contenue à l'article 3 de l'arrêt du 23 novembre 2006 ; qu'il y a lieu, par suite, de statuer sur les conclusions de la société AVI, de liquider l'astreinte prévue par ledit arrêt pour la période qui court du 14 décembre 2006 au 5 juillet 2007 et d'en fixer le montant à 200 euros par jour de retard, soit pour 203 jours, une somme de 40 600 euros, versée par moitié à la société AVI et à l'Etat ;

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    (…)

    Considérant, ainsi que l'a cour l'a indiqué dans son arrêt du 23 novembre 2006 notifié à la VILLE DE PARIS le 28 novembre 2006, que l'annulation de la décision de préemption du 23 décembre 2003 impliquait nécessairement, en l'absence de cession du bien préempté et d'atteinte excessive à l'intérêt général, que la VILLE DE PARIS prenne toute mesure de nature à mettre fin aux effets de la décision annulée ; que le bail emphytéotique, conclu au profit de la RIVP les 6 et 11 avril 2005 et attribuant à celle-ci des droits réels, ne peut, compte tenu notamment des pouvoirs conservés par la VILLE DE PARIS sur le bien, être assimilé à une revente de l'immeuble ; que, dès lors, la VILLE DE PARIS devait nécessairement provoquer la résiliation de ce bail emphytéotique soit à l'amiable, soit en saisissant le juge du contrat en vue d'en voir prononcer la nullité ; qu'il convient par suite de prononcer une nouvelle mesure d'injonction ayant cet objet
    ;"

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    Commentaire : Avec cet arrêt du 11 juillet 2007, la Cour administrative d’appel de Paris vient de préciser la portée d’un arrêt relatif aux conséquences de l’annulation d’une décision de préemption rendu par elle le 23 novembre 2006 et précédemment commenté ici (note du 19 juin 2007).

    On sait depuis l’arrêt Bour du 26 février 2003 que l’acheteur écarté à tort, du fait d’une décision de préemption illégale, a droit à ce que le bien lui soit proposé « à un prix visant à rétablir les conditions de la transaction à laquelle l'exercice du droit de préemption a fait obstacle ».

    Dans son précédent arrêt du 23 novembre 2006, la Cour administrative d’appel de Paris avait confirmé l’annulation d’une décision de préemption prise par la ville de Paris. Elle avait aussi enjoint la Ville, sous astreinte « de proposer à la société AVI l'acquisition du bien illégalement préempté au prix mentionné dans la déclaration d'intention d'aliéner ».

    La Ville de Paris a tenté de majorer ce prix de frais d'acquisition et de gestion qu’elle avait supportés. La Cour estime, de façon parfaitement normale, dans la logique de l’arrêt Bour, que ces frais « qui n'ont généré aucun enrichissement sans cause de la société AVI » ne peuvent que demeurer à la charge de la Ville. En conséquence, la Cour estime que la Ville, en proposant le bien à un prix incorrect, n’a pas entièrement exécuté l’injonction contenue dans le premier arrêt et liquide l’astreinte.

    Le principal intérêt de l’arrêt est toutefois ailleurs. Une des hypothèses qui permet de limiter les conséquences de l’annulation d’une décision de préemption est celle où, entre temps, le bien a été cédé par l’autorité titulaire du droit de préemption. Pour s’opposer à ce que le bien illégalement préempté soit proposé à l’acheteur évincé, la Ville de Paris avait initialement objecté que l’immeuble en cause avait fait l’objet d’un bail emphytéotique avec la RIVP, société d’économie mixte de la Ville. Dans son arrêt du 23 novembre 2006, la Cour n’avait pas explicitement répondu à un tel moyen. Ce deuxième arrêt est l’occasion pour elle de le faire.

    La conclusion d’un bail emphytéotique n’est certes pas l’équivalent d’une cession. Mais un tel bail, conclu pour une longue durée, a pour objet de faire bénéficier le preneur de droits réels sur le bien. La Doctrine a pu se demander si un bail emphytéotique pouvait faire l’objet d’une résiliation anticipée, tant précisément la volonté de protéger le preneur dans la durée était forte.

    En l’espèce, la Cour écarte l’assimilation d’un bail emphytéotique à une revente de l’immeuble. Elle le fait certes au regard « des pouvoirs conservés par la Ville de Paris sur le bien », ce qui en atténue la portée. Les liens que la Ville entretient avec une SEM dédiée au logement, tout comme la possibilité admise en jurisprudence de faire figurer une clause de résiliation dans un bail emphytéotique, peuvent expliquer cette précision. L'arrêt n"en refuse pas moins de considérer que la conclusion d'un tel bail constitue un obstacle à la cession à l'acquéreur irrégulièrement évincé. Il enjoint donc à la Ville de procéder à la résiliation du bail.

    Il faut saluer une telle décision qui s’emploie à donner tous ses effets à l’annulation juridictionnelle d’une décision de préemption, en faisant prévaloir la légalité administrative sur la stabilité contractuelle. Il convient en effet d’éviter que des conventions de circonstance ne soient conclues pour tenter de prévenir les effets de l’annulation prévisible d’une décision de préemption. Cet arrêt constitue un nouvel exemple de la volonté jurisprudentielle de sanctionner de façon efficace l’illégalité d’une décision de préemption.


    Benoît Jorion
    Avocat à la Cour d’appel de Paris,
    Spécialiste en droit public

  • Préemptions systématiques à Paris

    Paris

    LA VILLE PRÉEMPTERA DAVANTAGE D'IMMEUBLES HABITÉS PAR DES FAMILLES DÉFAVORISÉES

    Les Verts parisiens obtiennent gain de cause sur le logement


    Article paru dans l'édition du Monde du 13.12.06

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    A L'INSTIGATION des Verts de sa majorité, le maire PS de Paris, Bertrand Delanoë, a décidé d'endiguer plus activement l'éviction des couches populaires de la capitale, victimes des ventes à la découpe.
    L'exécutif municipal devait s'engager, mardi 12 décembre à acheter « systématiquement les immeubles » privés, sans grand confort sanitaire, habités par des occupants dont le revenu est inférieur à 900 euros.
    Une partie des Verts avait menacé de ne pas voter le budget logement pour 2007, examiné mardi, si l'exécutif ne dégageait pas de nouveaux crédits pour préempter des immeubles habités par des familles défavorisées pour les transformer en logements sociaux. Les élus PCF ont demandé, eux aussi, un effort. « Les difficultés de plus en plus grandes des Parisiens très modestes pour rester dans leur logement à Paris gangrènent les efforts de la Ville pour créer par ailleurs des logements sociaux », constatait mardi, Jean Vuillermoz, président du groupe communiste.

    Les Verts évaluent l'effort financier à 900 millions d'euros par an pendant trois ans pour acquérir les 103 702 logements privés vétustes habités par des ménages qui pourraient prétendre à un logement social. « La préoccupation des Verts est juste. Mais je ne ferai rien qui mette en danger l'équilibre budgétaire », a prévenu, lundi, Bertrand Delanoë.

    « TOURNANT »

    L'adjoint (PS) au maire Christophe Caresche est finalement parvenu à un accord avec les Verts : la Ville s'engage à racheter « le noyau dur » des 103 702 logements, soit 55 000 habitations, avec à la clé une rallonge au compte foncier de 36 millions d'euros en 2007, pour une enveloppe globale de 210 millions.

    « C'est un tournant de la politique du logement social à Paris ! », pavoise François Florès, élu Verts du 18e arrondissement. Jusqu'ici, « la Ville préemptait des immeubles sans se préoccuper de savoir si les habitants étaient modestes ou aisés ». Jean-Yves Mano, adjoint (PS) chargé du logement relativise la portée de la décision : « Pour préempter davantage d'immeubles à bas loyers, encore faudra-t-il qu'il y ait des opportunités de les acheter ! »


    Béatrice Jérôme

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    Commentaire : Cet article illustre bien la pression qui s’exerce sur beaucoup d’élus, conduits en conséquence à faire du droit de préemption la bonne-à-tout-faire de leur politique locale de l’habitat.

    Définir une politique de préemption systématique, ainsi qu’il est relaté ci-dessus, pour un objectif –le maintien d’une population donnée, définie par son niveau de revenu- qui ne figure pas parmi les objectifs légaux du droit de préemption est le meilleur moyen, le jour venu, de prendre une décision illégale.

    La conséquence de l’illégalité d’une telle décision est, outre son risque d’annulation, le risque d’indemnisation qui, au regard du marché immobilier dans la capitale, peut être très lourde pour le contribuable parisien.



    Benoît Jorion
    Avocat à la Cour d’appel de Paris,
    Spécialiste en droit public