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ile de france

  • Grand Paris et droit de préemption

    Le projet de loi sur le futur Grand Paris, alors même qu’il n’est pas encore définitivement arrêté, est déjà à l’origine de réactions très hostiles de la part de beaucoup de grands élus d’Ile de France.

     

    Le droit de préemption, qui serait reconnu notamment à la future Société du Grand Paris, figure en toute première place des critiques entendues.

     

     

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    De quoi s’agit-il ?

     

    Il s’agirait de définir des périmètres d’un rayon d’environ 1.500 m autour des 50 gares du futur réseau de transport en commun. La future Société du Grand Paris – qui aurait le statut d’établissement public national – pourrait y procéder à des expropriations selon la procédure de l’extrême urgence. Il lui serait aussi possible d’y procéder à des préemptions.

     

    Au regard de la taille des périmètres et de leur nombre, certaines communes seraient soumises à ce dispositif sur l’ensemble de leur territoire. Selon le Président du Conseil général du Val de Marne, 30% de son département serait concerné.

     

    Les critiques portent donc sur la recentralisation du droit de l’urbanisme, les élus locaux craignant de perdre leurs prérogatives en matière d’aménagement urbain au bénéfice de l’Etat.

     

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    Qu’en est-il ?

     

    L’article 6 de l’avant projet (ce qui veut dire que ce projet évoluera encore, selon toute vraisemblance, tout au long du processus législatif) prévoit, en effet, de créer autour de chaque gare une zone d’aménagement différé (ZAD). Les ZAD sont un outil de préemption un peu délaissé aujourd’hui. Pour les collectivités locales, l’inconvénient majeur des ZAD est qu’elles sont créées par l’Etat, et pas nécessairement à leur bénéfice. En revanche, le droit de préemption urbain (DPU) est entièrement géré par les collectivités locales, ce qui explique son grand succès.

     

    Le projet de loi envisage donc d’utiliser un outil juridique déjà existant, il est vrai sur une très grande échelle, et en en faisant systématiquement bénéficier un établissement public de l’Etat.

     

    Trois remarques s’imposent.

     

    D’abord, il est inexact de dire que les communes ou les intercommunalités perdraient leurs compétences. En effet, le projet prévoit que la création de la ZAD n’interdirait pas d’exercer le droit de préemption urbain. Il est vrai que, en principe, la création d’une ZAD est incompatible avec l’institution du DPU. Il s’agirait donc ici de créer un mécanisme dérogatoire laissant subsister le droit de préemption urbain.

     

    Autrement dit, les compétences données à la société du Grand Paris en matière de droit de préemption n’en enlèveraient aucune aux communes. Simplement, le projet de loi précise que ce nouveau droit de préemption primera sur le droit de préemption urbain. Ce qui veut dire, qu’en cas de projets concurrents, le projet de l’Etat aurait la priorité sur le projet local.

     

    Ensuite, et cela n’a pas été souligné en dépit de sa grande importance pratique, le délai pour préempter va passer de deux à trois mois. En effet, il est prévu que lorsque la société du Grand Paris renoncera à préempter, le titulaire « ordinaire » de ce droit, la plupart du temps les communes, pourra préempter. Mais le délai sera alors de trois mois.

     

    Ainsi, très concrètement, les transactions immobilières prendront un mois de plus à se réaliser, retardant autant acheteur et vendeur dans leurs projets. Les politiques qui se sont exprimés n’y ont guère été sensibles. Les professionnels de l’immobilier ne se sont pas encore manifestés.

     

    Enfin, il est paradoxal de redonner un second souffle à l’outil de préemption en zones d’aménagement différé, alors que, dans le même temps, la nouvelle proposition de loi de simplification et de clarification du droit, déposée tout récemment par le député Warsmann devant l’Assemblée nationale, envisage la disparition de cet outil juridique.

     

    Cela illustre, une nouvelle fois, le caractère mal coordonné des nombreuses réformes intervenues au cours des dernières années en matière d’urbanisme, et tout particulièrement en matière de droit de préemption.

     

     

    Benoît JORION

    Avocat à la Cour d’appel de Paris

    Spécialiste en droit public