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Les objectifs de la préemption - Page 3

  • Préempter pour contrôler les prix est illégal

    Tribunal administratif de Montreuil, 20 octobre 2011, F. c/ Commune de Saint-Ouen, req. n° 1007663

     

    Extraits :

    trib montreuil.jpg« Considérant, en dernier lieu, qu’il ressort des pièces du dossier que les requérants ont reçu une lettre du service foncier de la commune datée du 18 juin 2010, leur indiquant d’appeler ce même service pour « recevoir plus d’informations concernant la vente de [leur] logement (…) et ce afin de purger le droit de préemption » ; qu’il soutiennent avoir pris contact avec ledit service qui les aurait informés que la commune renoncerait à préempter en cas de baisse du prix de vente de leur bien ; qu’il est établi que la décision de préemption est intervenue postérieurement à ce courrier, en l’absence de baisse du prix de vente par M. et Mme F. de leur bien ; qu’il est également établi que le prix de vente de 109.000 euros fixé dans cette décision, est très inférieur au prix de 160.000 euros préconisé par le Service France Domaine ; que , dans ces conditions, l’ensemble de ces éléments constitue un faisceau d’indices permettant de considérer les allégations des requérant pour établies et qu’ainsi, la décision de préemption en litige dont le seul objet est d’empêcher la vente du bien de Monsieur et Madame F. à Mlle Z au prix de 179.000 est entachée de détournement de pouvoir. »


    Commentaire :

    Saint-Ouen Mairie2.jpgCertaines communes se sont fait une spécialité de préempter les biens immobiliers pour tenter de contrôler les prix sur leur territoire.

    Une telle politique est doublement illégale. En effet, d’une part, une décision de préemption ne sert pas à casser une vente, mais à permettre une acquisition. D’autre part, l’objectif de contrôler les prix n’entre pas dans les hypothèses légales d’action ou d’opération prévues par le code de l’urbanisme en matière de droit de préemption.

    La difficulté est que ces communes, conscientes de l’illégalité de leur politique, même si leurs élus l’assument volontiers publiquement, dissimulent, au cas par cas, l’objet réel de leurs décisions de préemption derrière un des objectifs prévus par la loi.  

    Dans un tel cas, les requérants, acheteurs ou vendeurs évincés, doivent démontrer que la décision de préemption est illégale et que, notamment, il n’existait aucun projet suffisamment réel de nature à justifier la légalité de la décision.

    Le jugement commenté rendu par le Tribunal administratif de Montreuil est intéressant car il annule une décision de préemption, non pas pour vice de forme ou pour erreur de droit, ainsi qu’il le fait régulièrement, mais pour détournement de pouvoir.

    Le vice de détournement de pouvoir est rarement retenu en jurisprudence et particulièrement infamant, un pouvoir de l’administration ayant été utilisé dans ce cas dans un but autre que celui pour lequel il a été donné par la loi.

    Pour arriver à ce résultat, le Tribunal a retenu divers éléments repris dans l’extrait cité plus haut..

    Le Tribunal en conclut que « dans ces conditions, l’ensemble de ces éléments constitue un faisceau d’indices permettant de considérer les allégations des requérant pour établies et qu’ainsi, la décision de préemption en litige dont le seul objet est d’empêcher la vente du bien au prix de 179.000 est entachée de détournement de pouvoir ».

    Ce considérant, qui était surabondant, aidera les justiciables concernés à faire valeur leur droit, sur le terrain de l’annulation ou sur celui de l’indemnisation.

    Ce jugement constitue une avancée dans le contrôle exercé par le juge administratif, avec les prémices de la prise en compte du prix retenu par l’autorité administrative pour préempter, comme élément de légalité du droit de préemption.

    Benoît Jorion

    Avocat à la Cour d’appel de Paris

    Spécialiste en droit public

     

     

     

     

     

     

     

     

  • Un prix de préemption abusivement bas révèle un détournement de pouvoir

    Tribunal administratif de Montreuil, 6 janvier 2011 SCI LRTS c/ Commune de Montreuil, req. n° 0912225

     

     Montreuil mairie.jpgExtraits : « En proposant un prix de 157.000 euros pour un bien dont la valeur était considérablement plus élevée (850.000 euros), la commune qui n’en justifie qu’en invoquant une erreur qu’elle aurait commise sur les hauteurs des locaux en sous-sol, ne saurait être regardée comme ayant poursuivi, dans l’intérêt général, l’un des objets définis à l’article L. 300-1 du code de l’urbanisme ; dans ces conditions, la requérante est fondée à soutenir que la commune de Montreuil n’avait pas l’intention d’acquérir réellement le bien et qu’elle a usé du droit de préemption pour faire obstacle à la vente ; dès lors la décision attaquée est entachée de détournement de pouvoir. »

     

    Commentaire : Le jugement commenté constitue une innovation particulièrement intéressante qui peut permettre de mettre fin à un certain nombre d’abus en matière de droit de préemption.

     

    Demander l’avis des domaines en préalable à une décision de préemption constitue une formalité obligatoire pour le titulaire du droit de préemption. Pour autant, rien ne l’oblige à préempter à ce prix. En conséquence, certaines communes préemptent à un prix inférieur, qu’elles savent irréaliste et inacceptable pour le vendeur. Elles opèrent ainsi, soit pour tenter de contrôler les prix sur leur territoire, soit pour empêcher un acquéreur déterminé d’acquérir le bien.

     

    Jusqu’à présent, le juge administratif pouvait annuler la décision de préemption, mais ne contrôlait pas le prix de la préemption. De son côté, le juge de l’expropriation pouvait fixer le prix du bien, mais sans porter d’appréciation sur la légalité de la décision de préemption.

     

    Le prix de la préemption, qui constitue pourtant un aspect essentiel de la décision prise par l’administration, n’était en conséquence pas contrôlé du point de vue de sa légalité, soit que les requérants ne pensent pas à soulever cet argument, soit que, du fait de l’intervention possible du juge de l’expropriation, le juge administratif répugne à le faire.

     

    Le cas d’espèce a conduit le Tribunal administratif de Montreuil à innover, alors même qu’il n’y était pas tenu, ayant déjà retenu une illégalité tenant à l’absence de projet réel.

     

    Le bien devait être vendu 850.000 euros. La commune l’a préempté à 157.000 euros, soit  le 5eme (!). Le service des domaines, tout comme le juge de l’expropriation saisi après coup, ont estimé que le prix de 850.000 euros correspondait à sa valeur.  

     

    Le jugement commenté déduit du prix de la préemption que la commune « n’avait pas l’intention d’acquérir réellement le bien et qu’elle a usé du droit de préemption pour faire obstacle à la vente ». En conséquence, il annule la décision attaquée.

     

    Il ne s’agit donc pas ici pour le juge administratif de fixer le prix du bien, à la place du juge de l’expropriation, mais de contrôler la légalité du prix fixé par l’administration.

     

    Le jugement déduit aussi du prix manifestement bas de la décision de préemption que la commune a préempté, non pour acquérir le bien, mais pour empêcher une vente, ce qui constitue un infamant détournement de pouvoir.

     

    Ce jugement est donc important. Sa généralisation à des hypothèses ou l’écart entre le prix du bien et le prix fixé par la décision de préemption n’atteint pas de tels extrêmes permettrait de porter un coup d’arrêt à des décisions de préemption illégales, qui seraient enfin annulées en sanctionnant, non un vice procédural dont elles peuvent aussi être entachées, mais l’exercice abusif du droit lui-même.

     
    Benoît Jorion

    Avocat à la Cour d’appel de Paris,

    Spécialiste en droit public

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

  • De l’exigence d’une politique globale pour préempter

    Conseil d’Etat, 6 mai 2009 Commune du Plessis-Trévise, à paraître aux tables

     

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    Extraits : « Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes de l'article L. 210-1 du code de l'urbanisme : Les droits de préemption institués par le présent titre sont exercés en vue de la réalisation, dans l'intérêt général, des actions ou opérations répondant aux objets définis à l'article L. 300-1, à l'exception de ceux visant à sauvegarder ou à mettre en valeur les espaces naturels, ou pour constituer des réserves foncières en vue de permettre la réalisation desdites actions ou opérations d'aménagement. / Toute décision de préemption doit mentionner l'objet pour lequel ce droit est exercé (...) ; qu'aux termes de l'article L. 300-1 du même code : Les actions ou opérations d'aménagement ont pour objets de mettre en oeuvre un projet urbain, une politique locale de l'habitat, d'organiser le maintien, l'extension ou l'accueil des activités économiques, de favoriser le développement des loisirs et du tourisme, de réaliser des équipements collectifs, de lutter contre l'insalubrité, de permettre le renouvellement urbain, de sauvegarder ou de mettre en valeur le patrimoine bâti ou non bâti et les espaces naturels ; qu'il résulte de ces dispositions que les collectivités titulaires du droit de préemption urbain peuvent légalement exercer ce droit, d'une part, si elles justifient, à la date à laquelle elles l'exercent, de la réalité d'un projet d'action ou d'opération d'aménagement répondant aux objets mentionnés à l'article L. 300-1 du code de l'urbanisme, alors même que les caractéristiques précises de ce projet n'auraient pas été définies à cette date et, d'autre part, si elles font apparaître la nature de ce projet dans la décision de préemption ; que si la lutte contre l'habitat insalubre entre dans les objets de l'article L. 300-1 et peut en conséquence justifier l'exercice du droit de préemption urbain, la démolition d'un bâtiment, sa dépollution ou la volonté de restructurer des parcelles ne sauraient constituer, à elles seules, dès lors qu'elles ne s'inscrivent pas dans un projet plus global relevant de l'article L. 300-1, l'une des actions ou opérations d'aménagement mentionnées par les dispositions précitées ;

      
    Considérant qu'il résulte de ce qui précède qu'en jugeant que le souci de poursuivre la restructuration parcellaire de la zone , mentionné dans l'arrêté de
    préemption attaqué, ne pouvait constituer à lui seul, eu égard à l'absence de toute précision sur les objectifs poursuivis et au faible degré d'avancement du projet envisagé sept ans auparavant, une action ou opération d'aménagement au sens de l'article L. 300-1 du code de l'urbanisme, la cour administrative d'appel de Paris, qui a porté sur les pièces du dossier une appréciation souveraine exempte de dénaturation, n'a pas commis d'erreur de droit ; qu'elle n'a pas davantage commis d'erreur de droit en jugeant que la volonté de démolir un bâtiment vétuste isolé, même si elle s'accompagne de désamiantage et de suppression de cuves en sous-sol, ne peut être regardée comme une action ou opération de lutte contre l'insalubrité au sens de l'article L. 300-1 ; »

     

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    Commentaire : Le Conseil d’Etat, saisi en cassation d’un arrêt rendu par la Cour administrative d’appel de Paris qui avait fait l’objet d’une note ici même (CAA Paris, 4 octobre 2007, Commune du Plessis-Trévise, req. n° 04PA01745), confirme l’annulation prononcée, mais avec des motifs quelques peu différents.

     

    En appel, la Cour avait jugé la préemption illégale, en dépit des trois motifs invoqués par la commune, parce que deux n’entraient pas dans les objectifs posés par l’article L. 300-1 du code de l’urbanisme et que le troisième était insuffisamment précis. La jurisprudence Commune de Meung-sur-Loire interdisait de confirmer purement et simplement cet arrêt.

     

    Aussi, le Conseil d’Etat a procédé par substitution de motifs. La commune avait invoqué la lutte contre l’habitat insalubre pour préempter un bâtiment qu’elle envisageait de démolir. Le Conseil d’Etat pose que, si la lutte contre l'habitat insalubre peut justifier l'exercice du droit de préemption urbain, « la démolition d'un bâtiment, sa dépollution ou la volonté de restructurer des parcelles ne sauraient constituer, à elles seules, dès lors qu'elles ne s'inscrivent pas dans un projet plus global relevant de l'article L. 300-1, l'une des actions ou opérations d'aménagement mentionnées par les dispositions précitées ».

     

    Le Conseil d’Etat rappelle ainsi opportunément que le projet d’action ou l’opération d’aménagement visé par l’article L. 300-1 du code de l’urbanisme doit avoir une certaine ampleur. Le Conseil d’Etat l’avait déjà posé à propos de micro aménagements urbains, notamment en matière d’aménagement de la voie publique. Une décision de préemption doit donc s’inscrire dans une politique globale et non obéir à une logique d’acquisitions de pure opportunité, au gré des mutations envisagées.

     

    Cet arrêt doit être rattaché à la jurisprudence Commune de Meung-sur-Loire, dont le considérant de principe est d’ailleurs repris. Dans cette affaire, une politique de réaménagement et de revitalisation engagée par une délibération municipale et menée dans un secteur donné avait paru pour le juge administratif pouvoir permettre d’établir le caractère suffisamment réel d’un projet.

     

    Avec ces deux arrêts, le Conseil d’Etat tend à faire prévaloir, en matière de droit de préemption, un rôle d’instrument de planification urbaine plutôt qu’un simple droit d’acquisition foncière. C’est aussi réaffirmer qu’entre la possibilité offerte par la loi de préempter pour lutter contre l’habitat insalubre et une décision de préemption ayant un tel objet, il convient d’avoir inscrit cet objectif dans une politique locale, autrement dit de pouvoir établir la réalité d’un projet.

     

     

    Benoît JORION

    Avocat à la Cour d’appel de Paris

    Spécialiste en droit public

     

  • Un projet doit être suffisamment réel pour rendre légale une préemption

    Conseil d’Etat, 7 mars 2008 Commune de Meung-sur-Loire, req. n° 288371


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    Extraits : « les collectivités titulaires du droit de préemption urbain peuvent légalement exercer ce droit, d'une part, si elles justifient, à la date à laquelle elles l'exercent, de la réalité d'un projet d'action ou d'opération d'aménagement répondant aux objets mentionnés à l'article L. 300-1 du code de l'urbanisme, alors même que les caractéristiques précises de ce projet n'auraient pas été définies à cette date, et, d'autre part, si elles font apparaître la nature de ce projet dans la décision de préemption »

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    Commentaire : L’arrêt Commune de Meung-sur-Loire constitue, en matière de contrôle des décisions de préemption, un revirement de jurisprudence aussi spectaculaire que contestable.

    Jusqu’à présent, une décision de préemption devait être justifiée par l’existence à la date à laquelle ce droit était exercé « d’un projet d’action ou d’opération d’aménagement suffisamment précis et certain » (CE Sect. 26 février 2003 M. et Mme Bour, rec. p. 59).

    Aussi, lorsqu’il ne pouvait être justifié par l’autorité titulaire du droit de préemption de cette double qualité de projet « suffisamment précis et certain », la décision était illégale et annulée comme telle. Le juge administratif censurait ainsi, à la fois, les décisions de préemption de pure opportunité et les décisions qui étaient justifiées par un projet trop imprécis.

    Certaines collectivités locales aux moyens importants avaient réussi à s’affranchir de cette contrainte en élaborant, entre la réception de la DIA et la décision de préemption, un projet suffisamment détaillé.

    Cependant, conformément aux conclusions de son commissaire du Gouvernement, le Conseil d’Etat a souhaité alléger un tel contrôle, estimant qu’il entrainait un trop grand nombre d’annulations de décisions de préemption et empêchait ainsi la réalisation de projet certains, mais encore trop mal définis.

    Une telle analyse est contestable.

    La préemption, qui permet d’évincer un acquéreur librement choisi par un vendeur, éventuellement à un prix inférieur à l’accord intervenu, est une prérogative de puissance publique qui doit rester exceptionnelle.

    L’existence du droit de préemption n’est pas contestable lorsqu’elle a pour finalité une action ou une opération d’intérêt général. Or, force est de constater que trop de titulaires du droit de préemption usent et abusent de ce droit, préemptant - illégalement - quand une vente leur apparaît financièrement avantageuse, pour empêcher un acquéreur qui ne leur convient pas ou en invoquant un projet purement virtuel. Le contrôle du caractère précis et certain du projet permettait de débusquer les abus les plus flagrants.

    Désormais, le juge administratif, avec le seul contrôle de la « réalité d’un projet », risque de se contenter d’une intention, plus ou moins vague, manifestée de façon hypothétique, sans que l’autorité administrative n’ait beaucoup développé son projet. Le contrôle des caractéristiques précises d’un projet, dont l’exigence est désormais abandonnée, permettait pourtant de s’assurer de sa réalité.

    Il est donc regrettable, en dépit des premiers commentaires sur le nécessaire caractère rigoureux du contrôle de la réalité des projets, que le Conseil d’Etat, à rebours de toute son histoire jurisprudentielle, allège son contrôle sur certains actes de l’administration qui se trouvent, de surcroît, être de ceux qui limitent le plus le droit de propriété.

    Cette jurisprudence Commune de Meung-sur-Loire a été très vite appliquée par les juridictions du fond et réitérée par le Conseil d’Etat, reprenant le considérant de principe de cet arrêt. En conséquence, des décisions rendues antérieurement sur le fondement de l’ancienne jurisprudence ont parfois été annulées. Toutefois, on note déjà aussi plusieurs arrêts postérieurs qui censurent des décisions de préemption au motif que la réalité du projet n’était pas établie. C’est le signe d’un contrôle allégé, mais maintenu, sur le motif des décisions de préemption.

    Benoît JORION
    Avocat à la Cour d’appel de Paris
    Spécialiste en droit public

  • Un aménagement doit être d’une importance suffisante pour justifier une préemption

    Conseil d’Etat, 3 décembre 2007 Commune de Mondragon, req. n° 295779

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    Extraits : « Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes de l'article L. 210-1 du code de l'urbanisme : « Les droits de préemption institués par le présent titre sont exercés en vue de la réalisation, dans l'intérêt général, des actions ou opérations répondant aux objectifs définis à l'article L. 300-1 (…) » ; qu'aux termes de l'article L. 300-1 du même code : « Les actions ou opérations d'aménagement ont pour objets de mettre en oeuvre un projet urbain, une politique locale de l'habitat, d'organiser le maintien, l'extension ou l'accueil des activités économiques, de favoriser le développement des loisirs et du tourisme, de réaliser des équipements collectifs, de lutter contre l'insalubrité, de permettre le renouvellement urbain, de sauvegarder ou de mettre en valeur le patrimoine bâti ou non bâti et les espaces naturels (…) » ; qu'il résulte de ces dispositions que des travaux destinés à améliorer la visibilité d'un carrefour ne sont pas en eux-mêmes de nature à caractériser une action ou une opération d'aménagement au sens de l'article L. 300-1 du code de l'urbanisme ;

    Considérant qu'aux termes de la décision du 4 octobre 2001, la préemption de l'immeuble de M. A permettra, du fait de sa démolition, l'amélioration de la visibilité du débouché de la rue de la Paix sur le chemin départemental n° 26 ; que, nonobstant l'intérêt général qui s'attache à la réalisation des travaux projetés en vue de l'amélioration de la sécurité des usagers, ces travaux ne présentent pas, compte tenu de leur objet et de leur consistance, le caractère d'une opération d'aménagement au sens de l'article L. 300-1 du code de l'urbanisme ; qu'il ne ressort pas des pièces du dossier qu'ils s'intègreraient dans une telle opération ;
    »

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    Commentaire : Les articles L. 210-1 et L. 300-1 du code de l’urbanisme permettent de préempter pour mener à bien des « actions ou opérations d’aménagement » qui ont notamment « pour objets de mettre en œuvre un projet urbain ».

    Cependant, le Conseil d’Etat vient rappeler avec l’arrêt Commune de Mondragon que le fait de recourir à la préemption en vue de la réalisation d’un projet urbain exige que ce projet soit d’une certaine importance.
    Il a ainsi déjà été jugé que la seule protection d’un site (CAA Nancy 23 octobre 2003, construct-urb. 2004 comm. 39), de simples travaux de sécurité sur une voie publique (CAA Paris 28 juin 1994 Commune de Meudon, req. n° 93PA00388), ou le simple réaménagement de la voirie par redressement d’un virage (CE 30 juillet 1997 Ville d’Anger, tab. p. 1122) ne justifiaient pas l’exercice du droit de préemption.

    De même, dans le cas d’espèce, le Conseil d’Etat estime que des travaux destinés à améliorer la visibilité d'un carrefour ne permettent pas de recourir à la préemption. Il fait à cette occasion une intéressante distinction entre l’intérêt général qui s’attache à cette opération et l’exercice du droit de préemption. Le caractère d’intérêt général d’une opération ne permet donc pas de mener à bien n’importe quelle opération de préemption. De même, de micro aménagements ne justifient pas légalement le recours au droit de préemption.

    Benoît JORION
    Avocat à la Cour d’appel de Paris
    Spécialiste en droit public