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Les déclarations d'intention d'aliéner (D.I.A.)

  • Absence d’incidence d’un vice affectant la DIA sur la légalité de la décision de préemption

    Absence d’incidence d’un vice affectant la déclaration d’intention d’aliéner sur la légalité de la décision de préemption

    (CE, 1er juin 2018, région Occitanie, req. n° 415976).

    La cession d’un bien immobilier entre un département et une région a fait l’objet d’une décision de préemption prise par un établissement public foncier sur délégation de la commune siège du bien. Dans un tel contexte public assez inhabituel, le juge des référés avait été sensible à la critique dirigée contre la déclaration d’intention d’aliéner. Il a en effet été soutenu que l’absence de délibération du Conseil départemental vendeur rendait illégale la déclaration d’intention d’aliéner et donc était de nature à créer un doute sérieux conduisant à la suspension de la décision de préemption.

    Le Conseil d’Etat annule l’ordonnance déférée en rappelant à juste titre, après avoir cité l'article L. 213-2 du code de l'urbanisme selon lequel  « Toute aliénation visée à l'article L. 213-1 est subordonnée, à peine de nullité, à une déclaration préalable faite par le propriétaire à la mairie de la commune où se trouve situé le bien » que « la circonstance que la déclaration d'intention d'aliéner prévue par ces dispositions serait entachée de vices est, par elle-même, et hors le cas de fraude, non invoqué dans le présent litige, sans incidence sur la légalité de la décision de préemption prise à la suite de cette déclaration » (§ 4). Le Conseil d’Etat marque ainsi ses distances avec une jurisprudence sensible au caractère irrégulier de la DIA (TA Lyon, 29 septembre 1999, Mme Laurent, DA 2000 n° 48). En l’espèce, une délibération pour déposer une telle déclaration, et non pour vendre le bien, était inutile. Cependant, en cas de préemption au prix, le vendeur ne peut renoncer à vendre, ce qui, dans le cas d’une personne publique, pour laquelle une aliénation est soumise à délibération de son organe délibérant, pose difficulté.

    A noter que, dans cette affaire, le Conseil d’Etat suspend néanmoins la décision de préemption au moyen tiré de ce que « l'appartenance au moins partielle du bien, anciennement affecté au service public de la gendarmerie nationale, au domaine public ferait obstacle, au regard des principes énoncés à l'article L. 3111-1 du code général de la propriété des personnes publiques, à ce qu'il soit préempté paraît, en l'état de l'instruction, propre à créer un doute sérieux quant à la légalité de la décision litigieuse ». L’article L. 3111-1 pose le principe d’inaliénabilité et d’imprescriptibilité des biens appartenant au domaine public. La vente d’un tel bien, sans déclassement aurait été illégale. L’illégalité est étendue à la préemption du bien. Pour échapper au droit de préemption, il convient donc de purger ce droit avant le déclassement, puis de vendre après déclassement.

    Benoît Jorion

  • Contenu de la déclaration d’intention d’aliéner. Absence d’obligation du vendeur d’informer de l’exploitation antérieure d’une installation soumise à autorisation (solution antérieure à la loi ALUR)

    (Civ. 3eme, 15 septembre 2016, SADEV 94, pourv. n° 15-21916, publié au bulletin).

    L’article L. 213-2 du code de l’urbanisme, dans sa rédaction antérieure à la loi ALUR du 24 mars 2014, prévoyait que la déclaration d’intention d’aliéner comportait « obligatoirement l’indication du prix et des conditions de l’aliénation projetée ».

    En l’espèce, un titulaire du droit de préemption avait refusé de payer le prix de la vente d’un bien préempté, tel que fixé par le juge de l’expropriation, après avoir découvert que le terrain avait accueilli une installation classée, en invoquant l’article L. 514-20 du code de l’environnement, dans sa rédaction alors en vigueur, selon laquelle « lorsqu’une installation soumises à autorisation a été exploitée sur un terrain, le vendeur de ce terrain est tenu d’en informer par écrit l’acheteur ».

    La Cour de cassation, distinguant titulaire du droit de préemption et acheteur, a retenu que, à l’époque, « le vendeur n’avait pas l’obligation formelle d’informer le titulaire du droit de préemption, dans la déclaration d’intention d’aliéner, qu’une installation soumise à autorisation ou à enregistrement avait été antérieurement exploitée sur le terrain ». Le titulaire du droit de préemption ne pouvait donc se prévaloir de l’article L. 514-20 du code de l’environnement (Civ. 3eme, 15 septembre 2016, SADEV 94, pourv. n° 15-21916, publié au bulletin).

    Benoît Jorion

  • Lot de copropriété. Absence d’obligation de dépôt d’une déclaration d’intention d’aliéner lorsque seul un état descriptif de division est publié au fichier immobilier depuis plus de dix ans

    (Civ. 3, 24 mars 2016, commune de Gourdon, pourv. n° 15-10215, publié au bulletin).

    Une commune avait poursuivi la nullité d’une vente pour un bien, inclus dans le périmètre du droit de préemption « simple », et qui n’avait pas fait l’objet d’une déclaration d’intention d’aliéner. L’article L. 211-4 du code de l’urbanisme pose que « le droit de préemption urbain n’est pas applicable à l’aliénation d’un ou plusieurs lots (…) compris dans un bâtiment effectivement soumis à la date du projet d’aliénation au régime de la copropriété (…) depuis 10 ans au moins (…), la date de publication du règlement de copropriété au fichier immobilier constituant le point de départ de ce délai. »

    En l’espèce, seul l’état descriptif de division avait été publié au fichier immobilier. En revanche, l’immeuble n’avait pas fait l’objet d’un règlement de propriété. L’arrêt attaqué en avait déduit que les conditions de l’exemption du droit de préemption pour les lots de copropriété n’étaient pas réunies, ce qui devait entrainer la nullité de la vente, faute de dépôt d’une déclaration d’intention d’aliéner.

    Pour la Cour de cassation, en revanche, la publication de l’état descriptif de division depuis plus de dix ans suffit à écarter l’application du droit de préemption.

    Benoît Jorion

  • La loi ALUR et le droit de préemption (I)

    La loi n° 2014-366 du 24 mars 2004 pour l’accès au logement et un urbanisme rénové, dite loi ALUR, restera sans doute plus comme une grosse loi (177 articles, 116 pages au Journal officiel) que comme une grande loi.

    AN 1.jpgLa loi ALUR modifie de façon importante le droit de préemption urbain. Elle ne le bouleverse pas, contrairement à certains projets antérieurs qui avaient envisagé peu ou prou de supprimer dans certain cas l’exigence d’un intérêt public. Si formellement, seuls les articles 149 et 150 de la loi sont consacrés à la réforme du droit de préemption, ces articles modifient ou créent de nombreux articles du code de l’urbanisme consacrés au droit de préemption urbain.

    Les principales modifications introduites par la loi seront présentées en trois notes successives. Cette loi, en premier lieu, institue le droit de préemption sur des biens qui en étaient jusque-là exonérés, ou renforce la possibilité de préempter pour d’autres.

    Les aliénations à titre gratuit

    Le premier accroissement du champ d’application du droit de préemption urbain porte sur les aliénations à titre gratuit. Ces dernières étaient jusque-là exclues du champ d’application du droit de préemption. Ce n’est plus le  cas. Le nouvel article L. 213-1-1 soumet au droit de préemption les immeubles ou ensembles de droits sociaux lorsqu'ils font l'objet d'une aliénation à titre gratuit.

    Une exception est cependant concédée lorsque l’aliénation est effectuée entre personnes mariées, pacsées ou ayant des liens de parenté jusqu’au sixième degré.

    La difficulté est que, bien entendu, une préemption au prix figurant dans la DIA, ou plutôt d’ailleurs à l’absence de prix n’était pas envisageable, sauf à constituer une spoliation.

    La loi a donc admis que la DIA ne mentionne pas le prix. Elle a indiqué aussi que, par dérogation, « la décision du titulaire du droit de préemption d'acquérir le bien indique l'estimation de celui-ci par les services fiscaux ». Une telle estimation devrait continuer à ne pas lier le titulaire du droit de préemption, toujours libre de préempter au prix qu’il souhaite. La jurisprudence devra préciser quelle portée il faudra donner à l’absence dans la décision de préemption de cette estimation.

    Les parts de SCI

    Le deuxième accroissement porte sur les parts de SCI. Depuis la loi ENEL du 13 juillet 2006 qui avait permis de préempter le bien meuble que constituent des parts de SCI, une telle possibilité de préemption n’a cessé de s’accroitre. En dernier lieu, la loi ALUR permet de préempter non plus seulement la totalité des parts d’une SCI dont le patrimoine est constitué d’une unité foncière, non plus seulement la majorité des parts d’une telle SCI, mais aussi « les cessions conduisant un acquéreur à détenir la majorité des parts de ladite société, lorsque le patrimoine de cette société est constitué par une unité foncière, bâtie ou non, dont la cession serait soumise au droit de préemption ». (art. L. 213-1).

    Sénat 3.jpgA noter qu’une telle préemption est désormais possible alors même que seul le droit de préemption simple a été institué. A noter aussi que les SCI familiales restent en dehors du droit de préemption.

    Une telle réforme permettra au titulaire du droit de préemption de préempter quelques parts de SCI, ce qui ne sera pas pour lui d’un grand intérêt pratique.

    Les immeubles cédés par les organismes HLM

    Le troisième accroissement porte sur les immeubles cédés par des organismes d’habitation à loyer modéré. Jusque-là exclus du droit de préemption urbain, ils ne le sont plus (art. 213-1)

    Les immeubles bâtis depuis plus de quatre ans

    Le quatrième accroissement porte sur les immeubles bâtis. Ils étaient exonérés du droit de préemption pendant une durée de dix ans à compter de leur achèvement. Ils ne le sont plus que pendant une durée de quatre ans (art. L. 211-4).

    Les pouvoirs du préfet

    Un cinquième accroissement, de nature différente, porte sur les moyens d’actions du préfet dans les communes ayant un pourcentage de logements sociaux insuffisants. Le droit de préemption était déjà en partie transféré au préfet, qui pouvait même instituer ou rétablir le droit de préemption dans la commune. Désormais, le préfet peut rétablir ou instituer un droit de préemption urbain renforcé (art. L. 210-1). Il peut également désormais aussi préempter des parts de SCI, des droits indivis, des immeubles cédés par des organismes HLM… (art. L. 213-1).

    Benoît JORION

    Avocat à la Cour d’appel de Paris

    Spécialiste en droit public

  • Une DIA incomplète ou erronée ne rend pas illégale une décision de préemption

    Conseil d’Etat, 12 février 2014, Société Ham Investissement c/ Commune de Cergy, req. n° 361741, à paraître aux tables

    Salle du contentieux CE.jpg

     

    Extraits : « le titulaire du droit de préemption dispose, pour exercer ce droit, d'un délai de deux mois qui court à compter de la réception de la déclaration d'intention d'aliéner et que ce délai, qui constitue une garantie pour le propriétaire, ne peut être prorogé par une demande de précisions complémentaires que si la déclaration initiale est incomplète ou entachée d'une erreur substantielle portant sur la consistance du bien objet de la vente, son prix ou les conditions de son aliénation ; qu'en revanche, la circonstance que la déclaration d'intention d'aliéner serait entachée de tels vices est, par elle-même, et hors le cas de fraude, non invoqué dans le présent litige, sans incidence sur la légalité de la décision de préemption prise à la suite de cette déclaration ; que les dispositions précitées de l'article L. 213-2 du code de l'urbanisme ne font cependant pas obstacle à ce que le juge judiciaire prenne en considération, au titre de son office, pour apprécier la validité de la vente résultant d'une décision légale de préemption, les indications figurant dans la déclaration d'intention d'aliéner à l'origine de cette décision ».

     

    Cergy.jpgCommentaire : Une décision de préemption est un acte administratif qui suit un acte de droit privé, la déclaration d’intention d’aliéner (DIA), et qui peut être suivie d’un autre acte de droit privé, le contrat de vente du bien.

    La question des conséquences à tirer de l’annulation d’une décision de préemption, sur la vente qui a pu être passée ensuite, restent encore aujourd’hui en débat.

    Cependant, avec l’arrêt Société Ham Investissement, le Conseil d’Etat vient de trancher la question des effets d’une déclaration d’intention d’aliéner, incomplète ou erronée, sur la légalité de la décision de préemption.

    Le contentieux était atypique. En effet, généralement, c’est le préempté et/ou l’acquéreur évincé qui, pour tenter de faire annuler la décision de préemption, invoquent l’erreur commise dans la rédaction de la déclaration d’intention d’aliéner. En l’espèce, c’est la commune, titulaire du droit de préemption, qui, après avoir préempté, a refusé de signer la vente, conduisant le préempté à saisir le juge judiciaire pour qu’il constate la  vente. Le juge administratif a alors été saisi, sur renvoi du juge judiciaire, afin d’apprécier la légalité de la décision de préemption. Peut-être pour ne pas se déjuger, la commune s’est contentée d’invoquer devant le tribunal administratif puis devant le Conseil d’Etat, pour démontrer l’illégalité de sa propre décision de préemption, des vices entachant la déclaration d’intention d’aliéner.

    Le Conseil d’Etat était donc saisi de la question de principe des conséquences, sur la légalité d’une décision de préemption, des erreurs ou des omissions entachant une déclaration d’intention d’aliéner.

    Il avait déjà admis que, par exception au principe selon lequel le délai de deux mois laissé pour préempter constitue une garantie pour le propriétaire, ce délai pouvait être prorogé par une demande de précisions complémentaires du titulaire du droit de préemption «si la déclaration initiale était incomplète ou entachée d'une erreur substantielle portant sur la consistance du bien objet de la vente, son prix ou les conditions de son aliénation »  (CE, 24 juillet 2009, Société Finadev, req. n° 316158, publié aux tables).

    En revanche quand une décision de préemption était adoptée et qu’elle était contestée en excipant du caractère erroné ou incomplet de la déclaration d’intention d’aliéner, les juridictions du fond s’étaient souvent montrées réceptives à cette argumentation (par exemple, CAA Nantes, 31 octobre 2005, Commune de Noirmoutier-en-l’île, req. n° 05NT01658).

    Le Conseil d’Etat rompt avec cette jurisprudence. Sous la réserve d’une fraude, toujours difficile à démontrer, il pose que le fait qu’une déclaration d’intention d’aliéner soit incomplète ou entachée d'une erreur substantielle, tenant à la consistance du bien, au prix ou aux conditions de vente, est sans incidence sur la légalité de la décision de préemption.

    Une telle position doit être approuvée. D’une part, elle évite de faire dépendre la légalité d’un acte administratif d’un acte de pur droit privé, le Conseil d’Etat renvoyant au juge judiciaire le soin de tenir éventuellement compte des indications contenues dans la DIA. D’autre part, elle constitue le prolongement de la position récente du Conseil d’Etat (CE, 26 juillet 2011, SCI du Belvédère, req. n°324767) considérant que le préempté ne pouvait faire valoir sa propre erreur lors de la rédaction de la DIA (erreur sur le prix) pour obtenir l'annulation de la décision de préemption.

    Il appartient donc, tant au rédacteur de la déclaration d’intention d’aliéner, qu’au titulaire du droit de préemption, d’être vigilant sur le délai de deux mois, son expiration marquant le terme des débats possible autour de son caractère complet et exact.

    Benoît JORION

    Avocat à la Cour d’appel de Paris

    Spécialiste en droit public