La loi ALUR et le droit de préemption (I)
La loi n° 2014-366 du 24 mars 2004 pour l’accès au logement et un urbanisme rénové, dite loi ALUR, restera sans doute plus comme une grosse loi (177 articles, 116 pages au Journal officiel) que comme une grande loi.
La loi ALUR modifie de façon importante le droit de préemption urbain. Elle ne le bouleverse pas, contrairement à certains projets antérieurs qui avaient envisagé peu ou prou de supprimer dans certain cas l’exigence d’un intérêt public. Si formellement, seuls les articles 149 et 150 de la loi sont consacrés à la réforme du droit de préemption, ces articles modifient ou créent de nombreux articles du code de l’urbanisme consacrés au droit de préemption urbain.
Les principales modifications introduites par la loi seront présentées en trois notes successives. Cette loi, en premier lieu, institue le droit de préemption sur des biens qui en étaient jusque-là exonérés, ou renforce la possibilité de préempter pour d’autres.
Les aliénations à titre gratuit
Le premier accroissement du champ d’application du droit de préemption urbain porte sur les aliénations à titre gratuit. Ces dernières étaient jusque-là exclues du champ d’application du droit de préemption. Ce n’est plus le cas. Le nouvel article L. 213-1-1 soumet au droit de préemption les immeubles ou ensembles de droits sociaux lorsqu'ils font l'objet d'une aliénation à titre gratuit.
Une exception est cependant concédée lorsque l’aliénation est effectuée entre personnes mariées, pacsées ou ayant des liens de parenté jusqu’au sixième degré.
La difficulté est que, bien entendu, une préemption au prix figurant dans la DIA, ou plutôt d’ailleurs à l’absence de prix n’était pas envisageable, sauf à constituer une spoliation.
La loi a donc admis que la DIA ne mentionne pas le prix. Elle a indiqué aussi que, par dérogation, « la décision du titulaire du droit de préemption d'acquérir le bien indique l'estimation de celui-ci par les services fiscaux ». Une telle estimation devrait continuer à ne pas lier le titulaire du droit de préemption, toujours libre de préempter au prix qu’il souhaite. La jurisprudence devra préciser quelle portée il faudra donner à l’absence dans la décision de préemption de cette estimation.
Les parts de SCI
Le deuxième accroissement porte sur les parts de SCI. Depuis la loi ENEL du 13 juillet 2006 qui avait permis de préempter le bien meuble que constituent des parts de SCI, une telle possibilité de préemption n’a cessé de s’accroitre. En dernier lieu, la loi ALUR permet de préempter non plus seulement la totalité des parts d’une SCI dont le patrimoine est constitué d’une unité foncière, non plus seulement la majorité des parts d’une telle SCI, mais aussi « les cessions conduisant un acquéreur à détenir la majorité des parts de ladite société, lorsque le patrimoine de cette société est constitué par une unité foncière, bâtie ou non, dont la cession serait soumise au droit de préemption ». (art. L. 213-1).
A noter qu’une telle préemption est désormais possible alors même que seul le droit de préemption simple a été institué. A noter aussi que les SCI familiales restent en dehors du droit de préemption.
Une telle réforme permettra au titulaire du droit de préemption de préempter quelques parts de SCI, ce qui ne sera pas pour lui d’un grand intérêt pratique.
Les immeubles cédés par les organismes HLM
Le troisième accroissement porte sur les immeubles cédés par des organismes d’habitation à loyer modéré. Jusque-là exclus du droit de préemption urbain, ils ne le sont plus (art. 213-1)
Les immeubles bâtis depuis plus de quatre ans
Le quatrième accroissement porte sur les immeubles bâtis. Ils étaient exonérés du droit de préemption pendant une durée de dix ans à compter de leur achèvement. Ils ne le sont plus que pendant une durée de quatre ans (art. L. 211-4).
Les pouvoirs du préfet
Un cinquième accroissement, de nature différente, porte sur les moyens d’actions du préfet dans les communes ayant un pourcentage de logements sociaux insuffisants. Le droit de préemption était déjà en partie transféré au préfet, qui pouvait même instituer ou rétablir le droit de préemption dans la commune. Désormais, le préfet peut rétablir ou instituer un droit de préemption urbain renforcé (art. L. 210-1). Il peut également désormais aussi préempter des parts de SCI, des droits indivis, des immeubles cédés par des organismes HLM… (art. L. 213-1).
Benoît JORION
Avocat à la Cour d’appel de Paris
Spécialiste en droit public