préemption

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La procédure de préemption - Page 5

  • Le droit à commission de l'intermédiaire

    Cour de cassation, 1ere chambre civile, 24 janvier 2006, Société Atlan’Immo, req. n° 08-18746

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    Extrait : « Vu l'article 6 de la loi n° 70-9 du 2 janvier 1970, ensemble l'article 73 du décret n° 72-678 du 20 juillet 1972 ;

    Attendu qu'il résulte de ces textes que la substitution du préempteur à l'acquéreur ne porte pas atteinte au droit à commission de l'agent immobilier, tel qu'il est conventionnellement prévu, peu important à cet égard que le prix d'acquisition du bien préempté soit inférieur à celui qui avait été initialement convenu entre vendeur et acquéreur ;

    Attendu que la société Atlant'Immo (l'agent immobilier), chargée par les héritiers de Mme X... de vendre un bien, avait trouvé des acquéreurs au prix de 400 000 francs, lesquels s'étaient engagés à lui payer une commission de 34 000 francs ; que le District de l'agglomération nantaise (le district) ayant fait connaître au notaire chargé d'établir l'acte de vente son intention d'exercer son droit de préemption au prix de 330 000 francs, l'immeuble lui a été vendu à ce prix ; que l'agent immobilier ayant assigné le district en paiement de sa commission, l'arrêt attaqué a rejeté sa demande ;

    Attendu que pour considérer que le district ne devait pas payer de commission, la cour d'appel a retenu que la vente ne s'était pas formée par substitution d'acquéreur mais à la suite d'un nouvel accord "exclusif de tout lien de droit avec l'acte pour lequel l'agent immobilier avait prêté son entremise" puisqu'elle était intervenue, conformément à l'offre notifiée par le district acceptée par les vendeurs, au prix de 330 000 francs "hors taxes charges ou indemnités", à des conditions de prix inférieures à celles du compromis ;

    Qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé les textes susvisés.
    »

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    Commentaire : Outre l’acheteur et le vendeur, l’exercice du droit de préemption peut faire un troisième malheureux : l’intermédiaire (agence immobilière, notaire…) que l’absence de conclusion de la transaction peut priver de sa commission. Il arrive également qu’une décision de préemption réduise, voire supprime, la commission qui avait été fixée au moment du compromis de vente.

    En l’espèce, une préemption avait été exercée à un prix inférieur au compromis de vente. La vente a eu lieu à ce prix inférieur et l’autorité préemptrice a refusé de verser sa commission à l’intermédiaire. En appel, la Cour d’appel de Rennes a admis ce refus, considérant que la vente après préemption constituait un nouvel accord. La Cour de cassation a cassé avec beaucoup de fermeté cet arrêt en posant le principe que « la substitution du préempteur à l'acquéreur ne porte pas atteinte au droit à commission de l'agent immobilier, tel qu'il est conventionnellement prévu ». La Cour précise même qu’il importe peu que « le prix d'acquisition du bien préempté soit inférieur à celui qui avait été initialement convenu entre vendeur et acquéreur ».

    Ainsi, que la préemption ait lieu au prix initialement prévu ou à un prix inférieur, la commission est due à l’intermédiaire. Le paradoxe est donc que l’intermédiaire immobilier est mieux protégé que le vendeur, qui lui peut voir le prix de vente diminué. Encore faut-il toutefois que la vente ait effectivement lieu, ce qui n’est pas le cas si le vendeur renonce à la vente.

    Enfin, on peut signaler une incertitude. Il ne semble pas qu’il ait encore été jugé par le juge administratif si l’oubli ou la diminution de la commission de l’intermédiaire dans la décision de préemption entachait cette dernière d’illégalité.

    Benoît Jorion
    Avocat à la Cour d’appel de Paris,
    Spécialiste en droit public

  • Le délai pour préempter après adjudication

    Cour administrative d’appel de Paris, 7 juin 2007 Ville de Paris, req. n° 06PA04239. Sera publié au recueil.

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    Extrait : « qu'aux termes de l'article R. 213-15 du code de l’urbanisme : « Les ventes soumises aux dispositions de la présente sous-section doivent être précédées d'une déclaration du greffier de la juridiction ou du notaire chargé de procéder à la vente faisant connaître la date et les modalités de la vente. Cette déclaration est établie dans les formes prescrites par l'arrêté prévu par l'article R. 213-15 / Elle est adressée au maire trente jours au moins avant la date fixée pour la vente par lettre recommandée avec demande d'avis de réception / Le titulaire (du droit de préemption) dispose d'un délai de trente jours à compter de l'adjudication pour informer le greffier ou le notaire de sa décision de se substituer à l'adjudicataire. La substitution ne peut intervenir qu'au prix de la dernière enchère ou de la surenchère. La décision de se substituer à l'adjudicataire est notifiée au greffier ou au notaire par lettre recommandée avec demande d'avis de réception. Copie de cette décision est annexée au jugement ou à l'acte d'adjudication et publiée au bureau des hypothèques en même temps que celui-ci » ;

    (…) Considérant, d'autre part, que la VILLE DE PARIS, qui a notifié le 21 octobre 2004 au greffe du Tribunal de grande instance de Paris sa décision de préemption du 20 octobre 2004 soutient que, contrairement à ce qu'a jugé le Tribunal administratif de Paris, elle a respecté le délai de trente jours prévu à l'article R. 213-15 du code de l'urbanisme ; que, d'une part, si le courrier par lequel la VILLE DE PARIS a informé le greffe du Tribunal de grande instance de son intention de préempter l'immeuble dont il s'agit ne constitue pas une décision faisant grief cette circonstance ne fait pas obstacle à ce que le caractère tardif de cette information soit invoqué au soutien de conclusions tendant à l'annulation de la décision de préemption prise par la Ville ; qu'il ressort d'autre part des pièces du dossier que l'adjudication de l'immeuble sis 20 rue du Faubourg-Poissonnière a été prononcée par un jugement du 20 septembre 2004 du Tribunal de grande instance de Paris au profit du mandataire de la société Alenson ; que cette date constitue le point de départ du délai de préemption qui était ouvert à la VILLE DE PARIS, nonobstant la circonstance que l'identité de l'acquéreur n'a été révélée que par la déclaration d'adjudicataire faite le 23 septembre 2004 ; qu'enfin ce délai, qui n'est pas un délai de procédure, a pris fin le 20 octobre 2004 ; que c'est dès lors à juste titre que le Tribunal administratif de Paris a estimé que les dispositions précitées de l'article R. 213-15 n'avait pas été respectées ; que la méconnaissance de cette formalité, à laquelle ne saurait pallier la notification de la décision au titulaire de l'adjudication dans le délai indiqué, impliquait que la VILLE DE PARIS devait être réputée comme ayant renoncé à son droit de préemption ; que, dès lors, la déclaration de préemption du 20 octobre 2004 est entachée d'illégalité. »


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    Commentaire : La vente d’un bien par adjudication n’interdit pas pour autant à une commune de préempter. Simplement, le processus de vente étant différent, l’article R. 231-15 du code de l’urbanisme énonce un certain nombre de particularismes. Ainsi, c’est le greffier de la juridiction ou le notaire chargé de procéder à la vente qui doit faire connaître la date et les modalités de la vente. De même, autre différence notable liée au processus d’adjudication, la substitution par la commune à l’acquéreur ne peut intervenir qu'au prix de la dernière enchère ou de la surenchère, et non à un prix inférieur.

    Enfin, l’article R. 213-15 précise que le titulaire du droit de préemption « dispose d'un délai de trente jours à compter de l'adjudication pour informer le greffier ou le notaire de sa décision de se substituer à l'adjudicataire ». Ainsi, le délai de préemption est raccourci : un mois au lieu de deux mois.

    Toutefois, la question se pose de la même façon de savoir si ce délai est un délai pour prendre la décision ou pour notifier la décision. Et la réponse est la même : De même que, dans le droit commun de la préemption, la décision doit être notifiée au vendeur dans un délai de deux mois (CE, 16 juin 1993, Commune d’Étampes, req. n° 135411), la décision de préemption après adjudication doit être notifiée à l’adjudicataire dans le délai d’un mois, et non simplement adoptée dans ce délai.

    Ainsi, en l’espèce, l’adjudication a été prononcée le 20 septembre et la Ville de Paris a décidé de préempter le bien le 20 octobre. Mais elle n’a notifié cette décision que le 21 octobre. En conséquence, la Cour a estimé qu’il y a eu méconnaissance de la formalité prévue par l’article R. 213-15 du code de l’urbanisme. Pour la Cour, la ville de Paris est réputée avoir renoncé à son droit de préemption et sa décision de préemption est entachée d'illégalité. Ainsi, le fait même que la décision de préemption ait été prise dans le délai d’un mois est sans conséquence (A comparer à CE 29 décembre 1993 Lebouc, req. n° 112421).

    La Cour aligne donc la procédure de préemption en cas d’adjudication sur les règles de droit commun. La rareté des décisions juridictionnelles en la matière explique la publication de l’arrêt au recueil. Signalons pour terminer que si le fait d’annuler la décision de préemption notifiée hors délai est conforme à la jurisprudence précitée et aux termes même du code de l’urbanisme, cela n’en traduit pas moins un certain illogisme juridique. En effet, la notification irrégulière d’une décision administrative constitue traditionnellement un moyen inopérant pour critiquer la légalité de cette décision.

    Benoît jorion
    Avocat à la Cour d'appel de Paris,
    spécialiste en droit public

  • La création des zones de préemption

    Conseil d’Etat 6 juillet 2007 M. Jean-Christophe A. c/ Commune de Canari, req. n° 300384

    Extrait : "Considérant, en premier lieu, d'une part, que les dispositions de la loi du 11 juillet 1979 n'imposent pas aux communes dotées d'un plan d'occupation des sols rendu public ou d'un plan local d'urbanisme approuvé de motiver l'acte, qui n'a pas le caractère d'un acte individuel, par lequel elles instituent sur leur territoire le droit de préemption urbain en application de l'article L. 211-1 du code de l'urbanisme ; que, d'autre part, aucune autre disposition législative ou réglementaire n'impose une telle obligation de motivation, en dehors du cas prévu à l'article L. 211-4 de ce code ; que, par suite, le moyen tiré du défaut de motivation de la délibération litigieuse, qui n'est pas prise en application de l'article L. 211-4 du code de l'urbanisme, ne peut qu'être écarté ;

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    Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article L. 210-1 du code de l'urbanisme : « Les droits de préemption institués par le présent titre sont exercés en vue de la réalisation, dans l'intérêt général, des actions ou opérations répondant aux objets définis à l'article L. 300-1, à l'exception de ceux visant à sauvegarder ou à mettre en valeur les espaces naturels, ou pour constituer des réserves foncières en vue de permettre la réalisation desdites actions ou opérations d'aménagement ( ) » ; qu'il ressort des énonciations de la délibération litigieuse que celle-ci a été prise pour permettre à la commune de « mener une politique foncière en vue de la réalisation d'opérations d'aménagement par l'acquisition de biens à l'occasion de mutations » ; que si le requérant soutient que la délibération litigieuse a été prise « au seul motif que cette possibilité est offerte aux communes par l'article L. 211-1 du code de l'urbanisme », il ne ressort pas des pièces du dossier que la commune, qui n'avait pas à justifier, à ce stade de la procédure, d'un projet d'aménagement, aurait, en faisant usage de la possibilité qui lui était ouverte par la loi d'instituer le droit de préemption urbain, poursuivi un but étranger à celui en vue duquel ce droit doit être institué."


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    Commentaire : Pour qu'une commune puisse exercer son droit de préemption, ce dernier doit au préalable avoir été institué sur une partie ou sur la totalité de son territoire par délibération de son conseil municipal.

    Le contrôle très limité pratiqué par le juge administratif sur une telle décision contraste avec le contrôle exercé sur les décisions individuelles de préemption d'un bien.

    L'arrêt commenté affirme d'abord qu'une telle délibération n'a pas à être motivée, ce qui est normal en raison tant de son absence de caractère individuel que de l’absence d’obligation textuelle. Seul le droit de préemption renforcé prévu par le dernier alinéa de l'article L. 211-4 du code de l'urbanisme impose une délibération motivée.

    L’arrêt commenté admet ensuite que la délibération qui institue le droit de préemption se contente d’une formule très générale, telle que le fait de « mener une politique foncière en vue de la réalisation d'opérations d'aménagement par l'acquisition de biens à l'occasion de mutations », ce qui constitue quasiment la définition même du droit de préemption. Il affirme que la commune n’avait pas, à ce stade, à justifier d’un projet d’aménagement.

    Les communes qui instituent le droit de préemption sur leur territoire ont d’autant plus intérêt à rester évasives sur leurs projets que les exemples d’annulation de telles délibérations portent sur des hypothèses où, au regard des pièces du dossier, des projets manifestement irréalistes avaient été invoqués (CE 14 mars 1986 Ministre de l’Urbanisme et du logement, tab. p. 757) ou bien sur des hypothèses où des objectifs inadéquats étaient poursuivis (CE 3 mars 1995 Association syndicale du domaine Ilbarritz-Mouriscot, rec. p. 120).

    L’absence d’exigence d’un projet précis au moment ou le droit de préemption est institué explique que tant de communes dotées d’un POS ou d’un PLU s’en soient dotées, éventuellement sur la quasi totalité de leurs zones urbaines. Cela leur permet, à peu de frais, d’être informées des mutations sur leur territoire et, avec cette fois ci un projet précis, de préempter en fonction des opportunités.

    Benoît Jorion
    Avocat à la Cour d’appel de Paris,
    Spécialiste en droit public

  • L'avis du service des domaines

    Conseil d’Etat 18 juin 2007 M. Philippe A. c/ Commune d’Antibes, req. n° 300320

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    Considérant, d'autre part, qu'aux termes de l'article L. 2132 du code de l'urbanisme : « Toute aliénation ( ) est subordonnée, à peine de nullité, à une déclaration préalable par le propriétaire à la mairie de la commune où se trouve situé le bien. /(...) Le silence du titulaire du droit de préemption pendant deux mois à compter de la réception de la déclaration ( ) vaut renonciation à l'exercice du droit de préemption (...) » ; qu'aux termes de l'article R. 2136 du même code : « Dès réception de la déclaration, le maire en transmet copie au directeur des services fiscaux en lui précisant si cette transmission vaut demande d'avis (...) » ; que l'article R. 21321 de ce code ajoute que « Le titulaire du droit de préemption doit recueillir l'avis du service des domaines sur le prix de l'immeuble dont il envisage de faire l'acquisition dès lors que le prix ou l'estimation figurant dans la déclaration d'intention d'aliéner ou que le prix que le titulaire envisage de proposer excède le montant fixé par l'arrêté du ministre des finances prévu à l'article 3 du décret du 5 juin 1940 modifié » et que « L'avis du service des domaines doit être formulé dans un délai d'un mois à compter de la date de réception de la demande d'avis. Passé ce délai, il peut être procédé librement à l'acquisition » ; qu'il ressort de ces dispositions que la consultation dans les conditions prévues par les dispositions précitées du service des domaines constitue, lorsqu'elle est requise, une formalité substantielle dont la méconnaissance entache d'illégalité la décision de préemption ;
    Considérant qu'il ressort des pièces soumises au juge des référés du tribunal administratif de Nice que l'avis du service des domaines, daté du 22 septembre 2006, soit le jour même de la décision de préemption litigieuse, n'a été reçu par la commune d'Antibes que postérieurement à cette décision, le 26 septembre ; que, dès lors, le juge des référés a commis une erreur de droit en estimant que le moyen tiré de l'absence d'avis régulier du service des domaines, préalable à l'exercice du droit de préemption, n'était pas propre à créer un doute sérieux quant à la légalité de la décision litigieuse ; qu'ainsi, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens du pourvoi, M. A est fondé à demander l'annulation de l'ordonnance attaquée ;»


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    Commentaire : Le code de l’urbanisme impose, lorsque le prix de la vente d’un bien excède un certain montant (75.000 euros depuis 2001), de recueillir l’avis du service des domaines, qui est un service de l’Etat. Ce service va évaluer le bien en fonction des transactions comparables déjà intervenues.

    Le paradoxe de cet avis des domaines est qu’il fait l’objet d’un contrôle très formel du juge administratif, en dépit de son caractère purement consultatif.

    Le Conseil d’Etat parle à son sujet de « formalité substantielle dont la méconnaissance entache d'illégalité la décision de préemption ». L’arrêt commenté illustre ainsi l’exigence que, non seulement l’avis du service des domaines ait été sollicité, mais aussi qu’il soit parvenu à l’autorité titulaire du droit de préemption avant qu’elle ne prenne sa décision. Il est vrai que, sinon, il n’y aurait effectivement pas grand sens à imposer le recueil de cet avis.

    Le service des domaines ayant un mois pour se prononcer et l’autorité titulaire du droit ayant deux mois pour notifier sa décision de préemption, cette dernière doit assez rapidement solliciter un tel avis si elle veut encore être dans les délais pour préempter.

    Pour autant, contrairement à ce qui est souvent cru, cet avis du service des domaines ne lie pas l’autorité administrative. Ainsi, lorsque l’avis du service des domaines estime que le prix de vente correspond à l’état du marché, il est néanmoins possible de préempter à un prix inférieur. Certaines communes, pour affoler les propriétaires et mieux faire pression sur eux, ne s’en privent d’ailleurs pas. Il est paradoxal d’imposer un avis qui va se fonder sur la réalité du marché immobilier et de permettre ensuite qu’un prix soit fixé, sans aucune justification.

    On peut aussi signaler que s’il est possible de préempter à un prix inférieur à celui des domaines, il est également possible de préempter à un prix supérieur. C’est juridiquement possible mais il n’est pas certain que cela soit déjà arrivé…


    Benoît Jorion
    Avocat à la Cour d’appel de Paris,
    Spécialiste en droit public