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La procédure de préemption - Page 4

  • La loi ALUR et le droit de préemption (II)

    La loi ALUR, en deuxième lieu, complique la procédure du droit de préemption urbain. L’objectif officiel du législateur de développer l’offre foncière est contredit par les nouvelles contraintes et les retards inhérents qu’il institue en matière de procédure du droit de préemption. Officiellement équilibrée, la loi renforce en réalité globalement les droits des titulaires du droit de préemption, tandis qu’elle réduit ceux des vendeurs et acquéreurs.

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    Réforme de la déclaration d’intention d’aliéner

    La première et plus importante des complications résulte de la modification de la procédure de déclaration d’intention d’aliéner (DIA). Jusque-là, la DIA ne pouvait être rejetée quesi la déclaration initiale était incomplète ou entachée d'une erreur substantielle portant sur la consistance du bien objet de la vente, son prix ou les conditions de son aliénation(CE, 12 février 2014, Société Ham Investissement, req. n° 361741, à paraître aux tables). Le délai de latence n’était que de deux mois, permettant théoriquement lors de la signature du compromis de vente de savoir à quelle date cette dernière pourrait être régularisée.

    Désormais, le rédacteur de la DIA doit fournir « les informations dues au titre de l’article L. 514-20 du code de l’environnement ». Il doit donc informer qu’une installation soumise à autorisation ou à enregistrement a été exploitée sur un terrain. Il doit aussi informer des dangers ou inconvénients importants qui résultent de l'exploitation. Cet ajout est destiné à contrecarrer un arrêt récent de la Cour de cassation (Civ. 3eme, 7 novembre 2012, Commune d’Amiens, pourv. n° 11-22907).

    De surcroît, il est prévu qu’il peut être adressé au propriétaire « une demande unique de communication des documents permettant d’apprécier la consistance et l’état de l’immeuble, ainsi que, le cas échéant, la situation sociale, financière et patrimoniale de la société civile immobilière ». La liste de ces documents devra être fixée par décret (L. 213-2).

    Enfin, et ce sera en pratique le plus important, la durée pendant laquelle le droit de préemption peut être exercé va devenir imprévisible.

    Le 4eme alinéa de l’article L. 213-2 du code de l’urbanisme prévoit désormais que :

    « Le délai est suspendu à compter de la réception de la demande mentionnée au premier alinéa ou de la demande de visite du bien. Il reprend à compter de la réception des documents par le titulaire du droit de préemption, du refus par le propriétaire de la visite du bien ou de la visite du bien par le titulaire du droit de préemption. Si le délai restant est inférieur à un mois, le titulaire dispose d'un mois pour prendre sa décision. Passés ces délais, son silence vaut renonciation à l'exercice du droit de préemption. »

    Ainsi, il sera possible, peu de temps avant la fin de période de deux mois de demander une visite des lieux. Cette visite, que le propriétaire pourra toujours refuser, fera courir un nouveau délai d’un mois à compter soit de la visite, soit du refus. Un délai entre la demande de visite et la visite, ou le refus de visite, est également à ajouter.

    Les conditions de demande de visite du bien seront fixées par décret.

    AN2.jpgLimitation dans le temps de la purge du droit de préemption

     

    La deuxième innovation va limiter une pratique fréquente consistant à purger par avance le droit de préemption. Cette pratique permettait, une fois le droit de préemption purgé de pouvoir vendre le bien sans condition de durée, à condition, bien sûr, que ce soit au même prix.

    Désormais, cette possibilité n’existera plus que pendant trois ans. Au-delà, une nouvelle déclaration d’intention d’aliéner devra être déposée, ouvrant ainsi la possibilité de préemption (art. L. 213-8). De façon innovante, pendant ces trois ans, le prix du bien pourra être révisé en fonction des variations du coût de la construction.

    En revanche, la possibilité de vendre au même prix, sans limitation de durée, après l’annulation de la décision de préemption, ne devrait pas être remise en cause.

    Benoît JORION

    Avocat à la Cour d’appel de Paris

    Spécialiste en droit public

  • Une renonciation à préempter est définitive

    Conseil d’Etat, 12 novembre 2009 Société Comilux c/ Commune de Créteil, req. n° 327451, à paraître aux tables

     

    Conseil d'Etat.jpgExtraits : « Considérant qu'aux termes de l'article L. 213-2 du code de l'urbanisme : Toute aliénation visée à l'article L. 213-1 est subordonnée, à peine de nullité, à une déclaration préalable faite par le propriétaire à la mairie de la commune où se trouve situé le bien. Cette déclaration, dont le maire transmet copie au directeur des services fiscaux, comporte obligatoirement l'indication du prix et des conditions de l'aliénation projetée, ou en cas d'adjudication, l'estimation du bien ou sa mise à prix. / (...) Le silence du titulaire du droit de préemption pendant deux mois à compter de la réception de la déclaration mentionnée au premier alinéa vaut renonciation à l'exercice du droit de préemption ; que, selon l'article R. 213-8 du même code, Lorsque l'aliénation est envisagée sous forme de vente de gré à gré ne faisant pas l'objet d'une contrepartie en nature, le titulaire du droit de préemption notifie au propriétaire : / a) Soit sa décision de renoncer à l'exercice du droit de préemption / b) Soit sa décision d'acquérir aux prix et conditions proposés, y compris dans le cas de versement d'une rente viagère ; / c) Soit son offre d'acquérir à un prix proposé par lui et, à défaut d'acceptation de cette offre, son intention de faire fixer le prix du bien par la juridiction compétente en matière d'expropriation (...) ;

    Considérant qu'il ressort de ces dispositions combinées, qui visent notamment à garantir que les propriétaires qui ont décidé de vendre un bien susceptible de faire l'objet d'une décision de préemption puissent savoir de façon certaine et dans les plus brefs délais s'ils peuvent ou non poursuivre l'aliénation entreprise, que lorsque le titulaire du droit de préemption a décidé de renoncer à exercer ce droit, que ce soit par l'effet de l'expiration du délai de deux mois imparti par la loi ou par une décision explicite prise avant l'expiration de ce délai, il se trouve dessaisi et ne peut, par la suite, retirer cette décision ni, par voie de conséquence, légalement décider de préempter le bien mis en vente ;

    Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis au juge des référés du tribunal administratif de Melun que le maire de Créteil a, par décision du 26 décembre 2008, expressément renoncé à exercer son droit de préemption sur un immeuble, situé dans cette commune, que la SOCIETE COMILUX avait déclaré vouloir aliéner au profit de la SOCIETE CHAVEST ; qu'il a retiré cette décision le 26 janvier 2009 au motif qu'elle aurait procédé d'une confusion entre des déclarations d'intention d'aliéner portant sur des biens immobiliers distincts reçues durant la même période ; qu'il a ensuite décidé le 9 février 2009 de préempter l'immeuble en cause ; »

    Creteil2.jpg Commentaire : Décidemment, le régime du droit de préemption est atypique. Cette affaire dans laquelle la commune de Créteil indiquait s’être trompée en renonçant à préempter un bien, avant de tenter de se raviser, l’illustre une fois de plus.

    D’une façon générale, lorsque l’administration se trompe, elle dispose d’une espèce de droit au repentir. C’est le régime du retrait des actes administratifs. Afin de combiner légalité administrative et sécurité juridique, elle peut retirer, c’est-à-dire faire disparaître rétroactivement sa décision. Le retrait est très encadré : pour un acte créateur de droit, et sauf exception, le retrait doit intervenir dans un délai de quatre mois et la décision retirée doit être illégale.

    Le particularisme d’une décision de préemption est qu’elle ne peut intervenir que dans un délai limité. D’après l’article L. 213-2 du code de l'urbanisme « Le silence du titulaire du droit de préemption pendant deux mois à compter de la réception de la (DIA) vaut renonciation à l'exercice du droit de préemption », ce qui veut dire que la décision de préemption doit parvenir au vendeur dans un délai de deux mois. Passé ce délai, le titulaire du droit de préemption ne peut plus légalement préempter un bien.

    Comment combiner ce délai de deux mois pour préempter et la possibilité de retrait d’une décision renonçant à préempter, c’est-à-dire, pour être clair, est-il possible pour le titulaire d’un droit de préemption de préempter après qu’il y eut expressément renoncé ?

    De façon intéressante, deux cours administratives d’appel (CAA Paris, 17 février 2000 Commune de Genevilliers, req. n° 97PA02115 ; CAA Lyon 27 mai 2008 Ville de Saint-Etienne, req n° 07LY00493) avaient analysé une décision de préempter comme un acte créateur de droit et lui avaient appliqué le régime du retrait des actes administratifs.

    Mais, il semble que la question, non pas du retrait d’une décision de préemption, mais du retrait d’une décision renonçant à préempter, était inédite.

    Appliquer le droit commun du retrait à une renonciation à préempter aurait présenté un inconvénient majeur, celui d’allonger la période d’incertitude dans laquelle se trouvent l’acheteur et le vendeur en leur laissant craindre que la non préemption puisse être retirée dans un délai de quatre mois. Si l’on pousse le raisonnement jusqu’au bout, cela aboutirait à leur imposer d’attendre six mois après la déclaration d’intention d’aliéner (2 mois de DIA + 4 mois de retrait) avant de conclure une vente. Un tel délai serait manifestement excessif.

    Appliquer le droit commun du retrait aurait également été irréaliste. En effet, contrairement à une décision de préemption, le régime juridique d’une renonciation à préempter n’est pas encadré. Il peut donc être pronostiqué qu’une renonciation à préempter serait été très rarement illégale. La condition d’illégalité de la décision retirée serait donc rarement remplie.

    Le Conseil d’Etat, dans l’arrêt Comilux c/ Commune de Créteil adopte une position radicale : il écarte le régime du retrait et juge qu’il n’y a pas de retrait possible en cas de renonciation à préempter.

    Qu’il n’y ait pas de retrait possible lorsque l’administration laisse passer le délai de préemption sans se prononcer est normal. D’abord, on peut hésiter avant de qualifier le simple silence gardé par l’administration sur l’information adressée par le vendeur de « décision implicite ». Ensuite et surtout, admettre un tel retrait aboutirait à permettre à l’administration de préempter au-delà du délai de deux mois, ce qui est contraire au texte même de l’article L. 213-2 du code de l’urbanisme.

    Qu’il n’y ait pas davantage de retrait possible lorsque l’administration a pris une décision explicite avant l'expiration de ce délai, c’était moins évident. Cela signifie que l’administration se dessaisit de sa compétence et, alors même que le délai de deux mois n’est pas expiré, qu’elle ne peut plus revenir sur sa renonciation à préempter. De même, elle ne peut plus, après retrait, prendre une décision de préemption. Une telle décision serait donc également illégale.

    Ce régime dérogatoire au droit commun du retrait des actes administratifs peut être expliqué par le caractère exorbitant du droit de préemption : il retarde, et quand il est exercé, il empêche, une vente immobilière. Cette gène doit être la plus légère possible. Aussi, pour le Conseil d’Etat, les textes applicables « visent notamment à garantir que les propriétaires qui ont décidé de vendre un bien susceptible de faire l'objet d'une décision de préemption puissent savoir de façon certaine et dans les plus brefs délais s'ils peuvent ou non poursuivre l'aliénation entreprise ».

    C’est cette même garantie de la nécessaire certitude que doit avoir un propriétaire de pouvoir vendre son bien « dans les plus brefs délais » qui a été récemment invoquée par le Conseil d’Etat pour encadrer la prorogation du délai d’instruction de la déclaration d’intention d’aliéner (CE 24 juillet 2009 Société Finadev, req. n° 316158).

    Avec cet arrêt, le Conseil d’Etat applique un régime juridique dérogatoire à un mécanisme qui ne l’est pas moins.

    Benoît JORION

    Avocat à la Cour d’appel de Paris

    Spécialiste en droit public

     

     

     

     

  • Les innovations de la loi Boutin en matière de droit de préemption

    La loi n° 2009-323 du 25 mars 2009 de mobilisation pour le logement et la lutte contre l'exclusion défendue au Parlement par Madame Boutin est à l’origine de trois innovations en matière de droit de préemption.

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    En premier lieu, son article 34 modifie l’article L. 211-4 du code de l’urbanisme. Cet article faisait échapper au droit de préemption urbain un certain nombre d’aliénations de biens, dont « la cession de la totalité des parts d'une société civile immobilière, lorsque le patrimoine de cette société est constitué par une unité foncière, bâtie ou non, dont la cession serait soumise au droit de préemption. »

    Cet article permettait ainsi de contourner l’applicabilité du droit de préemption en cédant en deux fois les parts d’un bien appartenant à une SCI. Désormais, ce n’est plus la cession de la totalité des parts, mais la cession de la majorité des parts qui échappe au droit de préemption urbain non renforcé.

    La loi du 25 mars a cependant précisé que « Le présent alinéa ne s'applique pas aux sociétés civiles immobilières constituées exclusivement entre parents et alliés jusqu'au quatrième degré inclus. »

    Une SCI permet donc toujours, dans certaines hypothèses, de faire échapper un bien immobilier au droit de préemption.

    En deuxième lieu, l’article 39 de la loi, dans son II, abroge le f de l'article L. 213-1 du code de l'urbanisme. Cet article prévoyait que certains biens n’étaient jamais soumis au droit de préemption, parmi lesquels « Pendant la durée d'application d'un arrêté préfectoral pris sur le fondement de l'article L. 302-9-1 du code de la construction et de l'habitation, l'aliénation d'un immeuble ou d'un terrain destiné à être affecté à une opération ayant fait l'objet de la convention prévue au même article ».

    Cette exception est désormais abrogée.

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    En troisième lieu, et c’est le plus important, le I de l’article 39 de la loi ajoute un nouvel alinéa après le premier alinéa de l'article L. 210-1 du code de l'urbanisme, selon lequel :

    « Pendant la durée d'application d'un arrêté préfectoral pris sur le fondement de l'article L. 302-9-1 du code de la construction et de l'habitation, le droit de préemption est exercé par le représentant de l'Etat dans le département lorsque l'aliénation porte sur un terrain, bâti ou non bâti, affecté au logement ou destiné à être affecté à une opération ayant fait l'objet de la convention prévue à l'article L. 302-9-1 précité. Le représentant de l'Etat peut déléguer ce droit à un établissement public foncier créé en application de l'article L. 321-1 du présent code, à une société d'économie mixte ou à un des organismes d'habitations à loyer modéré prévus par l'article L. 411-2 du code de la construction et de l'habitation. Les biens acquis par exercice du droit de préemption en application du présent alinéa doivent être utilisés en vue de la réalisation d'opérations d'aménagement ou de construction permettant la réalisation des objectifs fixés dans le programme local de l'habitat ou déterminés en application du premier alinéa de l'article L. 302-8 du même code. »

    Cette disposition vise les communes ayant fait l’objet d’un arrêté préfectoral de carence en raison de la trop faible proportion de logements sociaux sur leur territoire. Dans cette hypothèse, le droit de préemption peut désormais être exercé par le préfet lorsque l'aliénation porte sur un terrain, bâti ou non bâti, affecté au logement ou destiné à être affecté à une opération ayant fait l'objet d’une convention avec un organisme.

    Cet article procède donc à une recentralisation du droit de préemption qui, depuis que le droit de préemption urbain a largement remplacé le droit de préemption en ZAD, était pour l’essentiel confié aux collectivités locales.

    Cet article prévoit aussi la possibilité pour le préfet de déléguer sa compétence.

    Les biens préemptés à ce titre ne bénéficient pas de la même latitude d’utilisation que les biens préemptés de façon plus classique, puisqu’ils ne peuvent être utilisés qu’en vue de la réalisation d'opérations d'aménagement ou de construction permettant la réalisation des objectifs fixés dans le programme local de l'habitat ou déterminés en application du premier alinéa de l'article L. 302-8 du même code. Il peut cependant être précisé qu’un programme local de l’habitat peut poursuivre de nombreux objectifs.

    Enfin, il peut être précisé que le III de l’article 39 a prévu que le troisième alinéa de l'article L. 211-1 du même code était complété par une phrase ainsi rédigée :

    « Toutefois, dans le cas prévu au deuxième alinéa de l'article L. 210-1, le droit de préemption peut être institué ou rétabli par arrêté du représentant de l'Etat dans le département. »

    Le législateur a voulu ainsi permettre aux préfets d’imposer la réalisation de logements sociaux, au moyen du droit de préemption, même dans les communes n’ayant pas institué, ou ayant supprimé, ce droit sur leur territoire.

    Benoît Jorion
    Avocat à la Cour d’appel de Paris
    Spécialiste en droit public



  • Les limites territoriales du droit de préemption urbain

    Conseil d’Etat, 21 mai 2008 Société EPM, req. n° 310951, à paraître aux tables

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    Extraits : « Considérant qu'il résulte de l'article L. 211-1 du code de l'urbanisme que le droit de préemption d'une commune dotée d'un plan d'occupation des sols ou d'un plan local d'urbanisme ne peut s'exercer que dans les zones urbaines et dans les zones d'urbanisation future délimitées par ce plan dans lesquelles elle a institué un droit de préemption urbain ; que si l'article L. 213-2-1 du même code permet à la commune, lorsque la réalisation d'une opération d'aménagement le justifie, d'exercer son droit de préemption urbain sur la fraction d'une unité foncière mise en vente qui est comprise dans une zone soumise à ce droit, et précise qu'en ce cas le propriétaire peut exiger de la commune qu'elle se porte acquéreur de l'ensemble de cette unité foncière, il n'autorise pas la commune à préempter ceux des éléments d'un ensemble immobilier faisant l'objet d'une déclaration d'intention d'aliéner unique qui sont situés dans une zone où le droit de préemption ne peut pas s'exercer ;

    Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis au juge des référés que, par une délibération en date du 26 mai 1989, le conseil municipal de la commune de Grimaud a décidé d'instituer un droit de préemption urbain sur toutes les zones d'urbanisation (U) et d'urbanisation future (NA) du plan d'occupation des sols de la commune ; qu'ainsi que l'a relevé le juge des référés, il est constant que si les quatorze appartements préemptés se situent en zone UB, les trois bungalows se trouvent en zone NB dans laquelle la commune ne peut pas exercer son droit de préemption ; qu'il résulte de ce qui a été dit ci-dessus qu'en l'absence de dispositions législatives en ce sens, le juge des référés du tribunal administratif de Nice ne pouvait se fonder sur les dispositions de l'article L. 213-2-1 du code de l'urbanisme et sur la circonstance que la cession de l'ensemble constitué par ces appartements et ces bungalows est intervenue globalement, par voie d'adjudication dans le cadre d'une procédure judiciaire, sur décision du juge-commissaire, pour ne pas retenir comme de nature à créer un doute sérieux sur la légalité de la décision de préemption le moyen tiré de ce qu'elle ne respectait pas les zones de préemption ; que son ordonnance est donc entachée d'une erreur de droit et doit pour ce motif, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens du pourvoi, être annulée ; »


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    Commentaire : Même si le droit de préemption urbain (DPU) est devenu le droit de préemption de droit commun, il ne peut pour autant s’exercer sur n’importe quelle partie d’une commune qui l’a institué.

    La commune de Grimaud vient d’en faire l’expérience. Elle a souhaité préempter un bien composé de quatorze appartements et de trois bungalows, lesquels avaient été vendus en bloc et par adjudication. La difficulté est que ces trois bungalows se situaient en zone NB, alors que le droit de préemption urbain ne peut, ainsi que son nom l’indique, être exercé pour l’essentiel qu’en zone urbanisées (U) ou d’urbanisation future (NA).

    Avant la loi SRU du 13 décembre 2000, cette circonstance aurait suffit à empêcher la préemption. En effet, un bien peut ne faire l’objet que d’une seule déclaration d’intention d’aliéner, même s’il est constitué de plusieurs parcelles soumises à des règlementation différentes, conformément à la règle de l’unité foncière (CE Sect. 23 juin 1995 Commune de Bouxières-aux-Dames, rec. p. 273). Depuis la loi SRU, l’article L. 213-2-1 du code de l’urbanisme permet, sous certaines conditions, de ne préempter qu’une fraction d’une telle unité foncière.

    Pourtant, en l’espèce, la commune de Grimaud a préempté la totalité du bien. Elle a peut-être été influencée par le fait que le bien avait été vendu par adjudication. On sait qu’une adjudication n’interdit pas la préemption, mais que, dans certains cas, elle modifie la procédure de préemption. Toutefois, le Conseil d’Etat vient de rappeler qu’une adjudication ne modifie pas les règles au point de permettre de préempter un terrain qui n’est pas soumis au droit de préemption.

    Benoît JORION
    Avocat à la Cour d’appel de Paris
    Spécialiste en droit public

  • Une commune ne peut en principe pas préempter sur le territoire d'une autre commune

    Tribunal administratif d’Amiens, 16 octobre 2007 Liebel, req. n° 0502557

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    Extrait : « Si aucune disposition légale ou réglementaire, non plus qu'aucun principe général du droit n'interdit à une commune d'acquérir des biens situés sur le territoire d'une autre commune, il ressort des dispositions précitées (l'article L. 211-1 du Code de l'urbanisme) qu'elle ne peut légalement instituer le droit de préemption urbain que sur tout ou partie de certaines des zones délimitées par un POS rendu public ou d'un plan local d'urbanisme approuvé qui la couvre ; qu’elle ne peut, par voie de conséquence, sauf à recevoir délégation à cet effet dans les conditions prévues à l'article L. 213-3 du Code de l'urbanisme, exercer le droit de préemption urbain sur le territoire d'une autre commune ; qu’ainsi et dès lors que la décision de préemption porte en partie sur des parcelles situées sur le territoire de Plailly et qu’il est constant que cette commune n'a ni délégué, ni même institué son droit de préemption urbain sur lesdites parcelles, au demeurant classées en zone NC, M. Liebel est fondé à soutenir que la décision attaquée est entachée d'incompétence en tant qu'elle porte sur ces dernières ; que si la décision attaquée porte également sur une située sur le territoire de la commune de Mortefontaine incluse dans le périmètre d'institution du droit de préemption urbain de la commune, ce moyen est de nature à entraîner l'annulation totale de la décision attaquée, dès lors qu'elle s'applique sur une même unité foncière et a un caractère indivisible ».

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    Commentaire : On sait qu’il est illégal de préempter un terrain qui se situe à cheval, d’une part, sur une zone de préemption et, d’autre part, sur une zone pour laquelle la préemption n’est pas possible (CE, 29 juillet 1983, Association de défense et sauvegarde de Kergavarec, Rec. p. 311). Une telle décision est illégale dans son ensemble. C’est sans doute la raison pour laquelle la loi SRU a introduit dans le code de l’urbanisme un article L. 213-2-1 qui permet une préemption partielle en disposant que « Lorsque la réalisation d'une opération d'aménagement le justifie, le titulaire du droit de préemption peut décider d'exercer son droit pour acquérir la fraction d'une unité foncière comprise à l'intérieur d'une partie de commune soumise à un des droits de préemption institués en application du présent titre. »

    Le jugement commenté vise une hypothèse rare, celle de la préemption de plusieurs parcelles, situées sur deux communes différentes, mais constituant une seule unité foncière. Si le Tribunal rappelle qu’une commune peut préempter sur le territoire d’une autre commune, c’est à condition d’en avoir reçu délégation. Ce n'était pas le cas en l’espèce.

    La préemption exercée par la commune de Mortefontaine sur la parcelle située sur le territoire de la commune voisine de Plailly, qui de surcroît n’avait pas institué de droit de préemption et avait classé la parcelle préempté en zone NC (!), est donc illégale.

    Cette décision est illégale dans son ensemble, les deux parcelles constituant une unité foncière au sens de la jurisprudence (CE, 27 juin 2005, Commune de Chambéry) et ne nécessitant donc qu’une seule déclaration d’intention d’aliéner. Le juge renoue ainsi avec la jurisprudence précitée sur l’illégalité totale d’une décision de préemption, qui aurait pu par ailleurs, depuis la loi SRU, légalement ne préempter qu'une partie du bien.



    Benoît JORION
    Avocat à la Cour d’appel de Paris
    Spécialiste en droit public