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  • Un bail emphytéotique n'empêche pas de proposer un bien illégalement préempté à l'acquéreur évincé

    Cour administrative d’appel de Paris, 11 juillet 2007 Société AVI, à paraître aux tables


    Extrait : « Considérant qu'aux termes du premier alinéa de l'article L. 911-7 du code de justice administrative : « En cas d'inexécution totale ou partielle ou d'exécution tardive, la juridiction procède à la liquidation de l'astreinte qu'il avait prononcée » et qu'aux termes de l'article L. 911-8 du même code : « La juridiction peut décider qu'une part de l'astreinte ne sera pas versée au requérant. Cette part est affectée au budget de l'Etat » ; qu'en majorant le prix convenu dans la déclaration d'intention d'aliéner de frais d'acquisition et de gestion, qui ne peuvent que demeurer à sa charge et qui n'ont généré aucun enrichissement sans cause de la société AVI, la VILLE DE PARIS ne peut être regardée comme ayant entièrement exécuté l'injonction contenue à l'article 3 de l'arrêt du 23 novembre 2006 ; qu'il y a lieu, par suite, de statuer sur les conclusions de la société AVI, de liquider l'astreinte prévue par ledit arrêt pour la période qui court du 14 décembre 2006 au 5 juillet 2007 et d'en fixer le montant à 200 euros par jour de retard, soit pour 203 jours, une somme de 40 600 euros, versée par moitié à la société AVI et à l'Etat ;

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    (…)

    Considérant, ainsi que l'a cour l'a indiqué dans son arrêt du 23 novembre 2006 notifié à la VILLE DE PARIS le 28 novembre 2006, que l'annulation de la décision de préemption du 23 décembre 2003 impliquait nécessairement, en l'absence de cession du bien préempté et d'atteinte excessive à l'intérêt général, que la VILLE DE PARIS prenne toute mesure de nature à mettre fin aux effets de la décision annulée ; que le bail emphytéotique, conclu au profit de la RIVP les 6 et 11 avril 2005 et attribuant à celle-ci des droits réels, ne peut, compte tenu notamment des pouvoirs conservés par la VILLE DE PARIS sur le bien, être assimilé à une revente de l'immeuble ; que, dès lors, la VILLE DE PARIS devait nécessairement provoquer la résiliation de ce bail emphytéotique soit à l'amiable, soit en saisissant le juge du contrat en vue d'en voir prononcer la nullité ; qu'il convient par suite de prononcer une nouvelle mesure d'injonction ayant cet objet
    ;"

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    Commentaire : Avec cet arrêt du 11 juillet 2007, la Cour administrative d’appel de Paris vient de préciser la portée d’un arrêt relatif aux conséquences de l’annulation d’une décision de préemption rendu par elle le 23 novembre 2006 et précédemment commenté ici (note du 19 juin 2007).

    On sait depuis l’arrêt Bour du 26 février 2003 que l’acheteur écarté à tort, du fait d’une décision de préemption illégale, a droit à ce que le bien lui soit proposé « à un prix visant à rétablir les conditions de la transaction à laquelle l'exercice du droit de préemption a fait obstacle ».

    Dans son précédent arrêt du 23 novembre 2006, la Cour administrative d’appel de Paris avait confirmé l’annulation d’une décision de préemption prise par la ville de Paris. Elle avait aussi enjoint la Ville, sous astreinte « de proposer à la société AVI l'acquisition du bien illégalement préempté au prix mentionné dans la déclaration d'intention d'aliéner ».

    La Ville de Paris a tenté de majorer ce prix de frais d'acquisition et de gestion qu’elle avait supportés. La Cour estime, de façon parfaitement normale, dans la logique de l’arrêt Bour, que ces frais « qui n'ont généré aucun enrichissement sans cause de la société AVI » ne peuvent que demeurer à la charge de la Ville. En conséquence, la Cour estime que la Ville, en proposant le bien à un prix incorrect, n’a pas entièrement exécuté l’injonction contenue dans le premier arrêt et liquide l’astreinte.

    Le principal intérêt de l’arrêt est toutefois ailleurs. Une des hypothèses qui permet de limiter les conséquences de l’annulation d’une décision de préemption est celle où, entre temps, le bien a été cédé par l’autorité titulaire du droit de préemption. Pour s’opposer à ce que le bien illégalement préempté soit proposé à l’acheteur évincé, la Ville de Paris avait initialement objecté que l’immeuble en cause avait fait l’objet d’un bail emphytéotique avec la RIVP, société d’économie mixte de la Ville. Dans son arrêt du 23 novembre 2006, la Cour n’avait pas explicitement répondu à un tel moyen. Ce deuxième arrêt est l’occasion pour elle de le faire.

    La conclusion d’un bail emphytéotique n’est certes pas l’équivalent d’une cession. Mais un tel bail, conclu pour une longue durée, a pour objet de faire bénéficier le preneur de droits réels sur le bien. La Doctrine a pu se demander si un bail emphytéotique pouvait faire l’objet d’une résiliation anticipée, tant précisément la volonté de protéger le preneur dans la durée était forte.

    En l’espèce, la Cour écarte l’assimilation d’un bail emphytéotique à une revente de l’immeuble. Elle le fait certes au regard « des pouvoirs conservés par la Ville de Paris sur le bien », ce qui en atténue la portée. Les liens que la Ville entretient avec une SEM dédiée au logement, tout comme la possibilité admise en jurisprudence de faire figurer une clause de résiliation dans un bail emphytéotique, peuvent expliquer cette précision. L'arrêt n"en refuse pas moins de considérer que la conclusion d'un tel bail constitue un obstacle à la cession à l'acquéreur irrégulièrement évincé. Il enjoint donc à la Ville de procéder à la résiliation du bail.

    Il faut saluer une telle décision qui s’emploie à donner tous ses effets à l’annulation juridictionnelle d’une décision de préemption, en faisant prévaloir la légalité administrative sur la stabilité contractuelle. Il convient en effet d’éviter que des conventions de circonstance ne soient conclues pour tenter de prévenir les effets de l’annulation prévisible d’une décision de préemption. Cet arrêt constitue un nouvel exemple de la volonté jurisprudentielle de sanctionner de façon efficace l’illégalité d’une décision de préemption.


    Benoît Jorion
    Avocat à la Cour d’appel de Paris,
    Spécialiste en droit public

  • Préemptions systématiques à Paris

    Paris

    LA VILLE PRÉEMPTERA DAVANTAGE D'IMMEUBLES HABITÉS PAR DES FAMILLES DÉFAVORISÉES

    Les Verts parisiens obtiennent gain de cause sur le logement


    Article paru dans l'édition du Monde du 13.12.06

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    A L'INSTIGATION des Verts de sa majorité, le maire PS de Paris, Bertrand Delanoë, a décidé d'endiguer plus activement l'éviction des couches populaires de la capitale, victimes des ventes à la découpe.
    L'exécutif municipal devait s'engager, mardi 12 décembre à acheter « systématiquement les immeubles » privés, sans grand confort sanitaire, habités par des occupants dont le revenu est inférieur à 900 euros.
    Une partie des Verts avait menacé de ne pas voter le budget logement pour 2007, examiné mardi, si l'exécutif ne dégageait pas de nouveaux crédits pour préempter des immeubles habités par des familles défavorisées pour les transformer en logements sociaux. Les élus PCF ont demandé, eux aussi, un effort. « Les difficultés de plus en plus grandes des Parisiens très modestes pour rester dans leur logement à Paris gangrènent les efforts de la Ville pour créer par ailleurs des logements sociaux », constatait mardi, Jean Vuillermoz, président du groupe communiste.

    Les Verts évaluent l'effort financier à 900 millions d'euros par an pendant trois ans pour acquérir les 103 702 logements privés vétustes habités par des ménages qui pourraient prétendre à un logement social. « La préoccupation des Verts est juste. Mais je ne ferai rien qui mette en danger l'équilibre budgétaire », a prévenu, lundi, Bertrand Delanoë.

    « TOURNANT »

    L'adjoint (PS) au maire Christophe Caresche est finalement parvenu à un accord avec les Verts : la Ville s'engage à racheter « le noyau dur » des 103 702 logements, soit 55 000 habitations, avec à la clé une rallonge au compte foncier de 36 millions d'euros en 2007, pour une enveloppe globale de 210 millions.

    « C'est un tournant de la politique du logement social à Paris ! », pavoise François Florès, élu Verts du 18e arrondissement. Jusqu'ici, « la Ville préemptait des immeubles sans se préoccuper de savoir si les habitants étaient modestes ou aisés ». Jean-Yves Mano, adjoint (PS) chargé du logement relativise la portée de la décision : « Pour préempter davantage d'immeubles à bas loyers, encore faudra-t-il qu'il y ait des opportunités de les acheter ! »


    Béatrice Jérôme

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    Commentaire : Cet article illustre bien la pression qui s’exerce sur beaucoup d’élus, conduits en conséquence à faire du droit de préemption la bonne-à-tout-faire de leur politique locale de l’habitat.

    Définir une politique de préemption systématique, ainsi qu’il est relaté ci-dessus, pour un objectif –le maintien d’une population donnée, définie par son niveau de revenu- qui ne figure pas parmi les objectifs légaux du droit de préemption est le meilleur moyen, le jour venu, de prendre une décision illégale.

    La conséquence de l’illégalité d’une telle décision est, outre son risque d’annulation, le risque d’indemnisation qui, au regard du marché immobilier dans la capitale, peut être très lourde pour le contribuable parisien.



    Benoît Jorion
    Avocat à la Cour d’appel de Paris,
    Spécialiste en droit public

  • Préemption des baux commerciaux

    LES DÉCRETS D'APPLICATION DE LA LOI DUTREIL, QUI PERMETTRONT AUX MUNICIPALITÉS DE PRÉEMPTER LES BAUX COMMERCIAUX, AU CONSEIL D'ETAT

    Dans le 11e arrondissement de Paris, la guerre du maire Georges Sarre contre les grossistes chinois


    Article paru dans l'édition du Monde du 13.03.07

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    DANS le 11e arrondissement de Paris, où les grossistes chinois se sont massivement installés ces dernières années, comme dans d'autres quartiers urbains menacés de devenir des zones de monoactivité, le salut pourrait venir de la loi Dutreil. Adoptée par le Parlement en 2005, elle prévoit la possibilité pour les municipalités de préempter les baux afin d'y préserver la diversité commerciale. Il aura fallu quasiment deux ans pour que les décrets d'application soient prêts. Ils devraient être envoyés au Conseil d'Etat pour validation dans la semaine. « Il a fallu du temps », reconnaît Renaud Dutreil, ministre du commerce. « La diversité commerciale justifie l'intervention de l'Etat », nous explique-t-il.

    « On a perdu deux ans, s'offusque le maire du 11e, Georges Sarre. On aurait pu sauver près de 250 boutiques. » Depuis 1995, ce bout réputé « bourgeois bohème » de la capitale vit au rythme d'une monoactivité que ses détracteurs qualifient d' « asphyxiante ». Sur les 850 commerces du quartier Sedaine-Popincourt-Chemin vert, près de 600 sont des grossistes en textile. Des Chinois pour la plupart qui ont créé, en quelques rues, un « supermarché géant » où une clientèle européenne se presse.

    Les riverains dénoncent la disparition des commerces de proximités. D'ailleurs, 500 d'entre eux l'ont rappelé, le 5 février, lors d'une manifestation. La troisième depuis 2003, organisée par le maire chevénementiste du 11e arrondissement et baptisée opération « mairie en colère ».

    « Le problème, ce ne sont pas les Chinois, c'est la présence en centre-ville d'une monoactivité inadaptée au tissu urbain dense de Paris, affirme M. Sarre. Les Chinois ont progressivement tout racheté. »

    Conséquences : les pharmacies ferment les unes après les autres ; boulangeries, marchands de journaux, épiciers connaissent le même sort ; adieu charcutiers et poissonniers ! « Les Chinois sont des envahisseurs économiques, assure Pierre Millet, président de l'association des commerçants du 11e. Ils ont en rien à foutre du quartier. »

    La semaine, c'est la valse des diables sur les trottoirs des rues. Des dizaines de 38-tonnes se succèdent dans les rues étroites. « Dès 8 heures du matin jusqu'au soir, ce sont les concerts de klaxons, les insultes, les rues bloquées », explique un habitant de longue date, Abdallah, 52 ans. Le week-end, c'est morne plaine.
    « Des habitants quittent le quartier car il devient invivable », assure Martine Cohen, présidente d'Agir solidairement pour le quartier de Popincourt (ASQP). Une tendance que confirment les agences immobilières.
    Les grossistes, de leur côté, se sentent victimes de harcèlement. « Ce n'est pas de notre faute s'il n'y a que le commerce du textile qui marche. C'est le business », se défend Cédric Hue, un grossiste. Pour Maxime Zhang, président de l'association des commerçants chinois du prêt-à-porter, « les grossistes créent des richesses et de l'emploi. Ce n'est pas ce que souhaite la France ? » Au fond, juge-t-il, sa communauté fait face à du « racisme ». Alors, pour « laisser respirer les riverains », il dit respecter la consigne de M. Sarre : que les grossistes n'ouvrent pas le samedi. Comme une trêve qui ne porterait pas son nom. Car dans le quartier, c'est « le maire qui fait la loi », ajoute M. Zhang. Démenti du côté de la municipalité.

    « COLONISATION »

    « Il faut arrêter de pointer du doigt les Chinois », affirme le patron du Savoyard, rue Popincourt. C'est un des rares commerces du quartier qui ne vend pas de tissu et propose des produits du terroir. Pour lui, les vrais responsables de la désagrégation du quartier, ce sont les habitants eux-mêmes. « Ils ne viennent jamais chez nous, affirme-t-il. C'est eux qui nous font crever et après ils viennent se plaindre. »

    La Ville de Paris, elle, s'implique pour tenter d'endiguer « l'invasion » ou « la colonisation » de la monoactivité. En décembre 2003, le Conseil de Paris a délégué son droit de préemption sur l'achat de commerces à la Société d'économie mixte d'aménagement de l'est de Paris (Semaest), présidée par... M. Sarre. Aujourd'hui, la Semaest « maîtrise » plus d'une centaine de locaux, soit près de 15 000 m2 dans le XIe. Elle a dû débourser 35 millions d'euros. « C'est toujours ça qui n'ira pas à l'ennemi », indique la Ville de Paris. Une fois la boutique achetée, la société mixte installe des artisans. Plus d'une quinzaine ont déjà ouvert.

    La prochaine entrée en vigueur de la loi Dutreil, qui autorisera les municipalités à préempter les baux commerciaux, devrait donc donner de nouvelles armes à M. Sarre.

    Mustapha Kessous

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    Commentaire : L’article L. 214-1 du code de l’urbanisme prévoit que « Le conseil municipal peut, par délibération motivée, délimiter un périmètre de sauvegarde du commerce et de l'artisanat de proximité, à l'intérieur duquel sont soumises au droit de préemption institué par le présent chapitre les cessions de fonds artisanaux, de fonds de commerce ou de baux commerciaux. »

    Cet article ouvre donc désormais la possibilité de préempter les baux commerciaux et artisanaux, et non simplement les murs, comme c’était le cas auparavant.

    Toutefois, cette loi votée en août 2005 nécessite un décret d’application qui n’a toujours pas été adopté. Cette carence du pouvoir réglementaire s’explique par la très grande difficulté de rédiger un texte qui doit organiser notamment comment, par application de l’article L. 214-2, la commune devra rétrocéder le bail.

    Au regard de l’impatience de certaines municipalités à exercer ce nouveau droit, et de ses difficultés prévisibles d'application, il n’est pas douteux que le droit de préemption des fonds de commerce donnera lieu à un contentieux abondant.

    Benoît Jorion
    Avocat à la Cour d’appel de Paris,
    Spécialiste en droit public

  • Préemption et discrimination raciale

    Dans l'Isère, deux maires sont soupçonnés de discriminations

    Article paru dans l'édition du 17.04.07 du Monde

    Les édiles de Pont-de-Chéruy et Villette-d'Anthon, qui devraient être mis en examen, sont accusés d'avoir usé à tort de leur droit de préemption

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    La perspective d'une mise en examen se rapproche pour deux élus locaux du nord de l'Isère, accusés de discrimination. Visés par deux plaintes distinctes qui avaient été regroupées dans une seule et même procédure, les maires de Pont-de-Chéruy, Alain Tuduri, et de Villette-d'Anthon, Daniel Beretta, avaient bénéficié d'un non-lieu à la mi-octobre 2006. Mais cette décision a été annulée, le 23 mars, par la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Grenoble. Cette dernière a ordonné un « supplément d'information aux fins de mettre en examen » les deux édiles.

    En décembre 2002, SOS-Racisme avait porté plainte avec constitution de partie civile contre la municipalité de Pont-de-Chéruy au prétexte qu'elle aurait recouru, plusieurs fois, à son droit de préemption pour empêcher des familles issues de l'immigration d'acheter un logement sur la commune ( Le Monde du 7 février 2003). Quatre mois après, en avril 2003, Saïd et Mohamed Karkzou avaient fait la même démarche à l'encontre de la commune de Villette-d'Anthon en reprochant à M. Beretta d'avoir - vainement - essayé de bloquer la vente du bien immobilier qu'ils convoitaient.

    Dans une ordonnance rendue le 16 octobre 2006, la juge d'instruction de Vienne, Anne-Marie Lacombe, avait indiqué qu'il n'y avait pas de « charges suffisantes contre quiconque ». La chambre de l'instruction, elle, a estimé qu'il convenait d'approfondir les investigations pour éclaircir ces deux affaires. A l'appui de sa décision, elle souligne, notamment, que la ville de Pont-de-Chéruy a exercé « au cours des six dernières années 31 préemptions », dont 25 concernaient des personnes ayant des « patronymes (...) à consonance étrangère ».
    L'information a établi que le « maire usait de pressions, n'hésitant pas à intervenir personnellement auprès de notaires, d'agences immobilières et de vendeurs, les prévenant que, si la vente était consentie à un étranger, il userait de son droit de préemption », ajoutent les magistrats de la chambre. Dans certains cas, la municipalité n'a pas acquis le bien préempté, « le maire (...) laissant le vendeur conclure une vente avec un autre acquéreur si celui-ci se révélait conforme à ses voeux ».

    Contestant les allégations des parties civiles, M. Tuduri a mis en avant sa « politique d'intégration et de mixité ». Confronté à la présence de copropriétés dégradées dont les logements sont suroccupés, le maire de Pont-de-Chéruy a expliqué qu'il avait relogé des familles vivant dans ces immeubles, avec l'aide d'un organisme HLM ou « en rachetant pour le compte de la mairie des maisons individuelles ».

    Le 8 novembre 2006, Gérard Dezempte, maire de Charvieu-Chavagneux - une commune voisine -, avait été condamné par la cour d'appel de Grenoble à 1 500 euros d'amende et à trois ans d'inéligibilité pour des faits similaires. Il lui était reproché d'avoir préempté une maison qu'un couple d'origine maghrébine souhaitait acquérir ; la vente avait, finalement, été conclue avec un autre acheteur, la marie ayant renoncé à prendre possession du bien.


    Bertrand Bissuel

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    Commentaire : L’article 225-1 du code pénal qualifie de discrimination toute distinction opérée entre les personnes physiques à raison notamment de « leur origine (…) ou de leur appartenance ou de leur non-appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie, une nation, une race ou une religion déterminée ».

    Face à certaines communes qui tentent d’utiliser leur droit de préemption comme filtre ethnique, un tel article est invocable. La difficulté est toutefois de démontrer la discrimination. L’article cité avance un certain nombre d’éléments de preuve qui résultent de l’enquête.

    La répression pénale est une sanction très dissuasive. Elle ne peut cependant se substituer à la contestation en justice de la décision de préemption elle-même qui, au regard du contrôle opéré par le juge administratif, a toutes chances d’être illégale.

    Benoît Jorion
    Avocat à la Cour d’appel de Paris,
    Spécialiste en droit public