préemption

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Et après ? La suite de la préemption - Page 2

  • Hypothèse d’absence d’obligation de rétrocession du bien illégalement préempté

    (TA Nantes, 3 mars 2017, M. A. c Département de la Loire Atlantique, req. n° 1401857)

    La conséquence normale de l’annulation d’une décision de préemption tient, lorsque le titulaire du droit a acquis le bien, en l’obligation pour lui de le proposer à l’acheteur et au vendeur. Cette obligation d’abord jurisprudentielle (CE Sect., 26 février 2003, Bour, req. n° 231558, publié au recueil), a été codifiée à l’article L. 213-11-1 du code de l’urbanisme, non sans avoir interverti l’ordre de présentation. Mais cette codification ne porte que sur le droit de préemption urbain.

    Elle ne s’applique donc pas en matière de préemption des espaces naturels sensibles. En l’espèce, une décision de préemption de parcelles a été annulée pour insuffisance de motivation. Le plus intéressant dans le jugement tient au refus d’enjoindre la rétrocession du bien pour les raisons suivantes : « le département fait valoir, au titre de l’intérêt général, la nécessité de protéger le lieu-dit de « l’île aux Moines », reconnu et classé pour ses nombreux attraits environnementaux, écologiques et patrimoniaux, la volonté de rendre ce site accessible au public, ainsi qu’un projet global « îles de Loire » dont l’objectif est la valorisation et la préservation des espaces naturels sensibles des rives de Loire ; que le lieu-dit de « l’île aux Moines » est en effet classé en zone naturelle d’intérêt écologique, faunistique et floristique (ZIEFF) de type 1 et 2, ainsi qu’en zones Natura 2000, au titre des directives habitat et oiseaux ; que depuis l’acquisition des parcelles préemptées, le département a organisé des visites dites « nature » à destination du public, mis en pâturage respectueux de l’environnement les terres de l’île, acquis l’île Kerguelen, autre île de Loire, et inclus le site dans le périmètre de protection de captage de l’île Delage ; que la préemption litigieuse s’insère ainsi dans un plan plus large de protection de l’environnement et de préservation des ressources et des milieux naturels des îles de Loire, poursuivi et mis en œuvre par le département ; que ce dernier envisage, par ailleurs, la restauration d’une chapelle, d’un hospice et d’un four à chanvre appartenant à l’ordre des Franciscains Cordeliers, en vue de la sauvegarde de ce patrimoine historique local ; que face à ces préoccupations environnementales, écologiques et patrimoniales, seul l’intérêt privé de pouvoir jouir des attraits du lieu est soutenu par M.G..., alors même que le caractère inondable et la soumission aux aléas climatiques forts du site sont reconnus par les documents d’urbanisme applicables à la commune d’Ancenis ; que, dès lors, eu égard aux mesures concrètes déjà réalisées et à celles projetées poursuivant un objectif environnemental, écologique et patrimonial au titre duquel la préemption a été décidée par le département, la remise en cause de cette acquisition apporterait à l’intérêt général une atteinte excessive qui ne serait pas justifiée par l’intérêt qui s’attache à la disparition des effets des décisions de préemption annulées ; que, par suite, le présent jugement, s’il annule les décisions de préemption contestées, pour un motif de forme, n’implique nécessairement aucune mesure d’exécution ; »

    Une telle hypothèse ou le juge administratif refuse d’enjoindre la rétrocession d’un bien illégalement préempté est très rare (Cf. cependant CE, 31 janvier 2007, SARL Maia, req. n° 277715). En effet, l’annulation de la décision de préemption fait disparaître l’intérêt général qu’elle portait. En l’espèce, le délai écoulé entre la décision de préemption et le jugement (3 ans) a permis au titulaire du droit de préemption un aménagement des parcelles, aménagement qui conduit à refuser la rétrocession.

    Benoît Jorion

  • Compétence juridictionnelle pour ordonner les mesures qu’implique l’annulation d’une décision de préemption

    (TC, 12 juin 2017, SNC Foncière Mahdia c/ Paris Habitat, req. C4085, publié au recueil)

    L’annulation d’une décision de préemption ne met pas nécessairement fin au litige entre le titulaire du droit de préemption et le vendeur et/ou l’acquéreur évincé. L’article L. 213-11-1 du code de l’urbanisme, issu de la loi ALUR, prend le soin de préciser que « Lorsque, après que le transfert de propriété a été effectué, la décision de préemption est annulée ou déclarée illégale par la juridiction administrative, le titulaire du droit de préemption propose aux anciens propriétaires ou à leurs ayants-cause universels ou à titre universel l'acquisition du bien en priorité. » En cas de renonciation des vendeurs, le bien doit être proposé à l’acquéreur. Mais cet article ne précise par quelle est la juridiction compétente en cas de refus du titulaire du droit de préemption de proposer un tel bien.

    Le Tribunal des conflits, saisi après un refus d’un grand bailleur social de respecter l’article L. 213-11-1, a posé que « lorsque la juridiction administrative a annulé une décision de préemption d'un bien, il appartient au juge judiciaire, en cas de non-respect, par le titulaire du droit de préemption, de son obligation de proposer l'acquisition du bien à l'ancien propriétaire, puis, le cas échéant, à l'acquéreur évincé, de connaître des actions indemnitaires que l'un et l'autre sont susceptibles d'engager ; que le juge judiciaire est par ailleurs seul compétent pour statuer sur une action en nullité du contrat de vente par lequel la personne détentrice du droit de préemption est devenue propriétaire du bien ; qu'en revanche, et alors même qu'en cas de désaccord sur le prix auquel l'acquisition du bien doit être proposée, le juge judiciaire est compétent pour le fixer, il appartient au juge administratif, saisi de conclusions en ce sens par l'ancien propriétaire ou l'acquéreur évincé, d'exercer les pouvoirs qu'il tient des articles L. 911-1 et suivants du code de justice administrative afin d'ordonner, le cas échéant sous astreinte, les mesures qu'implique l'annulation, par le juge de l'excès de pouvoir, de la décision de préemption ».

    Le Tribunal des conflits, en se fondant sur les articles du code de justice administratif relatifs à l’astreinte, admet donc la compétence du juge administratif pour ordonner les mesures qu’implique l’annulation de la décision de préemption. En revanche, la compétence du juge judiciaire est affirmée pour connaître des actions indemnitaires de l’acquéreur et du vendeur, pour statuer sur l’action en nullité du contrat de vente du bien préempté et pour fixer le prix du bien rétrocédé.

    Benoît Jorion

  • La loi ALUR et le droit de préemption (III)

    La loi ALUR, en troisième lieu, déséquilibre un peu plus le droit de préemption. Quelques maigres progrès pour les préemptés ne sont pas contrebalancés par l’augmentation des prérogatives des titulaires du droit de préemption.

    ALUR, Duflot, utilisation, revente, dommage intérêt, rétrocession, acquéreur évincé, transfert de propriété Une liberté accrue d’utiliser le bien préempté

    Un des aspects les plus contestables du droit de préemption tenait dans la possibilité pour le titulaire du droit de préemption, une fois le bien acquis, de l’utiliser quasiment sans contrainte. En effet, l’article, L. 213-11 précisait que « les biens acquis par l’exercice du droit de préemption doivent être utilisés ou aliénés aux fins définies à l’article L. 210-1 », c'est-à-dire pour presque n’importe quelle fin.

    Cette liberté était paradoxale au regard de l’obligation, strictement contrôlée par la jurisprudence, d’indiquer dans la décision de préemption la nature d’un projet et de devoir justifier de la réalité de ce dernier (CE, 7 mars 2008, Commune de Meung-sur-Loire, BJDU 2008 p. 57).

    Le nouvel article L. 213-11, loin de corriger ce paradoxe, le confirme en insistant sur le fait que « les biens acquis par l’exercice du droit de préemption doivent être utilisés ou aliénés pour l’un des objets mentionnés au premier alinéa de l’article L. 210-1, qui peut être différent de celui mentionné dans la décision de préemption »,

    L’obligation d’une décision de l’organe délibérant de la personne publique en cas de changement d’affectation du bien n’est guère dissuasive.

    L’action en dommage intérêt

    Le législateur modifie à la marge la possibilité d’une action en dommage-intérêt si, d’une part, l’ancien propriétaire et l’acquéreur évincé ne sont pas informés de la décision d'utiliser ou d'aliéner pour d'autres objets que ceux mentionnés au premier alinéa de l'article L. 210-1 un bien acquis depuis moins de cinq ans et s’il ne leur est pas proposé l'acquisition de ce bien en priorité et, d’autre part, en cas d’annulation ou de déclaration d’illégalité, s’il ne leur est pas proposé l'acquisition du bien en priorité (art. L. 213-12).

    Seule véritable innovation, un 3eme alinéa prévoit désormais que « la renonciation à la rétrocession n'interdit pas de saisir le tribunal de l'ordre judiciaire d'une action en dommages et intérêts contre le titulaire du droit de préemption ».

    Le droit à indemnisation en cas de préemption illégale n’est pas affectée par cette innovation (CE, 15 mai 2006 Commune du Fayet, rec. p. 250).

    ALUR, Duflot, utilisation, revente, dommage intérêt, rétrocession, acquéreur évincé, transfert de propriété Les suites d’une préemption illégale

    La jurisprudence avait dû poser quelles étaient les conséquences de l’annulation d’une décision de préemption lorsque le bien avait entretemps été cédé au titulaire du droit de préemption. Elle avait posé (CE, Sect. 26 février 2003, Bour, rec. p. 59 ; CE Sect., 19 décembre 2008, Pereira dos Santos Maia, req. n° 293853) qu’il « appartient au titulaire du droit de préemption de proposer à l'acquéreur évincé puis, à défaut, au propriétaire initial d'acquérir le bien à un prix visant à rétablir autant que possible et sans enrichissement injustifié de l’une quelconque des parties les conditions de la cession à laquelle l'exercice du droit de préemption a fait obstacle ».

    Le nouvel article L. 213-11-1 innove en précisant que le bien doit être d’abord proposé aux anciens propriétaires puis à l’acquéreur évincé « lorsque son nom était inscrit dans la déclaration d’intention d’aliéner ». Cette inversion n’est pas justifiée. En effet, lorsque le vendeur conteste une décision de préemption c’est soit parce que le prix ne lui convenait pas, soit parce qu’il souhaitait que le bien soit vendu à l’acheteur choisi par lui. En revanche, il ne souhaite quasiment jamais redevenir propriétaire du bien.

    En revanche, lorsque l’acquéreur conteste une décision de préemption, c’est parce qu’il veut acquérir le bien.  Il n’y a donc aucune raison, si ce n’est de faire perdre du temps à tous, de proposer le bien d’abord au vendeur, qui refusera, avant de le proposer ensuite à l’acquéreur.

    A noter cependant que, seul l’acquéreur dont le nom a été mentionné dans la déclaration d’intention d’aliéner pourra bénéficier de cette proposition. Ainsi, si cette mention n’est toujours pas obligatoire, son omission aura une conséquence négative, ce qui n’était pas le cas jusqu’à présent.

    A noter aussi que, d’une part, le législateur rend obligatoire cette proposition, sans tenir compte de l’intérêt général à ne pas rétrocéder qui avait été admis par la jurisprudence. A noter enfin, c’est un autre moyen de rendre la rétrocession plus complexe, qu’il est désormais prévu, à défaut d’accord amiable, l’intervention du juge de l’expropriation pour fixer le prix de revente du bien.

    En revanche, la loi ne règle pas la question pourtant complexe des conséquences de l’annulation d’une décision de préemption lorsque le bien a été entretemps revendu par le titulaire du droit de préemption.

    Les suites de la décision de préemption pour le vendeur

    La seule véritable simplification du droit de préemption provient de la nouvelle rédaction de l’article L. 212-14 du code de l’urbanisme. Cet article est consacré aux suites de la décision de préemption pour le vendeur.

    D’abord, le nouvel article met fin à la position déduite de la jurisprudence selon laquelle le transfert de propriété intervenait, en cas de préemption au prix, au jour de la décision de préemption. Désormais, il est prévu que « le transfert de propriété intervient à la plus tardive des dates auxquelles seront intervenus le paiement et l'acte authentique ». Ce changement constitue un changement bienvenu puisqu’il met fin à la situation paradoxale d’un transfert de propriété sans réitération ni paiement du prix.

    Ensuite, le délai pour payer le bien, ou pour en consigner le paiement en cas d’obstacle, n’est plus de six mois, mais de quatre mois, ce qui constitue une amélioration de la situation du vendeur.

    Benoît JORION

    Avocat à la Cour d’appel de Paris

    Spécialiste en droit public

  • Le prix de rétrocession d'un bien illégalement préempté

    Conseil d’Etat, 31 décembre 2008, P.D.S.M. c/ Commune de Trappes, req. n° 293853

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    Extrait : «Considérant que l'annulation par le juge de l'excès de pouvoir de l'acte par lequel le titulaire du droit de préemption décide d'exercer ce droit emporte pour conséquence que ce titulaire doit être regardé comme n'ayant jamais décidé de préempter ; qu'ainsi, cette annulation implique nécessairement, sauf atteinte excessive à l'intérêt général appréciée au regard de l'ensemble des intérêts en présence, que le titulaire du droit de préemption, s'il n'a pas entre temps cédé le bien illégalement préempté, prenne toute mesure afin de mettre fin aux effets de la décision annulée ; qu’à ce titre, et en l’absence de transaction, qu’il est loisible à la collectivité publique concernée de conclure avec l’acquéreur évincé en vue de déterminer les conditions de la cession du bien ou de la renonciation de ce dernier à tout droit sur ce bien et, le cas échéant, de réparer les préjudices que la décision de préemption illégale a pu lui causer, il appartient au titulaire du droit de préemption de proposer à l'acquéreur évincé puis, à défaut, au propriétaire initial d'acquérir le bien à un prix visant à rétablir autant que possible et sans enrichissement injustifié de l’une quelconque des parties les conditions de la cession à laquelle l'exercice du droit de préemption a fait obstacle ;

    Considérant que le prix auquel la collectivité est tenue, le cas échéant, de proposer la cession du bien à l’acquéreur évincé doit, sur la base du prix mentionné dans la déclaration d’intention d’aliéner adressée au titulaire du droit de préemption, d’une part, et s’il y a lieu, être majoré du coût des travaux indispensables à la conservation du bien que la collectivité publique a supporté et de la variation de la valeur vénale du bien consécutive aux travaux utiles d’amélioration ou de démolition réalisés par la collectivité publique à la suite de la préemption litigieuse et, d’autre part, en cas de dégradation du bien, être diminué des dépenses que l’acquéreur devrait exposer pour remettre le bien dans l’état dans lequel il se trouvait initialement ; qu’en revanche, il n’y a pas lieu de tenir compte, dans la fixation de ce prix, des facteurs étrangers à la consistance et à l’état du bien qui ont modifié sa valeur vénale, notamment la modification des règles d’urbanisme qui lui sont applicables et les évolutions du marché immobilier postérieures à la décision de préemption
    ».

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    Commentaire : Quelle suite donner à l’annulation d’une décision de préemption ? Cette question continue à se poser en pratique et devant le juge administratif. Il faut, à la fois, veiller à donner un effet utile à une décision du juge administratif et veiller à la sécurité juridique de l’éventuel sous-acquéreur du bien préempté. Lorsque l’autorité qui a préempté illégalement un bien en est toujours propriétaire, elle peut se voir enjoindre de rétrocéder le bien. C’est l’apport de la jurisprudence Bour.

    La difficulté est alors de savoir à quel prix cette rétrocession doit avoir lieu. Le principe était celui de l’absence d’enrichissement sans cause. Avec la décision commentée, le Conseil d’Etat refuse, contrairement à la Cour administrative d’appel, qu’il soit tenu compte de la modification du classement du bien au regard des règles d’urbanisme, modification qui peut être à l’origine d’une importante modification de sa valeur.

    Mais le Conseil d’Etat va plus loin en réécrivant le considérant de principe de l’arrêt Bour. L’enrichissement « sans cause » est remplacé par l'enrichissement « injustifié ». Cet arrêt synthétise par ailleurs la jurisprudence antérieure relative à la prise en compte des travaux réalisés sur le bien, en l’enrichissant, voire en l’infléchissant, en visant les « travaux indispensables » et les « travaux utiles d’amélioration » ou de démolition, ainsi que l’éventuelle dégradation du bien. Cet arrêt rejette aussi explicitement les facteurs étrangers à la consistance et à l’état du bien qui ont pu modifier sa valeur vénale, tels que la modification des règles d’urbanisme et les évolutions du marché immobilier.

    Il convient cependant de regretter que le Conseil d’Etat ait visé comme prix de base de la rétrocession celui « mentionné dans la déclaration d’intention d’aliéner adressée au titulaire du droit de préemption ». En effet, dans certaines hypothèses, l’acquisition aura eu lieu à un prix inférieur à ce prix (préemption acceptée à un prix plus bas, éventuellement après intervention du juge judiciaire). Le titulaire du droit de préemption serait alors amené à proposer le bien à l’acquéreur évincé à un prix supérieur à celui auquel il l’a acquis, situation caractéristique d’un « enrichissement injustifié ». Il est à souhaiter que la jurisprudence nuance une telle solution.

    A noter aussi que cet arrêt encourage les parties à rechercher une transaction. Le Conseil d’Etat trace même les termes de l’accord : cession du bien ou renonciation à cession, d’une part, réparation des préjudices subis par l’acquéreur évincé, d’autre part.


    Benoît JORION
    Avocat à la Cour d’appel de Paris
    Spécialiste en droit public


  • Un bail emphytéotique n'empêche pas de proposer un bien illégalement préempté à l'acquéreur évincé

    Cour administrative d’appel de Paris, 11 juillet 2007 Société AVI, à paraître aux tables


    Extrait : « Considérant qu'aux termes du premier alinéa de l'article L. 911-7 du code de justice administrative : « En cas d'inexécution totale ou partielle ou d'exécution tardive, la juridiction procède à la liquidation de l'astreinte qu'il avait prononcée » et qu'aux termes de l'article L. 911-8 du même code : « La juridiction peut décider qu'une part de l'astreinte ne sera pas versée au requérant. Cette part est affectée au budget de l'Etat » ; qu'en majorant le prix convenu dans la déclaration d'intention d'aliéner de frais d'acquisition et de gestion, qui ne peuvent que demeurer à sa charge et qui n'ont généré aucun enrichissement sans cause de la société AVI, la VILLE DE PARIS ne peut être regardée comme ayant entièrement exécuté l'injonction contenue à l'article 3 de l'arrêt du 23 novembre 2006 ; qu'il y a lieu, par suite, de statuer sur les conclusions de la société AVI, de liquider l'astreinte prévue par ledit arrêt pour la période qui court du 14 décembre 2006 au 5 juillet 2007 et d'en fixer le montant à 200 euros par jour de retard, soit pour 203 jours, une somme de 40 600 euros, versée par moitié à la société AVI et à l'Etat ;

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    (…)

    Considérant, ainsi que l'a cour l'a indiqué dans son arrêt du 23 novembre 2006 notifié à la VILLE DE PARIS le 28 novembre 2006, que l'annulation de la décision de préemption du 23 décembre 2003 impliquait nécessairement, en l'absence de cession du bien préempté et d'atteinte excessive à l'intérêt général, que la VILLE DE PARIS prenne toute mesure de nature à mettre fin aux effets de la décision annulée ; que le bail emphytéotique, conclu au profit de la RIVP les 6 et 11 avril 2005 et attribuant à celle-ci des droits réels, ne peut, compte tenu notamment des pouvoirs conservés par la VILLE DE PARIS sur le bien, être assimilé à une revente de l'immeuble ; que, dès lors, la VILLE DE PARIS devait nécessairement provoquer la résiliation de ce bail emphytéotique soit à l'amiable, soit en saisissant le juge du contrat en vue d'en voir prononcer la nullité ; qu'il convient par suite de prononcer une nouvelle mesure d'injonction ayant cet objet
    ;"

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    Commentaire : Avec cet arrêt du 11 juillet 2007, la Cour administrative d’appel de Paris vient de préciser la portée d’un arrêt relatif aux conséquences de l’annulation d’une décision de préemption rendu par elle le 23 novembre 2006 et précédemment commenté ici (note du 19 juin 2007).

    On sait depuis l’arrêt Bour du 26 février 2003 que l’acheteur écarté à tort, du fait d’une décision de préemption illégale, a droit à ce que le bien lui soit proposé « à un prix visant à rétablir les conditions de la transaction à laquelle l'exercice du droit de préemption a fait obstacle ».

    Dans son précédent arrêt du 23 novembre 2006, la Cour administrative d’appel de Paris avait confirmé l’annulation d’une décision de préemption prise par la ville de Paris. Elle avait aussi enjoint la Ville, sous astreinte « de proposer à la société AVI l'acquisition du bien illégalement préempté au prix mentionné dans la déclaration d'intention d'aliéner ».

    La Ville de Paris a tenté de majorer ce prix de frais d'acquisition et de gestion qu’elle avait supportés. La Cour estime, de façon parfaitement normale, dans la logique de l’arrêt Bour, que ces frais « qui n'ont généré aucun enrichissement sans cause de la société AVI » ne peuvent que demeurer à la charge de la Ville. En conséquence, la Cour estime que la Ville, en proposant le bien à un prix incorrect, n’a pas entièrement exécuté l’injonction contenue dans le premier arrêt et liquide l’astreinte.

    Le principal intérêt de l’arrêt est toutefois ailleurs. Une des hypothèses qui permet de limiter les conséquences de l’annulation d’une décision de préemption est celle où, entre temps, le bien a été cédé par l’autorité titulaire du droit de préemption. Pour s’opposer à ce que le bien illégalement préempté soit proposé à l’acheteur évincé, la Ville de Paris avait initialement objecté que l’immeuble en cause avait fait l’objet d’un bail emphytéotique avec la RIVP, société d’économie mixte de la Ville. Dans son arrêt du 23 novembre 2006, la Cour n’avait pas explicitement répondu à un tel moyen. Ce deuxième arrêt est l’occasion pour elle de le faire.

    La conclusion d’un bail emphytéotique n’est certes pas l’équivalent d’une cession. Mais un tel bail, conclu pour une longue durée, a pour objet de faire bénéficier le preneur de droits réels sur le bien. La Doctrine a pu se demander si un bail emphytéotique pouvait faire l’objet d’une résiliation anticipée, tant précisément la volonté de protéger le preneur dans la durée était forte.

    En l’espèce, la Cour écarte l’assimilation d’un bail emphytéotique à une revente de l’immeuble. Elle le fait certes au regard « des pouvoirs conservés par la Ville de Paris sur le bien », ce qui en atténue la portée. Les liens que la Ville entretient avec une SEM dédiée au logement, tout comme la possibilité admise en jurisprudence de faire figurer une clause de résiliation dans un bail emphytéotique, peuvent expliquer cette précision. L'arrêt n"en refuse pas moins de considérer que la conclusion d'un tel bail constitue un obstacle à la cession à l'acquéreur irrégulièrement évincé. Il enjoint donc à la Ville de procéder à la résiliation du bail.

    Il faut saluer une telle décision qui s’emploie à donner tous ses effets à l’annulation juridictionnelle d’une décision de préemption, en faisant prévaloir la légalité administrative sur la stabilité contractuelle. Il convient en effet d’éviter que des conventions de circonstance ne soient conclues pour tenter de prévenir les effets de l’annulation prévisible d’une décision de préemption. Cet arrêt constitue un nouvel exemple de la volonté jurisprudentielle de sanctionner de façon efficace l’illégalité d’une décision de préemption.


    Benoît Jorion
    Avocat à la Cour d’appel de Paris,
    Spécialiste en droit public