préemption

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  • Les limites territoriales du droit de préemption urbain

    Conseil d’Etat, 21 mai 2008 Société EPM, req. n° 310951, à paraître aux tables

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    Extraits : « Considérant qu'il résulte de l'article L. 211-1 du code de l'urbanisme que le droit de préemption d'une commune dotée d'un plan d'occupation des sols ou d'un plan local d'urbanisme ne peut s'exercer que dans les zones urbaines et dans les zones d'urbanisation future délimitées par ce plan dans lesquelles elle a institué un droit de préemption urbain ; que si l'article L. 213-2-1 du même code permet à la commune, lorsque la réalisation d'une opération d'aménagement le justifie, d'exercer son droit de préemption urbain sur la fraction d'une unité foncière mise en vente qui est comprise dans une zone soumise à ce droit, et précise qu'en ce cas le propriétaire peut exiger de la commune qu'elle se porte acquéreur de l'ensemble de cette unité foncière, il n'autorise pas la commune à préempter ceux des éléments d'un ensemble immobilier faisant l'objet d'une déclaration d'intention d'aliéner unique qui sont situés dans une zone où le droit de préemption ne peut pas s'exercer ;

    Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis au juge des référés que, par une délibération en date du 26 mai 1989, le conseil municipal de la commune de Grimaud a décidé d'instituer un droit de préemption urbain sur toutes les zones d'urbanisation (U) et d'urbanisation future (NA) du plan d'occupation des sols de la commune ; qu'ainsi que l'a relevé le juge des référés, il est constant que si les quatorze appartements préemptés se situent en zone UB, les trois bungalows se trouvent en zone NB dans laquelle la commune ne peut pas exercer son droit de préemption ; qu'il résulte de ce qui a été dit ci-dessus qu'en l'absence de dispositions législatives en ce sens, le juge des référés du tribunal administratif de Nice ne pouvait se fonder sur les dispositions de l'article L. 213-2-1 du code de l'urbanisme et sur la circonstance que la cession de l'ensemble constitué par ces appartements et ces bungalows est intervenue globalement, par voie d'adjudication dans le cadre d'une procédure judiciaire, sur décision du juge-commissaire, pour ne pas retenir comme de nature à créer un doute sérieux sur la légalité de la décision de préemption le moyen tiré de ce qu'elle ne respectait pas les zones de préemption ; que son ordonnance est donc entachée d'une erreur de droit et doit pour ce motif, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens du pourvoi, être annulée ; »


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    Commentaire : Même si le droit de préemption urbain (DPU) est devenu le droit de préemption de droit commun, il ne peut pour autant s’exercer sur n’importe quelle partie d’une commune qui l’a institué.

    La commune de Grimaud vient d’en faire l’expérience. Elle a souhaité préempter un bien composé de quatorze appartements et de trois bungalows, lesquels avaient été vendus en bloc et par adjudication. La difficulté est que ces trois bungalows se situaient en zone NB, alors que le droit de préemption urbain ne peut, ainsi que son nom l’indique, être exercé pour l’essentiel qu’en zone urbanisées (U) ou d’urbanisation future (NA).

    Avant la loi SRU du 13 décembre 2000, cette circonstance aurait suffit à empêcher la préemption. En effet, un bien peut ne faire l’objet que d’une seule déclaration d’intention d’aliéner, même s’il est constitué de plusieurs parcelles soumises à des règlementation différentes, conformément à la règle de l’unité foncière (CE Sect. 23 juin 1995 Commune de Bouxières-aux-Dames, rec. p. 273). Depuis la loi SRU, l’article L. 213-2-1 du code de l’urbanisme permet, sous certaines conditions, de ne préempter qu’une fraction d’une telle unité foncière.

    Pourtant, en l’espèce, la commune de Grimaud a préempté la totalité du bien. Elle a peut-être été influencée par le fait que le bien avait été vendu par adjudication. On sait qu’une adjudication n’interdit pas la préemption, mais que, dans certains cas, elle modifie la procédure de préemption. Toutefois, le Conseil d’Etat vient de rappeler qu’une adjudication ne modifie pas les règles au point de permettre de préempter un terrain qui n’est pas soumis au droit de préemption.

    Benoît JORION
    Avocat à la Cour d’appel de Paris
    Spécialiste en droit public

  • Une commune ne peut en principe pas préempter sur le territoire d'une autre commune

    Tribunal administratif d’Amiens, 16 octobre 2007 Liebel, req. n° 0502557

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    Extrait : « Si aucune disposition légale ou réglementaire, non plus qu'aucun principe général du droit n'interdit à une commune d'acquérir des biens situés sur le territoire d'une autre commune, il ressort des dispositions précitées (l'article L. 211-1 du Code de l'urbanisme) qu'elle ne peut légalement instituer le droit de préemption urbain que sur tout ou partie de certaines des zones délimitées par un POS rendu public ou d'un plan local d'urbanisme approuvé qui la couvre ; qu’elle ne peut, par voie de conséquence, sauf à recevoir délégation à cet effet dans les conditions prévues à l'article L. 213-3 du Code de l'urbanisme, exercer le droit de préemption urbain sur le territoire d'une autre commune ; qu’ainsi et dès lors que la décision de préemption porte en partie sur des parcelles situées sur le territoire de Plailly et qu’il est constant que cette commune n'a ni délégué, ni même institué son droit de préemption urbain sur lesdites parcelles, au demeurant classées en zone NC, M. Liebel est fondé à soutenir que la décision attaquée est entachée d'incompétence en tant qu'elle porte sur ces dernières ; que si la décision attaquée porte également sur une située sur le territoire de la commune de Mortefontaine incluse dans le périmètre d'institution du droit de préemption urbain de la commune, ce moyen est de nature à entraîner l'annulation totale de la décision attaquée, dès lors qu'elle s'applique sur une même unité foncière et a un caractère indivisible ».

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    Commentaire : On sait qu’il est illégal de préempter un terrain qui se situe à cheval, d’une part, sur une zone de préemption et, d’autre part, sur une zone pour laquelle la préemption n’est pas possible (CE, 29 juillet 1983, Association de défense et sauvegarde de Kergavarec, Rec. p. 311). Une telle décision est illégale dans son ensemble. C’est sans doute la raison pour laquelle la loi SRU a introduit dans le code de l’urbanisme un article L. 213-2-1 qui permet une préemption partielle en disposant que « Lorsque la réalisation d'une opération d'aménagement le justifie, le titulaire du droit de préemption peut décider d'exercer son droit pour acquérir la fraction d'une unité foncière comprise à l'intérieur d'une partie de commune soumise à un des droits de préemption institués en application du présent titre. »

    Le jugement commenté vise une hypothèse rare, celle de la préemption de plusieurs parcelles, situées sur deux communes différentes, mais constituant une seule unité foncière. Si le Tribunal rappelle qu’une commune peut préempter sur le territoire d’une autre commune, c’est à condition d’en avoir reçu délégation. Ce n'était pas le cas en l’espèce.

    La préemption exercée par la commune de Mortefontaine sur la parcelle située sur le territoire de la commune voisine de Plailly, qui de surcroît n’avait pas institué de droit de préemption et avait classé la parcelle préempté en zone NC (!), est donc illégale.

    Cette décision est illégale dans son ensemble, les deux parcelles constituant une unité foncière au sens de la jurisprudence (CE, 27 juin 2005, Commune de Chambéry) et ne nécessitant donc qu’une seule déclaration d’intention d’aliéner. Le juge renoue ainsi avec la jurisprudence précitée sur l’illégalité totale d’une décision de préemption, qui aurait pu par ailleurs, depuis la loi SRU, légalement ne préempter qu'une partie du bien.



    Benoît JORION
    Avocat à la Cour d’appel de Paris
    Spécialiste en droit public

  • Un aménagement doit être d’une importance suffisante pour justifier une préemption

    Conseil d’Etat, 3 décembre 2007 Commune de Mondragon, req. n° 295779

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    Extraits : « Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes de l'article L. 210-1 du code de l'urbanisme : « Les droits de préemption institués par le présent titre sont exercés en vue de la réalisation, dans l'intérêt général, des actions ou opérations répondant aux objectifs définis à l'article L. 300-1 (…) » ; qu'aux termes de l'article L. 300-1 du même code : « Les actions ou opérations d'aménagement ont pour objets de mettre en oeuvre un projet urbain, une politique locale de l'habitat, d'organiser le maintien, l'extension ou l'accueil des activités économiques, de favoriser le développement des loisirs et du tourisme, de réaliser des équipements collectifs, de lutter contre l'insalubrité, de permettre le renouvellement urbain, de sauvegarder ou de mettre en valeur le patrimoine bâti ou non bâti et les espaces naturels (…) » ; qu'il résulte de ces dispositions que des travaux destinés à améliorer la visibilité d'un carrefour ne sont pas en eux-mêmes de nature à caractériser une action ou une opération d'aménagement au sens de l'article L. 300-1 du code de l'urbanisme ;

    Considérant qu'aux termes de la décision du 4 octobre 2001, la préemption de l'immeuble de M. A permettra, du fait de sa démolition, l'amélioration de la visibilité du débouché de la rue de la Paix sur le chemin départemental n° 26 ; que, nonobstant l'intérêt général qui s'attache à la réalisation des travaux projetés en vue de l'amélioration de la sécurité des usagers, ces travaux ne présentent pas, compte tenu de leur objet et de leur consistance, le caractère d'une opération d'aménagement au sens de l'article L. 300-1 du code de l'urbanisme ; qu'il ne ressort pas des pièces du dossier qu'ils s'intègreraient dans une telle opération ;
    »

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    Commentaire : Les articles L. 210-1 et L. 300-1 du code de l’urbanisme permettent de préempter pour mener à bien des « actions ou opérations d’aménagement » qui ont notamment « pour objets de mettre en œuvre un projet urbain ».

    Cependant, le Conseil d’Etat vient rappeler avec l’arrêt Commune de Mondragon que le fait de recourir à la préemption en vue de la réalisation d’un projet urbain exige que ce projet soit d’une certaine importance.
    Il a ainsi déjà été jugé que la seule protection d’un site (CAA Nancy 23 octobre 2003, construct-urb. 2004 comm. 39), de simples travaux de sécurité sur une voie publique (CAA Paris 28 juin 1994 Commune de Meudon, req. n° 93PA00388), ou le simple réaménagement de la voirie par redressement d’un virage (CE 30 juillet 1997 Ville d’Anger, tab. p. 1122) ne justifiaient pas l’exercice du droit de préemption.

    De même, dans le cas d’espèce, le Conseil d’Etat estime que des travaux destinés à améliorer la visibilité d'un carrefour ne permettent pas de recourir à la préemption. Il fait à cette occasion une intéressante distinction entre l’intérêt général qui s’attache à cette opération et l’exercice du droit de préemption. Le caractère d’intérêt général d’une opération ne permet donc pas de mener à bien n’importe quelle opération de préemption. De même, de micro aménagements ne justifient pas légalement le recours au droit de préemption.

    Benoît JORION
    Avocat à la Cour d’appel de Paris
    Spécialiste en droit public