préemption

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210-2

  • Préemption et maintien des locataires dans les lieux

    La loi n° 2006-685 du 13 juin 2006 relative au droit de préemption et à la protection des locataires en cas de vente d'un immeuble, dite loi Aurillac, a souhaité protéger les locataires en cas de vente « à la découpe » de leur immeuble. La loi du n° 75-1351 du 31 décembre 1975 avait déjà imposé, avant toute vente, de proposer aux locataires d’un immeuble divisé en lots acheter le bien. La loi du 13 juin 2006 est allée plus loin en instituant, dans certaines conditions, un mécanisme comparable au bénéfice des locataires en cas de vente dans sa totalité et en une seule fois d’un immeuble à usage d’habitation ou à usage mixte de plus de dix logements.

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    Cette loi, issue d’une proposition de loi, n’avait vocation initialement qu’à régler les relations entre bailleurs et locataires. Elle a été enrichie, lors de son passage en première lecture au Sénat, d’un mécanisme d’information de la commune sur laquelle se trouve l’immeuble et d’un droit de préemption à son bénéfice. Cet ajout a été codifié à l’article L. 210-2 du code de l’urbanisme. Cet article peut être cité in extenso. Il dispose que « En cas de vente d'un immeuble à usage d'habitation, la commune peut faire usage de son droit de préemption pour assurer le maintien dans les lieux des locataires. »

    Ainsi, par le double effet d’un amendement adopté sans précaution de rédaction suffisante et de la codification d’une partie seulement de la loi, le droit de préemption des communes vient de s’enrichir d’une innovation potentiellement redoutable.

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    On sait que le juge administratif contrôle de façon rigoureuse la motivation d’une décision de préemption ainsi que la réalité des actions ou opérations projetées. Or, la nouveauté de la préemption destinée au maintien des locataires dans les lieux est qu’elle s’auto-justifie et s’auto-réalise. Une décision de préemption prise dans le cadre de l’article L. 210-2 relatif au maintien des locataires dans les lieux peut être motivée par …le maintien des locataires dans les lieux et avoir pour objet…le maintien dans les lieux des locataires.

    Ainsi, n’importe quelle décision de préemption prise par une commune, à partir du moment où elle porte sur un bien loué, risque de pouvoir être justifiée par le maintien du locataire dans les lieux, indépendamment d’ailleurs de la raison réelle de la décision de préemption, qui peut être fort différente.

    Une telle solution ne saurait être acceptée car elle permettrait de s’affranchir de l’exigeant contrôle développé par le juge administratif sur la légalité des décisions de préemption et parce qu’elle romprait l’équilibre fragile institué en matière de droit de préemption entre prérogatives de puissance publique en matière de transactions immobilières et liberté des acteurs sur ce marché.

    Il est donc à souhaiter que les juridictions administratives exigent une motivation qui ne soit pas seulement tautologique, qui tienne compte des situations d’espèce, et qui fasse référence à un projet antérieur suffisamment précis.

    Il convient par ailleurs d’insister sur la volonté du législateur, lors du vote de l’article L. 210-2 du code de l’urbanisme, de lier le nouveau droit de préemption des communes aux hypothèses de vente à la découpe. C’est ce qui découle assez nettement de la présentation de ce nouveau droit par le sénateur Braye auteur de l’amendement. Dès lors, en dépit du caractère très général des dispositions de cet article, il ne devrait pouvoir légalement y avoir préemption par les communes pour assurer le maintien des locataires dans les lieux que dans la seule hypothèse d’une « vente, dans sa totalité et en une seule fois, d'un immeuble à usage d'habitation ou à usage mixte d'habitation et professionnel de plus de dix logements au profit d'un acquéreur ne s'engageant pas à proroger les contrats de bail à usage d'habitation en cours à la date de la conclusion de la vente », c'est-à-dire dans l’hypothèse envisagée par le législateur en matière de vente à la découpe.

    Benoît JORION
    Avocat à la Cour d’appel de Paris
    Spécialiste en droit public