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Conseil d’Etat, 24 juillet 2009 Société Finadev, req. n° 316158, à paraître aux tables
Extraits : « Considérant qu'aux termes l'article L. 213-2 du code de l'urbanisme : Toute aliénation visée à l'article L. 213-1 est subordonnée, à peine de nullité, à une déclaration préalable faite par le propriétaire à la mairie de la commune où se trouve situé le bien. Cette déclaration, dont le maire transmet copie aux services fiscaux, comporte obligatoirement l'indication du prix et des conditions de l'aliénation projetée ou, en cas d'adjudication, l'estimation du bien ou sa mise à prix./ (...) Le silence du titulaire du droit de préemption pendant deux mois à compter de la réception de la déclaration d'intention d'aliéner vaut renonciation à l'exercice du droit de préemption (...) ; qu'il résulte de ces dispositions que le titulaire du droit de préemption dispose pour exercer ce droit d'un délai de deux mois qui court à compter de la réception de la déclaration d'intention d'aliéner ; que ce délai, qui constitue une garantie pour le propriétaire qui doit savoir dans les délais les plus brefs s'il peut disposer librement de son bien, ne peut être prorogé par la demande de précisions complémentaires que si la déclaration initiale était incomplète ou entachée d'une erreur substantielle portant sur la consistance du bien objet de la vente, son prix ou les conditions de son aliénation ; que, dans ce cas, le délai de deux mois court à compter de la réception par l'administration d'une déclaration complétée ou rectifiée ; »
Commentaire : Cet arrêt apporte une intéressante contribution, à la fois, à l’analyse du délai de deux mois laissé au titulaire du droit de préemption pour préempter et au contenu de la déclaration d’intention d’aliéner.
En premier lieu, on sait que l'article L. 213-2 du code de l'urbanisme pose que « le silence du titulaire du droit de préemption pendant deux mois à compter de la réception de la déclaration d'intention d'aliéner vaut renonciation à l'exercice du droit de préemption » et que cet article a été interprété comme rendant illégal, non seulement une décision de préemption prise au-delà du délai de deux mois, mais aussi, ce qui est plus original, une décision parvenue au-delà de ce délai.
C’est donc au titulaire du droit de préemption de maîtriser les aléas de la distribution postale et d’en supporter les conséquences.
Il s’agit ici d’un des très rares cas, peut-être le seul, ou l’irrégularité de la publicité d’un acte a une conséquence sur la légalité de cet acte.
Le Conseil d’Etat justifie ce régime juridique en indiquant que ce délai constitue « une garantie pour le propriétaire qui doit savoir dans les délais les plus brefs s'il peut disposer librement de son bien ». Ainsi, le fait de notifier une préemption au-delà d’un délai de deux mois ne méconnaît pas simplement une règle de publicité d’un acte administratif. Cela méconnait une garantie, d’ailleurs substantielle, puisqu’elle se rattache à la libre disposition de son bien par le vendeur. C’est donc in fine une garantie liée au droit de propriété qui, selon la présentation classique, inclut son abusus.
En deuxième lieu, cet arrêt précise le contenu légal de la déclaration d’intention d’aliéner. L’article L. 213-2 du code de l’urbanisme est relativement imprécis puisqu’il évoque « l'indication du prix et des conditions de l'aliénation projetée ». Certains titulaires du droit de préemption multiplient les demandes de précision, retardant d’autant le début de la computation du délai de deux mois.
Le Conseil d’Etat précise donc que le délai « ne peut être prorogé par la demande de précisions complémentaires que si la déclaration initiale était incomplète ou entachée d'une erreur substantielle portant sur la consistance du bien objet de la vente, son prix ou les conditions de son aliénation ». Ainsi, seules deux hypothèses liées au caractère incomplet (les rubriques obligatoires ?) ou à une erreur substantielle (et pas une simple erreur) peuvent donner lieu de la part du titulaire du droit de préemption à demande de précision qui, elle-même permettra de proroger le délai.
D’après l’arrêt commenté, une erreur sur la surface habitable pouvait donner lieu à une demande de deuxième déclaration d’intention d’aliéner. En revanche, la troisième déclaration d’intention d’aliéner, demandée par le titulaire du droit de préemption, sans que l’on en connaisse la raison, n’a pas permis de faire courir une nouvelle fois le délai de préemption.
Benoît JORION
Avocat à la Cour d’appel de Paris
Spécialiste en droit public