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  • Cession gratuite de terrain et droit de propriété

    Conseil Constitutionnel, 22 septembre 2010, Société ESSO SAF, QPC n° 2010-33

     

     

     

    Conseil constitutionnel.jpgExtrait : « Considérant que le e du 2° de l'article L. 332-6-1 du code l'urbanisme permet aux communes d'imposer aux constructeurs, par une prescription incluse dans l'autorisation d'occupation du sol, la cession gratuite d'une partie de leur terrain ; qu'il attribue à la collectivité publique le plus large pouvoir d'appréciation sur l'application de cette disposition et ne définit pas les usages publics auxquels doivent être affectés les terrains ainsi cédés ; qu'aucune autre disposition législative n'institue les garanties permettant qu'il ne soit pas porté atteinte à l'article 17 de la Déclaration de 1789 ; que, par suite, le législateur a méconnu l'étendue de sa compétence ; qu'il s'ensuit que, sans qu'il soit besoin d'examiner les griefs invoqués par la requérante, le e du 2° de l'article L. 332-6-1 du code l'urbanisme doit être déclaré contraire à la Constitution »

     

    Commentaire : L’attention des lecteurs a déjà été attirée sur l’innovation majeure introduite dans le droit français depuis le 1er mars 2010 avec la possibilité de poser une question prioritaire de constitutionnalité (QPC) au Conseil constitutionnel.

    Dans ce cadre, le Conseil constitutionnel a rendu récemment plusieurs décisions relatives aux contraintes pesant sur la propriété immobilière. Il a examiné les questions posées au regard de l’article 17 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen qui dispose que « la propriété étant un droit inviolable et sacré, nul ne peut en être privé, si ce n'est lorsque la nécessité publique, légalement constatée, l'exige évidemment, et sous la condition d'une juste et préalable indemnité ».

    Les lecteurs de ce blog intéressés par la problématique des rapports entre l’intérêt général et le droit de propriété ne peuvent qu’être intéressés. Il ne s’agit pas de préemption. Il ne s’agit pas toujours d’expropriation au sens strict. Mais il s’agit à chaque fois d’un mode d’acquisition contraint de la propriété immobilière privée.

    Dans deux décisions, le Conseil constitutionnel a estimé que cet article 17 de la Déclaration de 1789 n’était pas méconnu. Il l’a fait à propos des dispositions dérogatoires permettant d’exproprier à vil prix des immeubles insalubres ou frappé de péril (2010-26 QPC du 17 septembre 2010). Il l’a fait aussi à propos de dispositions permettant le transfert de propriété, sans indemnité, des voies privées ouvertes à la circulation publique (2010-43 QPC du 6 octobre 2010).

    En revanche, dans une décision du 22 septembre 2010, le Conseil constitutionnel a déclaré le e du 2° de l'article L. 332-6-1 du code l'urbanisme contraire à la Constitution.

    Cet article du code de l’urbanisme qualifiait de contributions aux dépenses d'équipements publics « les cessions gratuites de terrains destinés à être affectés à certains usages publics qui, dans la limite de 10 % de la superficie du terrain auquel s'applique la demande, peuvent être exigées des bénéficiaires d'autorisations portant sur la création de nouveaux bâtiments ou de nouvelles surfaces construites ».

    Une telle cession gratuite pouvait représenter un coût extrêmement important pour l’opérateur économique et être exigée à l’occasion d’une autorisation permettant la création de nouveaux bâtiments ou de nouvelles surfaces. On imagine quels moyens de pression permettait une telle disposition.

    Le Conseil constitutionnel a déclaré cet alinéa contraire à la Constitution. En conséquence, il l’a abrogé à compter de sa décision. Une telle abrogation est invocable dans les litiges en cours. L’effet est donc absolu et immédiat.

    Il doit cependant être souligné que le Conseil constitutionnel ne condamne pas le principe de la cession gratuite lui-même, mais l’absence de garanties. Il adresse donc davantage un reproche au législateur d’avoir méconnu sa compétence, plutôt qu’il ne sanctionne une violation directe de l’article 17 de la Déclaration de 1789, article qui commence pourtant, faut-il le rappeler, par énoncer le caractère inviolable et sacré du droit de propriété.

     

    Benoît JORION

    Avocat à la Cour d’appel de Paris

    Spécialiste en droit public